Articles

Divers articles de fond

Bulletin théologique de Normandie n° 35

Une livraison particulièrement riche dans laquelle je relèverai:

  • La liberté du théologien de B. Paillot: soulignant à quel point la théologie doit être nourrie par la prière et le discernement ecclésial mais aussi combien il est essentiel que les théologiens puissent partager leurs réflexions, même au risque de critiques.
  • la prière bénédictine par dom. Jean-Charles Nault osb. Abbé de Saint-Wandrille,  qui présente la prière dans la tradition bénédictine, soulignant son rôle central dans la vie monastique. Il explique comment la prière structure la journée des moines et favorise une attention spirituelle constante. 
  • Les notes de la conférence Conférence sur la lecture juive du Nouveau Testament  donnée par le rabbin Philippe Haddad qui propose une approche juive des textes du Nouveau Testament, soulignant la judaïté de Jésus et de ses enseignements. Il explore comment ces textes peuvent enrichir la foi juive sans nécessiter une conversion au christianisme.

Enfin il faut mentionner spécialement la sitographie: de FRANÇOIS à LÉON XIV avec de multiples liens 

Bonne lecture sur le site: Le Bulletin Théologique n° 35
Les archives du Bulletin accessibles ici : https://bulletintheologique.wordpress.com/
Geo

Bulletin théologique de Normandie n° 35 Lire la suite »

XLXI Pape François

XLXI Pape François

Jorge Mario Bergoglio, Ecclésiastique argentin, membre de la Compagnie de Jésus et premier pape non européen depuis le pape syrien Grégoire III au VIII e  siècle.
 François est aussi le premier pape issu du continent américain et le premier à prendre le nom de François, en mémoire de François d’Assise.

Cursus

    Ordonné prêtre le 13 décembre 1969, il fait profession solennelle dans la Compagnie de Jésus en 1973 et trois mois plus tard âgé de trente-six ans, est nommé provincial des jésuites d’Argentine jusqu’en 1980.
Son attitude durant la dictature militaire entre 1976 et 1983 fait l’objet de controverses [1] de la part des milieux conservateurs de droite qui ne l’aiment guère…
     Jorge Mario Bergoglio a été évêque auxiliaire (1992), puis coadjuteur (1997), puis archevêque de Buenos Aires (1998). Jean-Paul II le crée cardinal-prêtre lors du consistoire du 21 février 2001 au titre cardinalice de San Roberto Bellarmino
Le 15 mai 2007, lors de la V e conférence générale du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) qui se déroulait dans le sanctuaire d’Aparecida au Brésil, le cardinal Bergoglio est élu président de la commission de rédaction du document final, appelé « document d’Aparecida [2]  » : un texte majeur, visant à redonner un élan d’évangélisation au continent sud-américain.

Rome

Benoît XVI ayant annoncé le 11 février 2013 sa renonciation comme pape, un conclave est convoqué à partir du 12 mars suivant. Lors des discussions préalables, l’intervention du cardinal Bergoglio sur la nécessité pour l’Église catholique de se décentrer vers ses marges est particulièrement remarquée.

Selon les propositions qu’il a tenus lors d’une congrégation générale des cardinaux avant d’entrer en conclave, le cardinal Bergoglio a une vision personnelle de l’Église qu’il articule en quatre points :

    • sur la mission d’évangélisation de l’Église  : «  L’Église est appelée à sortir d’elle-même et à aller dans les périphéries, les périphéries géographiques mais également existentielles : là où résident le mystère du péché, la douleur, l’injustice, l’ignorance, là où le religieux, la pensée, sont méprisés, là où sont toutes les misères  » ;
    • sur l’Église elle-même  : il critique l’Église « autoréférentielle » et des institutions ecclésiastiques frappées d’une sorte de « narcissisme théologique ». «  L’Église autoréférentielle prétend retenir le Christ à l’intérieur d’elle-même et ne le fait pas sortir  » ;
    • sur les réformes  : selon lui, l’Église va vers un mal très grave dont on connaît le nom : « la spiritualité mondaine » (selon le P. de Lubac, c’est le pire mal qui peut arriver à l’Église). Il critique «  l’Église mondaine qui vit répondue sur elle-même et pour elle-même. Cette analyse devrait apporter un éclairage sur les changements et réformes possibles qui doivent être faits pour le salut des âmes  » ;
    • sur le Pape  : il faut un «  homme qui, partant de la contemplation de Jésus-Christ, pourrait aider l’Église à se rapprocher des périphéries existentielles de l’humanité  ». Dans cette perspective, au 20 e  anniversaire de l’université del Salvador en 1995, ou encore dans sa biographie de 2010  El jesuita , le pape reprend la formule de Joseph Malègue «  Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ  »

Début du Pontificat

Élection

Le 13 mars, après environ vingt-quatre heures de délibérations et cinq tours de scrutation, il est élu Evêque de Rome et 266 e  pape de l’Église catholique

Depuis le balcon de la loge des bénédictions de la basilique Saint-Pierre, François, prie pour Benoît XVI qu’il appelle «  évêque émérite  [3] » – étant lui-même évêque de Rome-, puis demande à la foule de faire silence et de prier pour lui avant qu’il donne sa bénédiction apostolique  urbi et orbi  (« À la ville et au monde ») d’abord à la «  communauté diocésaine de Rome  », car «  le conclave a donné un évêque à Rome  ».

La messe d’inauguration

Comme à chaque pontificat, la messe d’inauguration est un moment ou le Pape exprime les axes importants de son pontificat :

Écologie intégrale

Dans sa brève homélie [4] , le pape invite chacun à être gardien de la Création : «  La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement nous les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine, elle concerne tout le monde. C’est le fait de garder la création toute entière, la beauté de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l’a montré saint François d’Assise : c’est le fait avoir du respect pour tous, pour chaque personne, spécialement les enfants, les personnes âgées, ceux qui sont les plus fragiles et qui se trouvent souvent à la périphérie de notre cœur…/… Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde !   »

Œcuménisme

Pour la première fois depuis la séparation des Églises d’Orient et d’Occident, un Patriarche de Constantinople est présent : Bartholomée Ier . Le patriarche grec orthodoxe était accompagné de Ioannis Zizioulas, Métropolite de Pergame et co-président de la Commission conjointe internationale pour le Dialogue œcuménique entre l’Église de Rome et l’Église orthodoxe et théologien éminente.
Ont aussi fait partie de la délégation Tarassios, Métropolite orthodoxe d’Argentine, et Gennadios, Métropolite orthodoxe d’Italie.
Reçu le lendemain par ce pape qui se présente lui-même comme évêque de Rome, le patriarche le qualifie de «  premier évêque de la vénérable Église de Rome, qui préside dans la charité  »

Cet événement ne connaît pas de précédent dans les temps modernes et Bartholomée a rapporté que même avant le schisme, jamais un patriarche résidant à Istanbul n’avait assisté à une l’intronisation d’un pontife romain [5] .

Étaient également présents :

        • le Catholicos des arméniens Karekin II, (Le Catholicos, Patriarche Suprême de tous les Arméniens, est le Chef spirituel mondial de l’Église nationale Apostolique Arménienne)
        • le métropolite Hilarion de Volokolamsk, responsable du Département pour les relations extérieures du Patriarcat de Moscou,
        • l’archevêque anglican, Sentamu, archevêque métropolitain de la province d’York, primat d’Angleterre et membre de la Chambre des lords.
        • le secrétaire du Conseil œcuménique de l’Église, Olav Fyske Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises
        • des représentants des communautés juives et musulmanes et des responsables d’autres religions

Le C9 et la réforme de la Curie romaine

Réforme de la Curie

Un mois après son élection et suivant l’une des recommandations importantes issues des congrégations générales, la secrétairerie d’État du Vatican rend publique la constitution d’un groupe de travail collégial composé de huit puis neuf cardinaux (surnommé le « C9 ») pour conseiller le pape dans le gouvernement de l’Église et, plus particulièrement, étudier un projet de réforme de la curie en révisant la constitution apostolique  Pastor Bonus  promulguée par Jean-Paul II en 1988

La nouvelle constitution, intitulée  Praedicate evangelium [6]  (« Annoncez l’Évangile »), est publiée de manière inattendue le 19 mars 2022. Elle ambitionne transformer la Curie en un outil plus tourné vers le monde, une structure plus missionnaire et davantage au service de l’évangélisation et des Églises particulières d’où « faire remonter du terrain les meilleures initiatives prises par les catholiques ». Insistant pour que la Curie se mette au service des évêques,  Praedicate evangelium  confère plus d’importance aux conférences épiscopales et à la synodalité ainsi qu’aux laïcs, appelés à jouer « des rôles de gouvernement et de responsabilité » à la tête des dicastères, tandis que le pouvoir du souverain pontife « principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité de l’Église » se trouve renforcé.

Décrit comme « un changement de culture radical », voire une « révolution », reprenant les changements déjà retenus par décrets pontificaux tout en proposant plusieurs nouveautés significatives, cette nouvelle constitution légifère également sur des questions de dogme, de discipline générale ou de structure de l’Église, simplifiant notamment l’organigramme autour de seize dicastères dont le premier d’entre eux est celui consacré à l’évangélisation, présidé par le pape lui-même qui en est le préfet.

 La « banque du Vatican » (Institut pour les œuvres de religion : IOR)

Lors de l’audience générale du mercredi 24 avril 2013, François a qualifié l’IOR de « nécessaire jusqu’à un certain point », annonçant une réforme.
Quelques jours plus tard, le directeur général et son adjoint quittent l’IOR.
Le 24 février 2014, François promulgue le  Motu Proprio  :  Fidelis dispensator et prudens  dans lequel il crée un secrétariat présenté comme un ministère de l’économie, afin de veiller à la préparation du budget et à la planification financière.
Engagé contre les scandales financiers de l’IOR il lutte également contre ceux touchant les diocèses de l’Église, comme l’atteste les démissions de plusieurs évêques et archevêques.

Secrétariat d’État

Le 31 août 2013, le pape fait état de sa décision de nommer Pietro Parolin aux fonctions de secrétaire d’État du Saint-Siège en remplacement de Tarcisio Bertone de plus en plus controversé [7]

L’œcuménisme et l’écologie intégrale comme structuration du Pontificat de François

Evangelii Gaudium « La joie de l’Evangile » (24 novembre 2013)

C’est la lettre – programme du Pape François. Tout ce qui fonde son action y est exprimé [8] .

Pour témoigner de l’accueil de Dieu, il faut «  avoir partout des Eglises avec les portes ouvertes  » afin que ceux qui cherchent ne rencontrent pas «  la froideur d’une porte close ». Le Pape réaffirme qu’il préfère une Église « accidentée, blessée et sale pour être sortie dans la rue, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper…c’est que tant de nos frères vivent » sans l’amitié de Jésus-Christ  ».
Le Pape parle de ceux qui se sentent supérieurs aux autres parce qu’ils sont «  inébranlablement fidèles à un certain style catholique propre au passé » et qui « au lieu d’évangéliser, analysent et classifient les autres » et de ceux qui manifestent « un soin ostentatoire de la liturgie, de la doctrine ou du prestige de l’Église, mais sans que la réelle insertion de l’Évangile dans le Peuple de Dieu les concerne  ». Il s’agit là « d’une terrible corruption sous l’apparence du bien… Que Dieu nous libère d’une Eglise mondaine sous des drapés spirituels et pastoraux !  »
L’œcuménisme est «  un chemin incontournable de l’évangélisation  ». L’enrichissement réciproque est important : «  Nous pouvons apprendre tant de choses les uns des autres ! », par exemple « dans le dialogue avec les frères orthodoxes, nous les catholiques, nous avons la possibilité d’apprendre quelque chose de plus sur le sens de la collégialité épiscopale et sur l’expérience de la synodalité  »

L’œcuménisme

Des rencontres

Le 28 juillet 2014, après sa visite pastorale en Campanie, le pape effectue une visite privée à l’Église pentecôtiste de la Réconciliation à la rencontre du pasteur évangélique Giovanni Traettino, un de ses amis du temps de Buenos Aires, un homme engagé comme lui dans le dialogue œcuménique. «  Nous sommes sur ce chemin de l’unité entre frères. Quelqu’un sera étonné : « Mais, le Pape est allé chez les évangélistes ». Il est allé voir ses frères ! Oui ! Parce que – et ce que je vais dire est la vérité – ce sont eux qui sont venus en premier me trouver à Buenos Aires.  [9] »

Une fraternité vraie avec le Patriarche Œcuménique Bartholomée

Le Pape François et le Patriarche œcuménique Bartholomée entretiennent une relation de respect et de collaboration fraternelle [10] , œuvrant ensemble pour l’unité des chrétiens et la paix dans le monde. Ils ont eu plusieurs rencontres et échangent régulièrement des messages, notamment lors de fêtes religieuses importantes comme la Saint-André. Leurs efforts conjoints visent à surmonter les divisions historiques entre les Églises catholiques et orthodoxes, et à promouvoir un témoignage commun face aux défis contemporains, notamment en matière d’écologie.

Voici quelques points clés de leur relation :

Rencontres et échanges :

Le Pape François et le Patriarche Bartholomée se rencontrent à plusieurs reprises, notamment à Jérusalem en 2014 pour un événement historique en faveur de l’unité des chrétiens. Ils échangent également des messages et des dons, comme la lettre du Pape à l’occasion de la fête de la Saint-André ou l’envoi de reliques de Saint Pierre par le Pape à Bartholomée.

Collaboration œcuménique :

Ils travaillent ensemble pour l’unité des chrétiens, cherchant à surmonter les divisions historiques entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe. Le Patriarche Bartholomée a d’ailleurs participé à des événements importants de l’Église catholique, comme la veillée de prière œcuménique à la veille de l’ouverture du Synode des évêques.

Responsabilité pastorale commune [11] :

Ils ressentent une responsabilité pastorale commune face aux défis du monde, notamment en matière d’écologie. Le Pape a souligné que l’enseignement du Patriarche sur la nécessité d’une conversion spirituelle de l’humanité a gagné en pertinence avec la pandémie de COVID-19.

Prière pour la paix :

Ils appellent régulièrement à la prière pour la paix dans le monde, notamment pour que cesse la violence et que les responsables politiques et religieux recherchent le dialogue et la réconciliation.

Des relations compliquées avec Kirill de Moscou [12]

Ca commence plutôt bien par la rencontre de Cuba le 12 février 2016. « Historique » : le mot a été plusieurs fois employé pour qualifier la rencontre, tant de fois envisagée puis rapportée, entre un pape de Rome et un patriarche orthodoxe russe.

Ca continue plutôt mal avec la déclaration du cardinal Kurt Koch : « Le fait que le patriarche Cyrille de Moscou légitime la guerre brutale en Ukraine pour des raisons pseudo-religieuses est une hérésie ». Le président du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens veut désormais faire de la question du rapport l’Eglise-Etat un thème du dialogue entre catholiques et orthodoxes.

Les « cadeaux » œcuméniques

      • Le 29 juin 2019, le pape François a décidé de faire don d’une relique de saint Pierre au patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée.
      • La tunique sanglante de Thomas Beckett, l’évêque anglais assassiné par l’épée dans la cathédrale de Canterbury, a été prêtée à l’Église anglicane en 2020, à l’occasion des célébrations du 850e anniversaire de son assassinat.
      • En 2020 encore, le pape François a fait don des reliques de saint Clément et de saint Photius au patriarche Néofit de Bulgarie.
      • En janvier 2023, trois pièces du Parthénon conservées dans les musées du Vatican ont été restituées à la Grèce, directement à l’archevêque orthodoxe Ieronymos, que le pape avait rencontré il y a un an lors de son voyage dans le pays.

Célébration des 500 ans de la Réforme

En décembre 2014, recevant une petite délégation de l’Église évangélique luthérienne allemande, le pape François avait évoqué la commémoration des 500 ans de la Réforme de 1517. Il avait alors invité luthériens et catholiques à faire une « demande intime de pardon » pour leurs « fautes réciproques ».

Du conflit à la communion. La commémoration commune luthéro-catholique de la Réforme en 2017, publiée en juin 2013 . [13]
Le préambule annonce un texte décrivant «  un cheminement allant du conflit à la communion dont le mais n’est pas encore atteint  » et propose de «  pratiquer l’auto-critique plutôt que la critique de l’autre  ».
Il rappelle deux défis : «  la purification et la guérison des mémoires et la restauration de l’unité chrétienne en harmonie avec la vérité de l’Évangile  ».
Le document, en 245 articles, comprend une introduction et six chapitres.
Dans l’introduction , il est rappelé qu’un dialogue s’était instauré en 1980 lors du 450 e   anniversaire de la confession d’Augsbourg et qu’il importe de faire des «  propositions pour une commémoration et une appropriation de la Réforme aujourd’hui  ».
Chapitre I –   Commémorer la Réforme  au temps de l’œcuménisme et de la mondialisation :
Chapitre II – Nouveaux  points de vue sur Luther  et la Réforme :
Chapitre III –  Esquisse historique  de Réforme luthérienne et de la réaction catholique :
Chapitre IV – Thèmes principaux de la  théologie de Martin Luther , à la lumière des dialogues luthéro-catholiques :
Chapitre V – Appelés à une  commémoration commune  :
Chapitre VI –  Cinq impératifs  œcuméniques pour guider la commémoration commune en 2017 :
          • toujours se placer dans la perspective de l’unité,
          • se laisser transformer par la rencontre de l’autre,
          • s’engager à chercher l’unité visible avec des étapes concrètes,
          • redécouvrir ensemble la puissance de l’Évangile pour notre l’époque,
          • témoigner ensemble de la grâce de Dieu en se mettant au service du monde.
Voyage à Lund [14]

Cette visite historique a eu lieu le 31 octobre 2016 à Lund, où le Pape a participé à une cérémonie œcuménique à la cathédrale luthérienne et signé une déclaration conjointe [15] avec la Fédération luthérienne mondiale. Lors de cette commémoration, le pape François a reconnu avec gratitude la contribution de la Réforme dans l’histoire de l’Église, a loué l’expérience spirituelle de Martin Luther et a souligné l’importance de demander pardon pour les erreurs du passé.

Après 500 ans de « malentendus » et de « caricatures » et cinquante ans d’efforts de réconciliation, catholiques et luthériens se sont retrouvés, en présence du pape François, en Suède, lundi 31 octobre, pour lancer les célébrations du 500e anniversaire de la Réforme [16] .
Il n’y aura pas eu d’annonces fracassantes, ni d’invitation à partager l’eucharistie. Mais une volonté exprimée de travailler ensemble vers l’unité [17] , en reconnaissant les torts historiques de chacun et la nécessité de pardonner.

Le Pape et le patriarche Tawadros II côte à côte pour l’audience générale

Le 10 mai 2023, qui marque la journée de l’amitié copte – catholique, le patriarche copte orthodoxe a été invité par le Saint-Père à prendre place à ses côtés lors de l’audience générale sur le parvis de la basilique Saint-Pierre. François l’a remercié pour son engagement en faveur de l’amitié croissante entre l’Église copte orthodoxe et l’Église catholique.C’est une audience générale peu commune à laquelle ont assisté les fidèles mercredi 10 mai. Le patriarche Tawadros II a pris place aux côtés du Pape François sur l’estrade de la place. Le chef spirituel de l’Église copte orthodoxe commence un pèlerinage de quatre jours à Rome et vient par sa présence témoigner de la proximité entre le Siège apostolique de Marc et le trône de Pierre

Comme un symbole, c’est le patriarche d’Alexandrie qui a pris la parole en premier, souhaitant «adresser ses félicitations, au nom des membres du Saint-Synode et de tous les organes de l’Église copte orthodoxe, à l’occasion du dixième anniversaire de votre élection divine en tant que Pape et évêque de Rome». Dix ans après sa première venue au Vatican, le patriarche copte est revenu sur la solidité de ces relations fraternelles cultivées jour après jour avec Rome. Cette journée d’amitié entre coptes et catholiques «incarne l’esprit chrétien et l’amour qui nous unit pour servir Dieu et servir nos frères et sœurs en humanité».

Un œcuménisme autant -sinon plus- pratique que théologique

Dans « Evangelii Gaudium », le pape rappelle aux catholiques que tous les chrétiens sont des pèlerins qui cheminent les uns à côté des autres. « Cela signifie que nous devons avoir une confiance sincère dans nos compagnons de pèlerinage, en écartant tout soupçon ou méfiance, et tourner notre regard vers ce que nous recherchons tous : la paix rayonnante du visage de Dieu. Faire confiance aux autres est un art et la paix est un art [18] ».
À l’autre bout de son pontificat, le Synode sur la synodalité a conclu que «  L’intensité de l’élan œcuménique est l’un des fruits les plus significatifs du Synode 2021-2024  ». Le document final promulgué par le pape François a réaffirmé «  l’engagement de l’Église catholique à poursuivre et à intensifier le cheminement œcuménique avec les autres chrétiens, en vertu de notre baptême commun, et en réponse à l’appel à vivre ensemble la communion et l’unité entre les disciples, pour lesquelles le Christ a prié lors de la dernière Cène (cf. Jn 17, 20-26)  [19] ».
La présence active lors du Synode des « délégués fraternels » est issue de diverses confessions chrétiennes en est une manifestation emblématique [20] .
Pour le pape François, l’œcuménisme doit aller au-delà des accords et des discussions théologiques, qui restent importantes. Il a toujours opté pour une culture de la rencontre basée sur des gestes de proximité et d’amitié personnelle avec les responsables des différentes confessions chrétiennes en multipliant présents (don ou prêt de reliques, pièces de musée…) et voyages dans des pays à majorité orthodoxe ou protestante.
Autant de signes forts, mais délicats, comme le fait de restaurer à l’évêque de Rome le titre de « Patriarche de l’Occident ». Il rappelle ainsi le lien qui unissait les cinq Sièges (Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem) lors du premier millénaire [21] et l’expérience de la synodalité et de l’unité vécue dans la Tradition apostolique.

De maintes manières, le pape François a insisté sur le caractère essentiel des rencontres et de la prière les uns pour les autres dans notre cheminement vers la pleine communion. En 2016 il disait déjà, « C’est pourquoi j’aime répéter que l’unité se fait en marchant, pour rappeler que quand nous marchons ensemble – c’est-à-dire quand nous nous rencontrons comme des frères, nous prions ensemble, nous collaborons ensemble dans l’annonce de l’Évangile et dans le service aux derniers – nous sommes déjà unis » [22] .

Il encourage les chrétiens, à s’efforcer de parvenir à une « diversité réconciliée » et à avoir confiance dans l’action de l’Esprit Saint. Il s’agit de se disposer pour recevoir un don venant de Dieu. « L’unité ne viendra pas comme un miracle à la fin : l’unité vient dans le cheminement, c’est l’Esprit Saint qui la fait dans le cheminement. Si nous, nous ne marchons pas ensemble, si nous ne prions pas les uns pour les autres, si nous ne collaborons pas dans beaucoup de choses que nous pouvons faire ensemble dans ce monde pour le Peuple de Dieu, l’unité ne viendra pas ! Elle se fait dans ce cheminement, à chaque pas, et nous ne la faisons pas nous : c’est l’Esprit Saint qui la fait, qui voit notre bonne volonté [23] »

L’écologie intégrale

Encyclique « Laudato si » sur la sauvegarde de la maison commune du 24 mai 2015 [24]

L’importance du sujet pour François est signalé par le fait qu’il s’agit d’une lettre encyclique (il y en a seulement quatre en douze ans de pontificat), et la première entièrement de sa main. [25]

Laudato Si’ est divisé en six chapitres

      • Le Premier chapitre: Ce qui se passe dans notre maison” résume l’ampleur des problèmes actuels liés à l’environnement..
      • L e « Deuxième chapitre : l’Évangile de la Création »  puise sa sagesse dans la Bible.
      • Le Troisième chapitre : La racine humaine de la crise écologique »  explore les tendances sociales et les idéologies à l’origine des problèmes environnementaux.
      • Le Quatrième chapitre : une écologie intégrale » présente la principale solution de l’encyclique aux problèmes sociaux et environnementaux actuels. L’écologie intégrale soutient que les humains font partie d’un monde plus vaste et appelle à des « solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux » (LS 139).
      • Le Cinquième chapitre : quelques lignes d’orientation et d’action »  applique le concept d’écologie intégrale à la vie politique.
      • Le Sixième chapitre : éducation et spiritualité écologiques” clôt l’encyclique avec des idées d’application dans la vie personnelle.

Une des conséquences de Laudato si’ est la création au 1 er janvier 2017 du Dicastère pour le Service du développement Humain Intégral [26] qui regroupe en son sein les conseils pontificaux Justice et Paix,  Cor Unum , pour les migrants et pour la santé.

 « Laudate Deum » (Louez Dieu)

Publiée le 4 octobre 2023, jour de la fête de saint François d’Assise, cette exhortation apostolique, plus courte et percutante, prolonge la réflexion écologique entamée dans l’encyclique  Laudato si’  . Le Pape François aborde de manière directe et souligne l’urgence d’une action immédiate et décisive devant la crise climatique mondiale.

Des implications œcuméniques

      • Église verte [27] , Lutte et contemplation, Chrétiens unis pour la terre Temps pour la Création en septembre-octobre… Ces dernières années, collectifs et initiatives chrétiennes autour de la sauvegarde de la Création se sont multipliées, associant des chrétiens de diverses confessions.  « Nous sommes passés du stade de la tolérance au stade de la curiosité, puis finalement à l’action commune » [28] . Un œcuménisme de la cause, qui s’accompagne, de fait, d’une meilleure interconnaissance culturelle et doctrinale des confessions catholiques et protestantes.
      • Les églises orthodoxes ont des approches pour le moins diversifiées [29] pas tant sur l’écologie intégrale que sur la manière œcuménique de le travailler ensemble. (Les patriarches de Constantinople et les papes catholiques romains, depuis Athénagoras 1 er et Paul VI ont cette culture [30] .)

Sauver la création, publié en 1989, reprend des conférences données en 1983 par le patriarche Ignace IV d’Antioche. Depuis lors les tenants de la théologie néopatristique, comme le patriarche Daniel et bien d’autres, ont continuellement éveillé l’attention au respect de la Création. Le patriarche Bartholomée de Constantinople, surnommé parfois « le Patriarche vert », intervient fréquemment sur le même thème, notamment pour demander une journée de prière à l’occasion du 1 er  septembre, ouverture de l’année ecclésiastique.

Durcissement des relations avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X

Le 17 janvier 2019, François supprime la commission pontificale Ecclesia Dei fondée en 1988 par Jean-Paul II à la suite du sacre illicite d’évêques au sein de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X et en transfère les activités à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Le 16 juillet 2021, François publie  Traditionis custodes [31] , motu proprio qui annule l’élargissement en 2007 des conditions de célébration de la messe selon l’édition 1962 du Missel romain (appelée « rite tridentin »).

Ce document est accompagné d’une lettre aux évêques catholiques du monde entier [32]  «  j’ai chargé la Congrégation pour la doctrine de la foi de vous adresser un questionnaire sur l’application du Motu proprio Summorum Pontificum. Les réponses parvenues ont révélé une situation douloureuse qui m’inquiète, ce qui me confirme la nécessité d’intervenir . » où le pontife se dit «  attristé par une utilisation instrumentale du Missale Romanum de 1962, toujours plus caractérisé par un refus croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il aurait trahi la Tradition et la « vraie Église  » ». François précise qu’au contraire, «  le chemin de l’Église doit être compris dans le dynamisme de la Tradition, « qui tire son origine des Apôtres et qui progresse dans l’Église sous l’assistance de l’Esprit Saint » ( DV , 8). » Il rappelle qu’« une étape récente de cette dynamique a été constituée par le concile Vatican II où l’épiscopat catholique s’est réuni pour écouter et discerner le chemin pour l’Église indiqué par l’Esprit Saint  ». Il conclut : «  Douter du Concile, c’est douter des intentions de ces mêmes Pères qui ont exercé leur pouvoir collégial de manière solennelle cum Petro et sub Petro [avec Pierre et sous Pierre] dans un concile œcuménique, et, en dernière analyse, de douter du Saint-Esprit lui-même qui guide l’Église.  »

Les voyages

48 voyages hors Italie, sur les cinq continents, 67 pays visités.

Analyser ses préférences en matière de destination, c’est saisir les projets qu’il avait pour l’Église et le monde, ainsi que ses préoccupations pour les pauvres, le dialogue interreligieux et les relations internationales et la paix. François n’a pas recherché un renversement de la perspective nord-sud. C’est une internationalisation de l’Église qu’il a appelé de ses vœux. Il a voulu ouvrir le centre romain sur le monde entier, et ses destinations de voyages ont exprimé cette priorité.

Le pape François a parcouru le monde, délaissant souvent les grands centres pour se concentrer sur les «périphéries». Il s’est rendu dans les pays les plus éloignés de Rome, comme le Chili, Panama, les Philippines et le Japon. Peu importe que les chrétiens y soient nombreux ou extrêmement minoritaires. Il a également visité des pays parmi les plus pauvres, la Centrafrique, le Soudan du Sud, la Birmanie ou le Bangladesh.
Cet intérêt pour les populations les plus défavorisées compte parmi les quatre grandes orientations qui ont guidé le pape dans ses choix de voyage.
Les deux premiers voyages sont à ce titre emblématiques :

Vers les « périphéries »

Lampedusa

Le 8 juillet 2013, pour son premier voyage hors de Rome, le Pape François s’est rendu sur l’île italienne de Lampedusa afin de témoigner sa solidarité avec les migrants et réfugiés. Ce déplacement était hautement symbolique, car Lampedusa est un point d’entrée pour de nombreux migrants en provenance d’Afrique.

En arrivant sur l’île, le Pape a notamment célébré une messe et a lancé une couronne de fleurs en mer en mémoire des migrants décédés lors de la traversée de la Méditerranée. Il a également déclaré « l’indifférence » du monde face à la souffrance des migrants [33] .

Ce voyage a été un marqueur fort de son pontificat, marqué son engagement envers les plus vulnérables et les questions migrants. Il inaugure une série d’initiatives et de prises de position du pape en faveur des migrants, notamment sa visite à Lesbos en 2016. Cet engagement du pape pour les migrants reste une constante de son pontificat, jusqu’à sa mort en avril 2025.

JMJ à Rio de Janeiro

Pour son premier déplacement à l’étranger, François se rend au Brésil , où se déroulent du 23 au 28 juillet 2013 les 28 e  Journées mondiales de la jeunesse à Rio de Janeiro.
Il exhorte un groupe de jeunes Argentins venus le voir à  « faire du bruit »  et à  « mettre le bazar » . [34] C’est un appel à l’action, à l’audace, à l’engagement, à la créativité et à la rencontre, pour faire entendre la voix des jeunes et témoigner de leur foi.

Dialogue entre la chrétienneté et d’autres religions

Sa deuxième orientation fut celle de l’engagement pour le dialogue interreligieux et œcuménique. François a rendu visite aux pays musulmans : Abu Dhabi, le Maroc, l’Égypte, la Turquie, la Jordanie, les Émirats arabes unis… Il a rencontré à plusieurs reprises Ahmed Mohamed el-Tayeb, l’imam de la mosquée al-Azhar (Le Caire), et a rencontré à Nadjaf, en Irak, haut-lieu du chiisme, le grand ayatollah Ali Sistani. Il s’est également rendu au Kazakhstan en 2022 pour participer à la 7 e  rencontre des chefs religieux du monde, et a signé avec le grand imam Umar, de la mosquée Istiqlal de Jakarta, une déclaration commune prônant le refus du fondamentalisme et la recherche de l’amitié entre les religions.

Ses voyages ont aussi été un outil de renforcement du dialogue œcuménique. Le patriarche Bartholomée Ier de  Constantinople l’a souvent accompagné dans ces grands événements, tandis que Justin Welby, alors archevêque de Canterbury, et Iain Greenshields, modérateur de l’Église d’Écosse, étaient à ses côtés en février 2023 au Soudan du Sud, pour la rencontre œcuménique au Mausolée John Garang. Lors de son voyage à Lund, en Suède, à l’automne 2016, pour la commémoration des 500 ans de la Réforme luthérienne, il a instauré une relation forte avec le pasteur Alav Fykse Tveit, alors secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE).
Il va à Genève à l’occasion du 70 e  anniversaire du COE, le 21 juin 2018, et en Roumanie en 2019, lors de laquelle il rencontre des représentants de l’Église orthodoxe roumaine.

Le poids du monde international

La troisième catégorie des voyages du pape François fut justement celle des anniversaires ou des grandes rencontres internationales. Outre les événements déjà mentionnés, s’ajoutent à cette liste son déplacement au Portugal pour le centenaire des apparitions de Fatima, à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes, en Belgique pour les 600 ans de l’Université de Louvain, en Corse à l’occasion d’un colloque sur la religion populaire.

François a entrepris sa première visite hors Italie pour rencontrer les jeunes participants aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Rio. Rencontre qu’il a réitérée à Cracovie en 2016, à Panama en 2019 et à Lisbonne en 2023. Les journées des jeunes d’Asie ont aussi vu venir le pape en Corée du Sud en 2014.

L’étendard de la paix

La dernière catégorie comprend des pays qui travaillent à la reconstruction de la paix dans un contexte d’instabilité ou de mémoire malmenée. C’est ainsi qu’il s’est rendu en Terre sainte en 2014, où il a lancé un appel à la paix et à la coexistence de deux États reconnus, Israël et la Palestine. Il a été en Bosnie-Herzégovine, en Colombie, en Birmanie, au Caucase, en Arménie, en Géorgie, Azerbaïdjan, Irak, République démocratique du Congo, etc., tous des pays en proie à des conflits internes ou régionaux. Et lors de son voyage au Timor oriental, il a salué le courage de ce pays qui a su «se relever», en retrouvant un chemin de paix et d’ouverture», après son long combat, de 1975 à 2002, pour l’indépendance vis-à-vis de l’Indonésie.

Le pape François a également visité successivement Cuba et les États-Unis en 2015, un symbole en soit. Animé par ce même esprit de réconciliation, alors qu’il se trouvait en Irlande en 2018 à l’occasion de la Rencontre mondiale des familles, il a exprimé sa douleur et sa honte pour les scandales de pédophilies commis par des membres du clergé irlandais. Et en 2022, au Canada, il a présenté d’autres excuses, cette fois aux populations autochtones canadiennes pour les milliers d’enfants placés de force dans des pensionnats catholiques.

Documents pontificaux

Lumen Fidei

La première encyclique « Lumen Fidei [35]  » signée de François, est le fruit d’un travail largement entamé sous le pontificat de Benoît XVI, travail repris et complété par le nouveau pape, mais qui est surtout la suite et fin d’une trilogie de Benoît XVI sur les vertus théologales (charité, espérance et foi)

Tous frères

Fratelli tutti [36]  (en français : « Tous frères ») est signée le 3 octobre 2020 et publiée le lendemain, jour de la fête de saint François d’Assise. Elle porte sur la fraternité et l’amitié sociale.

L’encyclique est explicite un texte à charge contre le dogme néolibéral considéré comme «  une pensée pauvre, répétitive  ». Le pape dénonce aussi «  la spéculation financière, qui poursuit comme objectif principal le gain facile, continue à faire des ravages  » alors que «  la fragilité des systèmes mondiaux face aux pandémies a mis en évidence que tout ne se résout pas avec la liberté de marché  ». Dans son texte, François accuse l’économie mondialisée de diviser, et donc d’être, étymologiquement, « diabolique » (« diabolos » signifiant « diviseur »). L’unité chrétienne est donc, dans cette perspective, indissociable de la guérison du monde.
De nombreux commentateurs ont écrit la vision du pape François et le texte de  Fratelli tutti  dans la lignée de la doctrine sociale et des encycliques sociales de l’Église catholique, depuis Léon XIII et  Rerum novarum.

Vers la fin de l’encyclique, le pape rend hommage aux figures qui l’ont inspiré : François d’Assise, Martin Luther King, Gandhi et Desmond Tutu.  Fratelli tutti  est du même esprit que le  document sur la fraternité humaine  signé en 2019 avec Ahmed el-Tayeb. Ce texte a par la suite a inspiré la résolution des Nations unies février qui a désigné le 4 comme la Journée Internationale de la Fraternité Humaine.

Dilexit nos

Dilexit nos [37] (en français : « Il nous a aimés ») est la quatrième et dernière encyclique du pape François, publiée le 24 octobre 2024. Elle porte sur le Sacré-Cœur de Jésus.

D’une spiritualité marquée par l’influence de l’École française ainsi que de la Compagnie de Jésus, l’encyclique se situe dans la continuité des sujets d’éthique sociale abordés par François au long de son pontificat. Elle se veut, à travers le thème de l’amour du Christ, une réflexion sur les difficultés du monde d’aujourd’hui.
     Dilexit nos  semble a priori en décalage avec l’enseignement du pape François, ce document reprend l’un après l’autre les principaux thèmes de son magistère en matière de théologie morale, de doctrine sociale et d’écologie. En ce sens, les préoccupations qu’expriment l’encyclique face à un « monde déshumanisé » constituent un résumé de l’esprit de son pontificat.

     En posant la dévotion au cœur du Christ comme antidote aux errances « structurelles » des sociétés technologiques, il dénonce les « structures de péché », concept propre à la  théologie de la libération . Or ces « structures de péché », ces « structures sociales aliénées », produisent des comportements individuels, de sorte que changer les cœurs amènent aussi à transformer les structures sociales. Quand le cœur du Christ demande une « réparation » aux croyants, cette offrande suppose donc, également, un engagement social : encore faut-il, dans une éthique fondée sur le « cœur aimant de Jésus », réapprendre à contempler le monde afin de sauvegarder la beauté de la Création. Il s’agit donc de reconstruire « le bien et le beau », en union avec le cœur du Christ, « au milieu du désastre laissé par le mal ».

Dans sa conclusion, François a inscrit cette méditation sur le Sacré-Cœur dans la lignée de ses réflexions sur l’écologie ( Laudato si’ , 2015) et sur la fraternité ( Fratelli tutti , 2020)

Amoris Laeticia

     Amoris lætitia [38]  (en français : « La joie de l’amour ») est une exhortation apostolique post-synodale du pape François datée du 19 mars 2016 et publiée le 8 avril 2016. Elle fait suite au synode sur la famille tenue entre 2014 et 2015.

Le pape François plaide pour une Église non pas dogmatique, mais accueillante. Ancré dans l’Écriture et la Tradition, le pape invite à comprendre et à être ouvert à ceux qui souffrent. L’Église se place en position d’accompagner, d’aider au discernement et, «  surtout, en cette année de la miséricorde, de porter un regard de miséricorde sur les familles  ». Il invite donc à une conversion du regard. Que pasteurs et fidèles adoptent le regard de Jésus lui-même, un regard d’amour et de tendresse sur les hommes et les femmes rencontrés.

Cette conversion du regard est indissociable de la conversion de la manière de s’exprimer et de comprendre la vocation chrétienne du mariage. Fidèles et pasteurs peinent encore «  à considérer sereinement les limites inhérentes à la vie conjugale  ». Le pape ne renonce pas à l’annonce du mariage chrétien, mais cet idéal n’est pas présenté comme un état acquis une fois pour toutes à l’occasion du mariage. Une famille exige une maturation progressive dans sa capacité d’aimer. Faisant un état des lieux des diverses réalités familiales, le pape rappelle que, s’il n’existe pas de famille idéale, la cellule familiale est à la fois riche et complexe et l’Église souhaite accompagner de son mieux ses diverses réalités.

Dans cette optique il convient également de convertir l’action pastorale en destination des familles. Elle ne doit pas rester figée dans la conformité à la règle ou à l’idéal souhaité. C’est pourquoi l’exhortation apostolique  Amoris Laetitia  propose de nombreuses pistes de réflexion et d’action pour les évêques. Cela doit leur permettre de mieux appréhender et d’accompagner les familles. La situation des divorcés-remariés est clairement abordée. Ce sujet a suscité de vifs débats entre les évêques au moment du synode. Le pape reprend à son compte les préconisations des évêques et semble entrouvrir une porte de l’Église qui était jusque-là fermée à ces couples.

Loi de la progressivité, circonstances atténuantes, place de la conscience sont autant de facteurs qui incitent à la formation d’un jugement correct sur la situation d’une personne. Ce jugement ne peut reposer sur la seule loi : «  C’est de l’intérieur de la conscience éclairée pas les repères objectifs de la loi et le dialogue pastoral que peut se faire le discernement de la vérité  ». En tout état de cause, c’est la miséricorde qui doit orienter toute l’action pastorale.

Fin de vie et décès

Dégradation de sa santé

Dès son élection, la santé du pape François est réputée fragile, notamment à cause de l’ablation partielle de son poumon droit dans sa jeunesse. Il subit plusieurs hospitalisations à partir de 2021, notamment pour des difficultés respiratoires. En outre, en raison principalement d’une affection inopérable du genou, sa mobilité se réduit : il se déplace avec une canne puis uniquement en fauteuil roulant.
Le 20 avril, jour de Pâques, le pape apparaît au balcon de la basilique Saint-Pierre et souhaite de joyeuses Pâques à la foule, puis sa bénédiction apostolique  Urbi et orbi  est lue par un collaborateur..

Mort et funérailles du pape

Le lundi 21 avril 2025, le pape François s’est éteint à 7h35 du matin dans sa chambre de la résidence Sainte-Marthe, à l’âge de 88 ans et après 12 ans de pontificat.

Il est inhumé à sa demande dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure


[1] Un des trois magistrats chargés de l’examen des accusations en 2011 explique après étude des éléments qu’« il est totalement faux de dire que Jorge Bergoglio [aurait] livré ces prêtres » et que, par conséquent, la justice l’a innocenté. cf. CAPPIELLO, Hernán. Pour la justice argentine, les imputations sont fausses. Art. dans La Nación (Argentine), 16 mars 2013.
[5] ttps://www.lorientlejour.com/article/806137/La_presence_du_patriarche_orthodoxe%2C_une_premiere_historique.html
[17] Cf le « principe de Lund » découle d’une question soulevée par la Conférence de Foi et Constitution du Conseil œcuménique des Églises de 1952 , tenue à Lund , en Suède . Après avoir « instamment demandé à nos Églises de se demander si elles font tout ce qu’elles doivent pour manifester l’unité du peuple de Dieu », elle poursuivait : « Nos Églises ne devraient-elles pas se demander si elles font preuve d’un empressement suffisant pour dialoguer avec les autres Églises, et si elles ne devraient pas agir ensemble en toutes matières, sauf celles où de profondes divergences de convictions les obligent à agir séparément ? »
[18] Pape François, Evangelii Gaudium. Op. cit., n.244
[19] XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, Pour une Église synodale : communion, participation, mission. Document final, n.137.
[21] Dans son édit 131, l’empereur Justinien avait promulgué que le gouvernement de la chrétienneté serait confié aux cinq patriarches de l’Église sous l’égide d’un empire universel, ce que l’on appelle la « pentarchie ». Rome se voyageait concéder la primauté en raison de son lien historique avec la ville impériale. Tel que mentionné plus haut, il s’agissait donc d’une primauté d’honneur allant à la ville et non à l’individu qui y occupait le poste de patriarcat. Du reste, cette primauté d’honneur n’était définie nulle part et ne n’impliquait aucune suprématie sur les autres patriarches. https://www.oecumenisme-normandie.fr/projet/#Les_definitions_des_quatre_premiers_conciles_et_leurs_consequences
[22]   Discours du pape François aux participants à l’assemblée du conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens : https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/november/documents/papa-francesco_20161110_plenaria-unita-cristiani.html
[23] Pape François, Homélie lors de la célébration des vêpres en la solennité de la conversion de Saint-Paul apôtre, le 25 janvier 2014 : https://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2014/documents/papa-francesco_20140125_vespri-conversione-san-paolo.html
[25] C’est plus, pour l’église catholique, une conversion qu’une découverte. Le COE, depuis les rencontres de Nemi, en Italie, en juin 1971 qui approuvait une déclaration relative à «L’environnement mondial, des choix responsables et une justice sociale» n’a arrêté d’intervenir ( https://www.oikoumene.org/fr/news/how-the-world-council-of-churches-mobilized-action-50-years-ago-on-sustainability-and-ecology )

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Viens, Esprit de vérité !

Viens, Esprit de vérité !

Une homélie pour chaque dimanche et fête de l’année liturgique

Père Boris Bobrinskoy*

Recommandé par Sr Anne – Véronique du monastère Ste Françoise – Romaine du Bec-Hellouin

« Puissions-nous assumer cette vocation à la sainteté, à la vie divine, cette vocation pour laquelle nous sommes préparés, accompagnés et nourris par les dons de l’Esprit Saint ! »

Voici le testament spirituel de l’un des grands théologiens orthodoxes du XX° siècle. Enfant de l’émigration russe, penseur d’expression française, engagé dans le dialogue oecuménique, Boris Bobrinskoy aura marqué la théologie contemporaine par son œuvre magistrale sur le Saint Esprit dont il aura été un pionnier de la redécouverte au sein du monde occidental. Mais il aura aussi témoigné de la haute spiritualité orientale par sa personne, dans son service de prêtre et de prédicateur.

Ce recueil de ses homélies pour chaque dimanche et fête de l’année liturgique permet de retrouver, intacte et entière, sa parole fulgurante sur les évangiles, les sacrements, les épreuves et les joies de l’existence chrétienne.

Un véritable trésor pour toute femme et tout homme en quête de sens. Une petite philocalie actuelle.

*Protopresbytre du patriarcat de Constantinople, recteur de la crypte de la Sainte-Trinité à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris, professeur de dogmatique puis doyen de l’Institut Saint Serge, Boris Bobrinskoy (1925-2020) est l’auteur d’une œuvre considérable publiée au Cerf, dont Le Mystère de la Trinité, La Compassion du Père, La Vie liturgique, et Le Mystère de l’Eglise.

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« L’évêque de Rome » – Nouveau document du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens

 

 

     L’évêque de Rome est un document d’étude qui présente pour la première fois une synthèse des réponses à l’encyclique Ut unum sint et le résultat des dialogues œcuméniques sur la question de la primauté et de la synodalité.

Le document se termine par une proposition du Dicastère qui identifie les suggestions les plus significatives pour un exercice renouvelé du ministère d’unité de l’évêque de Rome « reconnu par les uns et par les autres » (Ut unum sint 95). Un résumé de l’ensemble se trouve à partir du n° 161

Lien: http://www.christianunity.va/content/dam/unitacristiani/Collezione_Ut_unum_sint/The_Bishop_of_Rome/L Evêque de Rome.pdf 

 

Il faut lire ce “document d’étude”, (au moins le résumé). Il est la preuve que contrairement à ce que les fâcheux voudraient croire ou faire croire, l’œcuménisme n’est pas “en panne” mais que les débats qui sont ouverts demandent du temps, de la réflexion et la prière de tous.

    Geo

 

 

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Baptême et incorporation dans le Corps de Christ, l’Eglise

 

Baptême et incorporation dans le Corps de Christ, l’Eglise.
Conversations trilatérales entre luthériens, mennonites et catholiques romains (2012-2017)
Service éditions / publications de la CEF 02/2023

 

Ce rapport présente le travail et les perspectives de la Commission internationale composée de luthériens, de mennonites et de catholiques romains. Il est publié en tant que document d’étude par les confessions qui ont nommé les membres de cette commission, dans l’espoir que ce rapport contribue, par le biais de larges débats à la fois au sein de ces confessions et au-delà, à une meilleure compréhension mutuelle et à une plus grande fidélité à Jésus Christ.

 

Le trilogue, extrêmement riche, exprime dans la façon dont il est accompli une évidence: ce sont des frères et des sœurs qui cherchent ensemble à se comprendre les uns les autres.
Les trois thèmes : “Le baptême en lien avec le péché et la grâce”, “Le baptême: communication de la grâce et de la foi” et “Prolongement du baptême dans la vie de disciple” sont abordés sans occulter les difficultés, mais dans une dynamique d’unité.
Cela transparaît clairement dans la conclusion exprimée par chaque confession autour de quatre axes:
  • Les convictions que nous préservons
  • Les dons que nous avons reçu
  • Les défis que nous acceptons
  • Ouvertures possibles

 

Quelques réflexions personnelles et qui n’engagent donc que moi:

C’est -a mon avis- a partir de ce sujet fondamental qu’est la reconnaissance mutuelle du baptême administré dans chacune de nos Eglises- que nous parviendrons à l’unité (qui n’est pas l’uniformité).
C’est en dépassant les égoïsmes institutionnels, les blocages théologiques si clairement exprimés dans “Discerner le corps du Christ[1]” qui lient la possibilité de la communion eucharistique à l’appartenance à une Eglise par la communion avec son évêque, que nous dépasserons en les surmontant, les empêchements très humains à l’unité.

 

Ce qui est fondamental ce n’est pas mon appartenance confessionnelle. Je ne suis pas d’abord catholique romain et par là chrétien. C’est ma manière d’être chrétien qui s’exprime dans l’Eglise Catholique.
Je suis Chrétien, c’est-à-dire anté sur le Christ. Lui -et lui seul- me sauve. Pas mon évêque fût-il de Rome. Et Dieu sait combien je mesure la chance que le Pape François représente pour l’Eglise Catholique.

 

Il y a soixante ans, Martin Luther King Jr lançait son fameux “I have a dream”. C’était déjà de reconnaissance, d’égalité et de fraternité dont il était question…

 

  Geo

 

[1] Discerner le corps de Christ. Communion eucharistique et communion ecclésiale. Bayard/Cerf/Fleurus-Mame. Paris 2010


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Josselin Tricou: Des soutanes et des hommes

 

 

Josselin Tricou: Des soutanes et des hommes
Enquête sur la masculinité des prêtres catholiques
Paris, P.U.F., 2021

 

L’auteur constate que la théorie catholique dégenre et désexualise le prêtre en le sacralisant. « Ceux qui prient », étant plus proche de la perfection et comparable à l’état angélique”.

“De fait, l’Église catholique n’a eu de cesse de renforcer la sacralité du prêtre : réforme dite « grégorienne », contre-réforme catholique post concile de Trente… Faut-il y voir une lente et patiente « émasculinité » (p. 38) ? Le prêtre apprend et est autorisé à mettre en pratique des valeurs codées comme féminines : l’écoute, la douceur, le soin… Pourtant, le « bon prêtre » est d’abord un prêtre virilisé, protégé par la sacralité de son sacerdoce.”

“L’ouvrage présente les années 1960 comme un tournant dans l’histoire contemporaine de l’Église. Celle-ci traverse alors une crise d’identité qui mène à la fois à une invisibilisation des signes religieux et à de nombreux départs pour une vie séculière. Les prêtres qui quittent le sacerdoce sont majoritairement des hétérosexuels qui se marient [Et qui portent des valeurs progressistes “de gauche*]. Les prêtres homosexuels [restent et seraient ainsi devenus proportionnellement plus nombreux*] dans l’Eglise Catholique Romaine que dans le reste de la société. Cette nouvelle composition a des répercussions sur le recrutement ecclésiastique. En même temps, les classes populaires se détournent de la prêtrise ; les catégories bourgeoises [Et qui portent des valeurs conservatrices “de droite”*] fournissent désormais la majorité des prêtres.”

“Josselin Tricou avance que le discours qu’il qualifie d’homophobe de l’Église lui permet à la fois de rester attractive auprès d’hommes qui ne pourraient vivre ouvertement leur homosexualité, et de mieux surveiller ses cadres et d’en obtenir parfaite obéissance.”

“Il s’appuie sur de nombreuses sources et entretiens. Sa thèse peut choquer, d’autant qu’elle ne fait jamais référence à la foi dans sa description de la vocation religieuse, mais elle intéressera celles et ceux qui cherchent à mieux comprendre le fonctionnement ecclésiastique et qui s’interrogent sur la « cléricalisation » de l’institution. En effet, selon l’auteur, le mode de recrutement influence les rapports du clergé avec les laïcs et les prises de décision sur les questions de société dont l’importance de certaines échappe au clergé.”

Extrait de l’article de Jean-Marc GOGLIN du Bulletin théologique de l’INSR 

 

Un des points soulevés par l’auteur me semble particulièrement important: “On n’est pas obligé de penser l’homosexualité comme un défaut de masculinité, ni la virilité comme une preuve d’hétérosexualité.” (p 446). Quand Josselin Tricoud parle d’homosexualité, il ne parle pas forcément de sexualité active, mais bien d’ identité sexuelle fondamentale. On ne peut penser et  comprendre a thèse sans ce rappel nécessaire.

Josselin Tricou est sociologue et son livre, dérangeant, pose cependant de vraies question qu’on ne peut évacuer simplement parce qu’elles sont iconoclastes….

*Ajout Geo

  Geo

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Lieu, présence, résurrection. Relectures de phénoménologie eucharistique

Lieu, présence, résurrection. Relectures de phénoménologie eucharistique

de Matthieu Rouillé d’Orfeuil, prêtre, directeur du séminaire Français de Rome.

Ed du Cerf Paris 2016. Collection Cogitatio Fidei – N° 300

« Comment penser la « présence réelle » du Christ dans l’eucharistie sans la chosifier ? L’auteur propose une approche phénoménologique du sacrement en s’appuyant sur Martin Heidegger – avec également des références à Louis Lavelle, Jean-Luc Marion, Emmanuel Falque et Jean-Yves Lacoste – pour mettre en cause assez radicalement le recours à la notion de substance.

L’auteur déploie sa réflexion dans une série de relectures – Augustin, Jean Scot Érigène, Paschase Radbert, Thomas d’Aquin, Bonaventure – et voit se dessiner une autre manière possible de rendre compte de la « transsubstantiation », selon un schème relationnel qui n’oublie pas que l’eucharistie est d’abord nourriture, en vue de l’acte qu’est la communion, dans laquelle le Christ vivifie en l’Église son propre corps.

L’Église renonce alors à “avoir” sa présence, pour “être” sa présence ; et la fin de l’eucharistie, c’est l’unité de cette Église qui se reçoit humblement de ce présent offert.
Quel sens, alors, donner à l’adoration eucharistique si souvent pratiquée en milieu catholique ? En étant signe de Celui qui se donne et pourtant nous échappe, elle bouleverse le croyant dans son rapport à soi et au monde.
Voilà un essai extrêmement stimulant, qui renouvelle profondément la manière de penser et de vivre l’eucharistie. »[1]

 

Cette thèse de théologie de Matthieu Rouillé d’Orfeuil est passionnante, même pour ceux qui comme moi ne sont ni philosophes ni théologiens.
A aborder avec beaucoup d’humilité et de persévérance mais qui renouvelle et élargit la compréhension de ce qu’est l’eucharistie

[1] GRIEU, ÉTIENNE. Lieu, présence, résurrection Etudes. Juin 2017. [En ligne]. Consulté le 5 juillet 2020. Disponible sur le web : https://www.revue-etudes.com/article/lieu-presence-resurrection-18548.

 

 

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UNE TEMPETE SIGNIFICATIVE

UNE TEMPETE SIGNIFICATIVE [1]

R.P. Alexandre SCHMEMANN [2]

Ecrit en 1971 à l’occasion du 30° anniversaire de l’autocéphalie de « L’Église Orthodoxe en Amérique »

 

« La tempête qu’a provoquée « l’autocéphalie » de l’Église orthodoxe en Amérique (E.O.A.) est probablement l’une des crises les plus significatives qui aient eu lieu dans l’histoire de l’Église orthodoxe depuis plusieurs siècles. Elle pourrait toutefois avoir des effets bénéfiques si les acteurs principaux de ce drame l’acceptaient, comme une occasion unique pour dissiper une confusion que, depuis trop longtemps, les Orthodoxes eux-mêmes ont voulu ignorer.
Si l’Amérique est soudainement devenue le centre d’attention et de passions des Orthodoxes, c’est parce que la situation de l’Église, ici, devait révéler tôt ou tard la nature véritable et la portée de ce qui est dû fait une crise panorthodoxe.

 

Le père Schmemann se propose ensuite « d’examiner la nature et les causes de la tempête qu’elle a provoquée, ainsi que les motifs profonds, parfois inconscients, que cachent ces réactions passionnées. »

Il propose d’abord quelques repères :

 

LA TRADITION ET LES SAINTS CANONS
 
  • Les Saints Canons ne sont pas la seule source de la Tradition canonique. Mais comme tradition première ils sont la norme et le standard de tout développement canonique ultérieur, le contexte même selon lequel, on doit évaluer toute l’histoire de l’Église – au passé, au présent ou au futur
  • Les mots clés du débat – autocéphalie, juridiction, etc. font appel à des précédents du passé, reconnu comme faisant partie de la Tradition
Le critère d’évaluation doit être avant tout ecclésiologique : il faut se référer à la doctrine permanente et immuable de la nature de l’Église, à son “essence”.

 

UNE TRADITION FORMEE PAR TROIS STRATES SUCCESSIVES :
  1. La première strate : l’Église locale de l’Antiquité
 L’Église locale c’est la communauté réunie autour de son évêque et de son clergé. Aucune Église n’est sous l’autorité d’une autre ; aucun évêque n’est sous l’autorité d’un autre. La nature même de cette dépendance, et donc de l’unité entre les Églises, n’est pas “juridictionnelle”. La primauté n’est pas un principe “juridictionnel”. Si, selon le Canon apostolique 34, les évêques, partout, doivent savoir qui est le premier parmi eux, le même canon définit la primauté par rapport à la Sainte Trinité, qui possède un certain ordre mais, bien sûr, aucune notion de “subordination”.
Finalement, il existe dès le début un centre universel d’unité – une primauté universelle. D’abord, c’était l’Église de Jérusalem, ensuite celle de Rome. C’est une primauté que même les théologiens romains modernes définissent (au moins pour la période ancienne) en termes de “sollicitude” plutôt que de “pouvoir” ou de “juridiction”.
Telle est la Tradition canonique essentielle.

C’est à la lumière de cette tradition, qu’on peut « lire » le véritable sens des strates suivantes :

  1. La deuxième strate : l’Église de l’Empire
 Avec la reconnaissance de la religion chrétienne comme religion d’Empire par Gatien (380) il y a intégration progressive des structures de l’Église dans le système administratif de l’Empire. Cette strate se distingue de la précédente, se fonde sur des principes différents et a donc des implications différentes pour l’ecclésiologie orthodoxe. Elle « exprime et ordonne la vie historique de l’Église, c’est-à-dire sa relation avec le monde au sein duquel elle est appelée à vivre sa vocation et sa mission. »
Voilà le cœur de la question : la nature de l’Église, qui n’est pas juridictionnelle, peut, et même doit inévitablement avoir “dans ce monde” une expression juridictionnelle qu’elle ne possédait pas avant et qui ne fait pas partie de sa nature essentielle.
L’idéal de la symphonie entre « l’imperium » et le « sacerdotium » exigeait un homologue ecclésiastique de l’empereur, un centre personnel de l’Église allant de pair avec le centre personnel de l’Empire.
 Il y a une très nette différence entre le rôle et la fonction du Patriarche Byzantin et la tradition canonique à cette même époque.
  • Du point de vue canonique, le Patriarche de Constantinople demeurait le primat de l’Église d’Orient, bien que cette primauté lui fût accordée parce que sa ville était celle de “l’empereur et du sénat” (Canon 28 de Chalcédoine), ainsi que le primat de son propre “diocèse”.
  • Du point de vue “impérial par contre, il devenait le chef de l’Église, centre non seulement de l’unité de l’Église mais aussi de son gouvernement « juridictionnel ».

Les évêques locaux, à l’instar des gouverneurs civils, se sont transformés peu à peu en représentants, voire délégués, d’un pouvoir central, c’est-à dire du Patriarche et de son Synode permanent.

  1. La troisième strate : l’Église nationale

La conquête des provinces byzantines par les Arabes, les Turcs, l’invasion latine de 1204, le défi des Slaves, au Nord, etc.… font qu’en pratique Byzance devient un État grec, relativement petit et faible. Les nations entrées dans sa zone d’influence politique, religieuse et culturelle (Bulgares, Serbes et, plus tard, Russes) nées de la vision byzantine, se mettent à s’approprier sa vision théocratique.

C’est à partir de ce constat qu’apparait l’idée d’autocéphalie -l’indépendance ecclésiale- comme fondement de l’indépendance nationale et politique.

 

L’IDEE ISLAMIQUE/ LA NATION-RELIGION (MILLET)

 « Malgré la chute de Byzance en 1453, l’idée islamique de la “nation-religion” (Milet) a garanti pour tout le monde byzantin, soumis à cette époque à la domination turque, la continuation de la tradition “impériale”.

Selon la logique du système Milet, le Patriarche œcuménique a assumé, non seulement de facto mais aussi de jure, le rôle de chef de tous les chrétiens ; il est devenu en quelque sorte leur empereur.
La période qui suit (fin XV°s – XIX°s) est pour l’Orthodoxie, à quelques exceptions près, une période de divisions, de sclérose théologique et, de nationalisme ecclésial complètement sécularisé.

 

LA SITUATION EN AMERIQUE

Il était naturel aussi que l’explosion ait lieu en Amérique.

Tant que les Églises orthodoxes restaient isolées les unes par rapport aux autres, chacune vivant dans son propre “monde”, il était peu probable qu’une crise ouverte éclate. Ce qui se passait dans une Église donnée n’intéressait guère les autres.
En Amérique, le principe national qui veut que « chaque Russe, Grec, Serbe ou Roumain fait partie de son Église d’origine où qu’il se trouve dans le monde, et chaque Église nationale possède ipso facto des droits canoniques partout. » a produit un effet inattendu : on a vu fleurir des Eglises en exil, et des diocèses avec évêques et territoire canonique.

 

HELLENISME CHRETIEN OU HELENISME GRECO-PAÏEN ?

« Presque toutes les Églises orthodoxes sont, à des degrés divers, victimes d’un nationalisme hypertrophié et se réfèrent exclusivement au “précédent” national dans l’histoire de l’Église.

Par contre, le moment de vérité qui vient de sonner concerne aussi la couche que nous avons appelée impériale. C’est ici que nous trouvons la racine profonde de la réaction spécifiquement grecque face à la tempête contemporaine. »
Si, pour la majorité des Orthodoxes, le centre de leur mentalité ecclésiale est national, le nationalisme de la mentalité grecque n’est pas univoque. Les racines du nationalisme grec ne se trouvent pas, comme pour les autres Orthodoxes, dans la réalité et l’expérience de l’Église-nation, mais dans l’oikouméné byzantin, c’est-à-dire dans la couche du passé que nous avons nommée impériale.
Par nature, la pensée orthodoxe grecque se réfère à la typologie byzantine i.e. « la transformation presque inconsciente de la couche “impériale” de la tradition orthodoxe en une couche essentielle, c’est-à-dire la transformation de Byzance en une dimension permanente, essentielle et normative pour l’Orthodoxie elle-même. »
« Les Byzantins s’appelaient romains, non pas grecs, parce que Rome, et non pas la Grèce, était symbole d’universalité. La nouvelle capitale ne pouvait qu’être la Nouvelle Rome. Jusqu’au VIIe siècle, le latin, non pas le grec, était la langue officielle des chancelleries byzantines. Les Pères de l’Église auraient été horrifiés de se faire appeler Grecs. »

 

LE RÔLE DU PATRIARCHE OECUMENIQUE

 « La première difficulté vient des façons différentes de comprendre la place et de la fonction du Patriarche œcuménique dans l’Eglise orthodoxe. Toutes les Églises orthodoxes, sans exception, lui accordent la primauté, mais entre les Églises grecques et les autres il existe des différences substantielles dans la compréhension de cette primauté. »

  • Pour les Églises non grecques, le rôle du Patriarche œcuménique est enraciné dans l’ecclésiologie essentielle qui, dès le début, a toujours connu un centre universel reconnu par tous ce qui en fait un centre d’unité
  • Cet ordre des choses n’est pas immuable et peut être modifié par un concile [3]
Cette interprétation, pourtant, est “anathème” pour les Grecs qui se réfèrent à une vision du trône œcuménique avant tout spirituelle et psychologique plus qu’ecclésiologique et canonique. L’expression « Constantinople est le siège qui possède la primauté universelle que l’Église lui a accordée » s’est transformée en « Constantinople doit être le siège… »

 

Le P. Schemann après une longue analyse historique en arrive à cette compréhension de la manière « grecque » de considérer l’autocéphalie : « Par conséquent, même aujourd’hui, les hiérarques grecs ne comprennent guère le principe d’autocéphalie, qui constitue le fondement de l’organisation actuelle de l’Église. Ils ne le comprennent ni dans son principium, c’est-à-dire le droit d’accorder l’autocéphalie, ni dans sa modalité, c’est-à-dire dans ses implications pour les relations entre les Églises. »

 

Et conclut par un état des lieux en 1971 :
« Jusqu’à présent, de par sa situation spécifique, une seule “partie” de l’Église orthodoxe implantée en Amérique (celle qui s’appelait communément, avant 1970, « Métropolie russe », puis « Église Orthodoxe en Amérique ») s’est vue “forcée” à retourner aux sources. [4]
 
Tôt ou tard, on comprendra que ce n’est pas conforter l’Orthodoxie que de chercher à préserver l’hellénisme “ethnico-linguistique”, la “russité”, la “serbité”, etc. Par contre, en mettant en pratique les exigences essentielles de l’Église, nous sauverons tout ce qui est essentiel dans chaque forme de la foi et de la vie chrétiennes.
 
Le Père G. Florovsky, théologien russe vivant et travaillant en exil, avait eu le courage, dans son livre Les voies de la théologie russe, de dénoncer et de condamner les déviations de la “russité” par rapport à l’hellénisme chrétien. Il a ainsi libéré toute une génération de théologiens russes des derniers complexes du pseudo-messianisme et du nationalisme religieux. Le moment n’est-il pas venu qu’un théologien grec accomplisse la même tâche, difficile certes, mais nécessaire, pour libérer l’esprit grec des ambiguïtés de l’hellénisme “ethnico-linguistique” ?
 
Tôt ou tard, il apparaîtra évident à tous que le Patriarche œcuménique, s’il veut exercer la primauté universelle, n’y arrivera pas par des réactions défensives et négatives, ni par un appel douteux à des traditions et à des précédents également douteux et inapplicables. Il y parviendra plutôt en montrant positivement le chemin vers la réalisation de la nature essentielle de l’Église “en tout lieu de son empire”. »

 

 

 

[1] SCHMEMANN Alexandre. Une tempête significative. Un document retrouvé. ( Traduction française du Père Stéphane Bigham de l’article « A Meaning-full Storm », Church, World, Mission : Reflections on Orthodoxy in the West, Crestwood, NY, St. Vladimir’s Seminary Press, 1979, pp. 85-116. En russe in Tserkov, mir, missia: mysli o Pravoslavii na Zapade, Sviato-Tikhonovskij – Institut, Moscou 1996).
[3] Par exemple, si l’Église Catholique romaine s’unissait à l’Orthodoxie, la primauté universelle pourrait (ou pourrait ne pas) revenir à l’Ancienne Rome. Telle est la position ecclésiologique, dans sa forme la plus simple, des Eglises non grecques.
[4] Une étude de mars 2002 souligne la multiplicité des juridictions, qui rend le paysage orthodoxe américain extrêmement complexe : plus de 20 principales juridictions orthodoxes, réparties en 50 diocèses. En raison de leurs liens étroits avec les Églises-mères, auxquelles elles restaient liées, les communautés orthodoxes sur sol américain ont été directement affectées par les développements dans leurs pays d’origine. (MAYER, Jean-François. Religioscope. Eglises orthodoxes aux Etats-Unis : une identité en mutation. 11 mars 2002 [consulté 16 mai 2020] disponible sur le web : https://www.religion.info/2002/03/11/eglises-orthodoxes-aux-etats-unis-une-identite-en-mutation/

UNE TEMPETE SIGNIFICATIVE Lire la suite »

J’ai aimé lire

Qu’avez-vous fait de Jésus de Christine Pedotti
Christine Pedotti s’adresse aux responsables de l’église catholique et les interpelle en profondeur en ramenant sans cesse leurs actes, comportements et enseignements aux paroles et aux agissements du Christ dans les évangiles en 130 pages et dix petits chapitres :

1.De la crise ; 2.De la sexualité ; 3.Du péché et du crime ; 4.Du père et de la mère ; 5.Du pouvoir ; 6.Du scandale ; 7.De l’exemplarité ; 8.De l’urgence ; 9.Du catholicisme ; 10.De l’avenir

Auxquels elle joint trois annexes : 1.Lettre du pape François au peuple de Dieu ; 2.Les principales étapes du dévoilement de la pédocriminalité et de sa dissimulation dans l’Église catholique ; 3.Les causes de la pédophilie des prêtres.

Au-delà du ton incisif, voire polémique, les analyses sont, hélas, pertinentes ! Les questions sont de vraies questions que l’Eglise Catholique doit impérativement affronter et solutionner. La faillite de notre système catholique romain appelle un renouvellement total de la manière de penser et de vivre l’Eglise, sous peine de sclérose et/ou de disparition.

Il est remarquable que le catholicisme se développe le plus dans la société les moins instruites. Cela devrait poser question. Non sur la validité du message, mais sur la manière dont l’Eglise Catholique Romaine -et pas seulement elle- propose de le vivre concrètement ad intra comme ad extra.

(Voir en complément un article du Bulettin Théologique n° 13 du Centre Théologique Universitaire de Rouen

 

Christine Pedotti est écrivain, éditrice et journaliste catholique. Licenciée en histoire et diplômée de Sciences PO, licenciée en théologie à l’institut catholique de Paris, elle entre à Bayard presse où elle écrit pour Grain de soleil. Elle fonde Enfance Chrétienne, née de la fusion des éditions Mâme et Fleurus. Elle est la cheville ouvrière des encyclopédies Théo. Elle est rédactrice en chef de Témoignage chrétien et a coordonné la rédaction de « Jésus. L’encyclopédie » publiée sous la direction de Joseph Doré chez Albin Michel en 2017.

 


 

François Dvornick: Byzance et la primauté Romaine

 

L’Auteur
František (François) Dvornik, Tchécoslovaque, Prêtre, spécialiste des histoires byzantine et slave.
Docteur ès Lettres (Paris Sorbonne 1926), professeur d’histoire ecclésiastique à la faculté de théologie catholique de Prague (1928), il est l’un des fondateurs de l’Institut d’études slaves de Prague et cofondateur de la revue scientifique Byzantinoslavica.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il enseigne au Collège de France et à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris.
De 1948 à 1965, il est professeur d’études byzantines au Dumbarton Oaks Center à l’université Harvard.
Il est nommé consultant pour l’histoire de l’œcuménisme au Concile Vatican II à partir de 1961.
F. Dvornik compte parmi les plus fameux byzantologues du monde. Son travail sur le patriarche Photius Ier de Constantinople fait référence.

Byzance et la primauté romaine

La primauté romaine reste le principal obstacle au rapprochement entre l’Eglise Catholique et l’Eglise Orthodoxe. La division politique, les querelles théologiques exacerbées, les questions ecclésiologiques sans doute plus profondes vont conduire à des positions qui se rapprocheront avant de diverger, après 1204, dans des polémiques plus politiques que religieuses (Introduction)

Tant que le siège du pouvoir impérial est à Rome, la primauté de siège apostolique romain ne fait pas débat. Le “principe d’accommodement” à la division politique de l’empire est une réalité depuis les apôtres eux-mêmes (Chap.1). Mais à partir du transfert de la capitale de Rome à Constantinople (330) les différences de vécu vont avoir des effets polémiques sur les rapports entre l’Eglise de Rome et l’Eglise de Constantinople. C’est à cette période (IV°s) que va être affirmée l’origine pétrinienne du siège romain, en attribuant au fondateur le rôle de “premier évêque” -ce qui est abusif.

Dans l’Orient, ce “principe d’apostolicité” sera aussi l’utilisé, en réaction à son utilisation continue par Rome dans ses efforts pour lui imposer sa suprématie .

Les peurs et les incompréhensions -et même les procès d’intention- font que le synode de Constantinople en 381 et surtout le canon XXVIII du concile de Chalcédoine[1] en 451 sont vivement questionnés par Rome comme dangereux pour l’unité de l’Eglise et la primauté du siège romain (Chap.2)

Le schisme d’Accace (484-519) (chap.3) qui parraine un compromis avec les monophysites (Hénoticon)  va provoquer chez le Pape Gélase une réaction très vive : non seulement il refuse de reconnaitre le canon XXVIII de Chalcédoine, mais il affirme la juridiction de Rome sur toute l’Eglise, ce qui est parfaitement inacceptable pour Constantinople qui veut bien reconnaitre la primauté de Rome, mais entend conserver son autonomie. Le Pape Hormisdas et l’Empereur Justinien vont débloquer la situation en publiant le “libellus Homisdae” ou l’Eglise de Rome est reconnue comme: le “Siège apostolique, [où] la religion catholique a toujours été immaculée” et où “persiste la totale et la vraie force de la religion chrétienne

L’empereur Justinien qui est le grand artisan de cette nouvelle entente souhaite une réharmonisation de l’Empire entre Rome et Constantinople en plaçant quasiment à égalité comme don divin “sacerdotium et impérium”. Mais les invasions et la perte de la domination maritime vont mettre à mal l’œuvre de Justinien, provoquer une rupture dans les communications de tous ordres. Les idées, les intérêts divergent : Constantinople, confrontée à l’envahisseur Perse et Arabe, se recentre sur sa culture hellénistique et orientale, alors que l’occident confronté aux Germains va tenter de les christianiser mais aussi va intégrer une partie de leurs traditions. (Chap.4)

Les crises des VII° et VIII°s (chap.5): monothélisme -avec comme conséquences l’arrestation du Pape par l’Empereur et sa mort en exil-  synode ‘in trullo” (692), dont certains aspect sont refusés par l’Eglise de Rome[2]; confirment un éloignement progressif des  conceptions de la discipline de l’Eglise. Si la conclusion de la crise iconoclaste permet au Pape de réaffirmer la primauté romaine, sa lettre qui est lue au concile Nicée II (787) est soigneusement censurée de tout ce qui est revendication romaine de primauté juridique.

L’acceptation du principe d’apostolicité  par les Eglises d’Orient va conduire à un renouveau de l’idée Pentarchique[3] au VIII° et IX°s (Chap.6), ce qui n’impliquait pas une revendication d’égalité des Sièges et ne remettait pas en cause la primauté romaine. Même au cours du conflit qui l’oppose à Rome, le Patriarche Photius ne remet pas en cause la primauté romaine, au contraire.

La crise, -les crises- du XI°s (chap.7) vont mettre à mal une entente doctrinale orient-occident si difficilement réalisée. Avec l’avènement d’un pouvoir germanique fort en occident, les “grecs” sont perçus comme  des étrangers, alors que Byzance conserve l’idée d’une unité de l’Empire Romain qui, de fait, n’existe plus. Ce déséquilibre encore masqué va se révéler au grand jour avec les conquêtes par les Normands des territoires byzantins d’Italie (X° et XI°s). Ensuite tout est bon à querelle: différences d’usage, de discipline ecclésiastique, de théologie. Même les tentatives d’alliance contre les Normands tournent à la querelle. La bulle d’excommunication contre le Patriarche de Constantinople (1054) n’est que la conséquence d’une impossibilité de se comprendre.

La prise de Constantinople par les armées de la 4eme croisade (chap.8) et la création d’un empire latin avec un patriarche latin à la tête de l’Eglise grecque, va conduire les “grecs” sur une position défensive qui deviendra une opposition totale et mettra fin à toute possibilité d’entente.

Conclusion
C’est en vertu du principe d’accommodement que Byzance va réclamer une place particulière. Rome va s’efforcer de remplacer, dans l’organisation de l’église, le principe d’accommodement par le principe d’apostolicité. Le fait que l’Eglise Byzantine impressionnée par cette référence à un Apôtre-Fondateur adopte aussi peu à peu ce même principe provoque -me semble-t-il-  une distorsion de compréhension de ce qu’est l’ Eglise en Occident et en Orient, parce que les  définitions de l’Eglise ne sont pas les mêmes.
Le périmètre des patriarcats orientaux est à l’échelle d’un diocèse, alors que Rome, qui ne se reconnait pas comme un patriarcat mais comme le Principe d’Unité de l’Eglise, se pense à l’échelle du monde. Les conflits qui s’ensuivent seront des conflits de juridiction plus que des conflits théologiques, Rome étant au contraire reconnue comme gardienne de la foi, au moins jusqu’à ce que François Dvornik intitule très justement “La catastrophe de 1204”.
Byzance et la primauté romaine est un livre-bilan des dernières recherches de l’auteur sur “l’organisation de l’Eglise primitive et les idées qui sanctionnaient cette organisation” [4]. L’idée de primauté dans l’église byzantine est présentée dans un cadre nouveau: plutôt que d’aborder cette question de façon théologiquement antagoniste, c’est en faisant un travail d’historien[5], en examinant les positions de l’Eglise byzantine et de l’Eglise romaine telle que les textes de l’époque les font connaitre, et à partir du point de vue des Byzantins, que F. Dvornik fait apparaitre une nouvelle manière de considérer ce problème.
     Il y a peu de recensions sur cet ouvrage (en général en anglais), mais il est intéressant de noter que sur  les deux trouvées[6] celle de Vassil T Istavridis historien orthodoxe, se termine sur ce remerciement: “Le lecteur Orthodoxe est très  reconnaissant de l’application de cette méthode dans l’étude présente, de l’objectivité avec laquelle l’auteur traite son matériel dans la relation tant à l’Est que l’Ouest, et comme Orthodoxe, exprime l’espoir de voir plus d’études de la même sorte émanant d’études théologiques et historiques Occidentales.”

 

[2] https://www.universalis.fr/encyclopedie/concile-in-trullo/
[3] Formulée par Justinien (Novelle 123, VI°s) et énoncée explicitement dans les actes du synode ‘in trullo”.
[4] Le schisme de Photius : histoire et légende, Paris, éd. du Cerf, coll. « Unam Sanctam », no 19, 1950; The Slavs : their early history and civilization, Boston, American Academy of Arts and Sciences, 1956; The idea of apostolicity in Byzantium and the legend of the apostle Andrew, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1958
[5] Francis Dvornik, Byzance et la Primauté romaine,  article paru dans The American Ecclesiastical Review:  pp 289-312, éd. The Catholic University of America Press, 05/1961
[6] Cyril Mango: Journal of theological studies, 01/01/1966, Volume : 17, Page : 202; et Vasil T. Istavridis: The Greek Orthodox theological review,  01.07.1965, Volume : 11, Numéro : 1

 


Le bulletin théologique du CTU est maintenant disponible aussi en ligne

 


 

Lettre à ma belle fille catholique pour lui expliquer le

protestantisme

Antoine Nouis
Antoine Nouis a été durant plus de vingt ans pasteur de l’église réformée de France. Auteur de plusieurs livres sur la spiritualité et la pensée protestante, il est aujourd’hui journaliste à l’hebdomadaire réforme.

 “Dans ce beau texte sous forme d’adresse à sa belle-fille, il propose de dévoiler les spécificités de la foi protestante, et ce qui la différencie du catholicisme. Il retrace  à la  fois les principes, l’implantation puis l’histoire du protestantisme en France et son importance, souvent méconnue. Il montre également l’actualité et la pertinence de la foi protestante, ses points de convergence et parfois de divergence avec la foi catholique, et comment  les deux traditions peuvent se nourrir l’une de l’autre.”

 

 C’est un petit livre (106 pages de texte) que tous les catholiques français devraient lire. C’est non seulement intelligent, mais c’est chaleureux, clair, et profondément imprégné d’affection pour l’église catholique sans renier en rien sa manière protestante d’exprimer sa foi.

C’est aussi une vraie leçon d’œcuménisme qui cherche dans l’autre le supplément de richesse et non le “defectus” supposé.

C’est édité chez Labor et Fides et ça coute 14€

C’est peu pour devenir intelligent !

 

 


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BULLETIN THÉOLOGIQUE
N°6 – Toussaint 2016
Le Bulletin théologique est une revue éditée
par des professeurs et étudiants
(On trouvera ici les liens vers tous les bulletins du CTU )

 Sommaire

 Contributions théologiques
 Spiritualité
 Actualités des livres
 Sitographie et Bibliographie: Autour de la canonisation de Mère Teresa
(Paul Paumier)

Listes des auteurs


JPII Miséricorde divineDans cette année de la miséricorde ouverte par le pape François, il est bon de se retourner vers ce texte un peu ancien, certes, mais qui garde, outre son actualité,toute sa pertinence.
La miséricorde s’y exprime comme “le rapport de la justice avec l’amour”(n°5) “la fidélité du père à sois-même est totalement centrée sur l’humanité du fils perdu, sa dignité” (n°6)
La miséricorde comme Amour qui pardonne et restaure trouve son sommet et son accom!plissement dans la passion, la résurection et l’ascension de Jésus-Christ.
A relire -ou lire- de toute urgence
Jean-Paul II: La miséricorde divine, Centurion Paris 1981

 Contacts n° 243
Revue française de l’ orthodoxie
Comprendre les enjeux du prochain concile de l’Eglise orthodoxe

20151213 Contacts  Dans la ligne du colloque de l’ACONor : “Découverte et actualité des Eglises Orthodoxes: unité et diversité” qui s’est tenu à Caen du 15 au 17 novembre dernier, je vous propose ce numéro 243 de la revue “Contacts: revue française de l’orthodoxie ” qui reprends les actes du colloque du 18 au 20 octobre 2012 organisé au Collège des Bernardins à Paris par l’ Institut de théologie orthodoxe St Serge à Paris et le Centre œcuménique de l’Université catholique de Leuwen en Belgique.

Bien que vieux de deux ans déjà il comporte un double intérêt: éclairer les problématiques de ce prochain Grand et Saint Concile Panorthodoxe tant par des théologiens orthodoxes que par des apports de théologiens catholiques.

Un chapitre particulièrement intéressant est celui sur les relations œcuméniques des Eglises orthodoxes. Il met le doigt sur deux points particulièrement importants: le fait que les accords signés par “l’Eglise Orthodoxe” ne sont pas forcément reçus par les Eglises Orthodoxes dans leur diversité; et le second par le fait que -de même que l’Eglise Catholique pour elle-même- les Orthodoxes assimilent facilement l’Eglise à l’Eglise Orthodoxe. (Nature et mission de l’Eglise (2005). Je vois bien par l’expérience  -en tant que catholique romain, les Eglises de la réforme n’ayant pas cette position totalitaire-  combien il est nous est difficile de regarder « autrement » la réalité de ce qu’est l’Eglise. Et pourtant nous ne pourrons en faire l’économie si nous voulons exprimer l’ Eglise du Christ autrement que par une théologie -implicite ou explicite- du retour à la « vraie » Eglise (qui ne saurait être que la nôtre bien sûr !)

Geo

Pour se procurer la revue suivre le lien: Contacts


Bernard Sesboüé sj
Pour une théologie oecuménique
Coll: Cogitatio Fidei
ed du Cerf, Paris 1990

2015 07 Pour une théo oec

Il y a des livres qui sonnent comme des évidences. Ce fut le cas pour moi avec le livre du Pasteur Birmelé ” l’horizon de la grâce ” et il en est de même avec ce livre de Bernars Sesboüé s.j. Théologiens réputés l’un et l’autre dans leurs Eglises respectives on sent le même souffle, le même appel, la même certitude: ce chrétien d’une autre Eglise qui est mon frère, Dieu me donne d’abord à l’aimer, ensuite à le comprendre et enfin à chercher ce qui nous met en chemin, l’un avec l’autre, vers le Seigneur: non pas tant pour chercher à établir une vérité qui nous est commune, que pour recevoir notre vérité et notre unité de celui qui, seul, est la Voie, la Vérité, et la Vie.

Ce livre est le fruit d’un engagement de plus de trente ans au Groupe des Dombes et dans diverses commissions officielles de dialogue œcuménique en France et au plan international.

Le Père Sesboüé termine son livre sur cette invitation à tout chrétien, qu’il soit catholique ou non, à avancer sur les voies de l’Unité: “Changer, c’est le terme même de la conversion dans le NT : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile » (Mc 1,15), c’est-à-dire : changez votre cœur.
Oui, la dynamique œcuménique est une dynamique de conversion: elle nous
change et elle doit encore nous changer pour nous réconcilier complètement. Plus elle progressera, plus elle rendra possible la conversion des mentalités, des institutions ou des « structures », toutes cristallisations objectives de nos libertés.
C’est par là que passe le patient cheminement de la réconciliation du peuple de Dieu dans une conversion commune à l’Évangile.”
“Ces divers écrits, d’époques différentes, abordent les points les plus fondamentaux de la recherche oecuméniques de ces dernières années. Il veut être une contribution catholique à la pleine communion entre les Églises.” (4° de couverture)
Depuis 1990 des choses ont changé évolué, mais le mouvement reste le même.

Ce livre est trouvable en ligne.


 

 L’ Atlas des religions
Atlas des religions 001publié par La Vie et Le Monde est devenu un classique, traduit et diffusé jusqu’ en Amérique latine et réédité en librairie. Il reste, à ce jour, la seule publication offrant une vision approfondie du paysage religieux mondial, à la fois à travers l’histoire,donc sur le temps long, et dans ses composantes les plus contemporaines. Il propose en effet une approche synthétique de l’ensemble
des grandes religions, mais aussi une analyse détaillée, pays par pays, fruit de la collaboration des deux rédactions de La Vie et du Monde et de l’apport des plus éminents universitaires.
Les cartes et graphiques sont remarquables Cette publication non seulement nous ouvre sur les réalités des autres religions mais elle permet de les ,mettre en perspective dans notre pays, en Europe et dans le monde.
Un “outil” de référence pour, non seulement, ne pas dire n’importe quoi, mais -plus important- pour ne pas penser n’importe comment…
12€ dans toutes les bonnes librairies.
Pas cher pour ne pas mourir idiot!
Geo

 

L’Église – Vers une vision commune

Conseil œcuménique des Églises :
Document du Foi et Constitution n° 214
Publié avec Unité Chrétienne par la Fédération Protestante de France,ISBN 979-10-94234-00-6, 76 pages, prix : 6,50 €
2015 04 l'eglise vers une vision communeCe second texte de Foi et constitution fait suite au premier : Baptême, Eucharistie, Ministère (1982) – et aux réactions officielles à ce document – qui a cerné des domaines clefs de l’ecclésiologie dans lesquels les études devaient se poursuivre ; il fait également suite aux questions ecclésiologiques soulevées dans le document d’étude : Un seul baptême – Vers la reconnaissance mutuelle (2011).
Pendant vingt ans, les représentants délégués des Églises orthodoxes, protestantes, anglicanes, évangéliques, pentecôtistes et catholique romaine ont tenté de dégager une vision globale, multilatérale et œcuménique de la nature, du but et de la mission de l’Église.
Les Églises ont fait part de leurs réactions et critiques constructives aux deux premières ébauches d’une déclaration commune.
La Commission de Foi et constitution répond à ces Églises par le présent document.
Ce texte dont certaines parties datent de vingt ans est déjà, dans certains cas, dépassé par les accords bilatéraux. Il a fallu ce temps pour que les Eglises Orthodoxes, pour des raisons souvent autres que théologiques, puissent donner leur signature et un accord à la publication.
On reproche parfois aux Eglises et communautés cclésiales (pour reprendre la distinction de Vatican II) de ne pas s’engager assez résolument dans la recherche véritable de l’unité, on déplore des piétinements, des avancées potentielles qui ne voient pas le jour encore… C’est ne pas mesurer vraiment combien, en 50 ans, un grand chemin a été parcouru -théologiquement c’est indéniable- mais également dans la connaissance, le respect et l’amour des frères et sœurs d’autres Eglises. A tel point que le danger qui nous guette aujourd’hui est celui de se contenter finalement d’une coexistence pacifique entre nos Eglises et ne plus voir les enjeux de rechercher et d’accueillir dans l’Esprit Saint une réelle unité visible.
En 50 ans les avancées sont en fait énormes. En témoigne ce texte de convergence de Foi et Constitution. Un texte important et fort, stimulant, qui fait le point sur les questions ecclésiologiques qui se posent à nos Eglises, quant à sa nature et sa mission, quant aux sacrements et aux ministères.
On mesure dans ces pages combien il y a aujourd’hui de convergences dans nos compréhension de ce qu’est l’Eglise et sa mission. Les divergences ne sont pas éludées et sont bien présentées, comme les questions qui restent livrées aux différentes Eglises dans cette quête de l’unité à laquelle nous sommes appelés et qui est ici qualifiée et rappelée comme étant une urgence (au regard des appels du Christ lui-même en Jn 17 et au regard aussi du scandale que représente nos divisions.
Concrètement, après une introduction qui explique comment on en arrive aujourd’hui à ce texte, quatre chapitres nous aident à entrer dans les diverses réalités de ce qu’est l’Eglise et ce que Dieu attend d’elle :
1. La mission de Dieu et l’unité de l’Eglise (envisagée dans le dessein de Dieu, dans ses perspectives historiques et dans l’appel à l’unité)
2. L’Eglise du Dieu Trine (l’Eglise comme communion, l’Eglise aussi comme signe et servante du dessein de Dieu pour le monde, avec la question d l’unité dans la diversité)
3. L’Eglise – croître en communion (il y est question de la foi, des sacrements et des ministères)
4. L’Eglise – Dans et pour le monde.Ce texte a été le sujet de la session oecuménique de la Communauté du Chemin Neuf et est l’objet de l’étude de la Commission Théologique de l’ ACONor
on peut le commander (6,5€) aupres de: “Unité Chrétienne, 7 place Saint Irénée, 69005 Lyon” ou par mail: secretariat@unitechretienne.org

 

Istina 014-2/3 :
DU CŒUR DE L’HOMME AU CORPS DE L’ÉGLISE : LE BAPTÊME DANS L’ESPRIT SAINT

2015 04 BESt 001Colloque organisé par la communauté du Chemin Neuf
du 7 au 10 mars 2013 sous la présidence de
Mgr Justin Welby, Archevêque de Canterbury, Primat de la Communion Anglicane, et de Mgr Philippe Ballot archevêque de Chambéry.
I. Jalons historiques et problématiques
avec les contributions de : L. Fabre, M. Healy, C. M. Robeck,
G. Tchonang, N. Blough, P. Hocken, A. Birmelé, É. Vetö
II. Expérience individuelle et ecclésiale de l’Esprit
avec les contributions de : C. Grappe, É. Vetö, M. Stavrou,
F. Lestang, A. Birmelé, J. Famerée, C. M. Robeck
III. Baptême dans l’Esprit Saint et vie de l’Église
avec les contributions de : P. Dockwiller & M. Healy
Cette expérience fondamentale du renouveau charismatique qu’est le Baptême dans l’ Esprit-Saint est ici étudié loin des agitations partisanes, mais de façon historique, scripturaire et théologique.
J’ai particulièrement apprécié l’article de Philippe Dockwiller: “Unicité de la grâce baptismale: l’Esprit-Saint est la force de ce dont le Baptême est la forme” (pp 283-295)
Il n’en reste pas moins que les expressions Baptême dans l’ Esprit-Saint et effusion de l’Esprit-Saint restent deux termes accolés à une même réalité, même si le terme “baptême” doit être préféré -et tant pis pour les prélats qui trouvent que ça voudrait dire que les catholiques vivent la même chose que les “protestant” (p 119)
Ben oui ! C’est mal ?
Je préférerai qu’ on distingue les deux expériences de façon fondamentale:
– d’une part l’ effusion de l’ Esprit-Saint: don gratuit et inattendu de Dieu qui vient nous envahir par grâce, sans volonté de notre part (st Paul sur le chemin de Damas)
– d’autre part le baptême dans l’Esprit-Saint: don de Dieu reçu à travers la prière des frères réunis en Eglise et qui a pour préalable la volonté de reçevoir le Christ comme mon sauveur et lui remettre ma vie, et pour conséquence la mission (voir l’article de A. Birmelé: Baptême dans l’Esprit-Saint et Eglise. pp 247-257)
Ce numéro d’ Istina est un éclairage bienvenu pour faire entrer dans notre intelligence ce que, dans le renouveau, nous vivons par grâce.

 

BULLETIN THEOLOGIQUE

logo CTUDepuis presque 20 ans, le Centre Théologique Universitaire de Rouen accompagne les chrétiens normands désireux de se former en théologie.
Au long d’un parcours universitaire destiné à obtenir la licence de théologie en partenariat avec l’Institut Catholique de Paris, les étudiants s’immergent dans le vaste monde de la théologie et de l’exégèse.
De bien des façons, même si un diplôme ne fait pas tout, les fruits de ces formations poussent ici et là.
L’arrivée de ce bulletin en est un assurément.
Projet ambitieux qui consiste à rendre compte de l’actualité de la théologie dans notre région.
Projet modeste puisqu’il entend ne pas se substituer aux revues déjà établies.
Avec des articles, des recensions d’ouvrages, les conférences, le bulletin entend donner un écho de ce qui se vit en Haute-Normandie au sujet de la théologie.
La tenue d’un bulletin est une activité exigeante et passionnante.
Exigeante car il faut tenir les délais, accompagner les articles, relancer les auteurs, veiller aux détails de l’édition (même sur le web).
Passionnante car elle demande une attention constante « aux signes des temps », à la façon dont nos sociétés réfléchissent et sollicitent les capacités de réflexion des disciples du Christ.
Puisse ce bulletin contribuer à la réflexion et témoigner combien aussi en théologie, l’Eglise, suivant la formule de Paul VI, veut se faire conversation avec le monde.
Père Jean-Baptiste SEBE
Directeur du CTU

L’HORIZON DE LA GRACE
André Birmelé
Ed. Olivétan/le Cerf Paris 2013
2014 01« Partant du témoignage biblique et revisitant les grands moments de l’histoire du christianisme, André Birmelé en présente les orientations majeures. La Révélation, la Parole de Dieu, la foi, le péché, Jésus-Christ, sa Croix et sa Résurrection, le Salut par la grâce, les Sacrements, l’Église… Les convictions chrétiennes fondamentales sont examinées tour à tour, présentées sans simplification mais dans un langage accessible, volontairement dégagé du détail des débats scientifiques.
L’auteur montre aussi que maints sujets qui ont provoqué des divisions entre les Églises sont à présent le lieu d’une profession de foi commune, le fondement d’une diversité réconciliée… »
Cet exposé de la foi chrétienne telle qu’elle est comprise par la théologie luthérienne est toujours ouverte sur les compréhensions différentes des autres Eglises. Et c’est là pour le catholique que je suis une des très grandes richesses de ce livre. Il nous fait entrer dans une compréhension différenciée entre les interprétations qui ne sont plus vraiment séparatrices pour nos Eglises et celles qui le sont encore, et qui trouvent leur source non pas dans la compréhension de l’Eglise comme instrument du salut, mais dans la nature de cette instrumentalité.
Le bon sens populaire affirme que « qui n’entends qu’une cloche n’entend qu’un son ! » Voilà une excellente manière, pour ceux d’entre nous qui ne sont pas Protestants, d’entendre « un autre son de cloche » donné avec intelligence, brio, et respect par un grand théologien.
Je ne dirai pas comme dans Charlie hebdo « si vous ne pouvez pas l’acheter volez-le » mais c’est évidemment un livre à lire et à faire lire.
Geo

J’ai aimé lire Lire la suite »

SODOMA

SODOMA de Frédéric Martel
ed Robert Laffont, Paris 2019

Cette rubrique s’appelle “J’ai aimé lire”…Or je n’ai pas du tout aimé lire Sodoma

C’est une purge, un vermifuge, quelque chose qu’on prend par nécessité, pour  évacuer un mal qui vous envahit.
Et en ce sens Sodoma est nécessaire par ce qu’il révèle plus que par ce qu’il dénonce, même si ce qu’il dénonce donne envie de vomir.
Le pape François à commencé à nettoyer cette moderne écurie d’Augias qu’ est la Curie Vaticane. Et on peut regretter que le travail n’ai pas été entamé plus tôt.
Oui Sodoma est outrancier, oui c’est un livre écrit par un auteur homosexuel et par bien des égards un livre autoréférenciel. Et le présupposé de Frédérique Martel qui veut que ceux qui, chez les prêtres sont homosexuels mais tiennent leur engagement au célibat se mentent à eux-même et en conçoivent une réelle aversion pour l’homosexualité et que les autres ne sont que des menteurs cyniques est un peu cour. Il oublie tous ceux qui, quelle que soit leur orientation, homo, hétéro, ou bisexuels, peu importe, sont fidèles à leur voeux de chasteté ou leur engagement au célibat.

 

Alors en quoi ce livre est nécessaire ?

D’abord, il met à jour un mécanisme qui n’est pas criminel en soi, mais qui influe sur le recrutement des candidats à la prêtrise ou au monasticat: chez les homosexuels, le fait de vivre dans un milieu ou le célibat va être une valeur majeure de son état est un bénéfice et non pas une question. Il est donc logique qu’on en retrouve une partie dans les candidats a l’ordination presbytérales
Le Prêtre conçu comme un être à part et “pur” de toute sexualité est une idéologie qui, en l’occurence, va faire des ravages. D’autant plus que vient se greffer la-dessus tout ce qui a trait au pouvoir qui va dégénérer en abus de pouvoir. Ce que le Pape François dénonce sous le terme de “cléricalisme”.

 

L’enquete de Frédérique Martel nous oblige à ouvrir les yeux.

Ce qui pouvait être perçu comme des dérives isolées apparaît comme un système de cooptation et de complicité. Et cet état de chose a amené un tel système de dissimulation qu’il a constitué un abri idéal dont ont profité les criminel écclésiastiques: qu’ils soient pédocriminels, violeurs (et ce que nous aprenons sur les viols de religieuses est atterrant), voire proxénètes.
Il n’est plus possible après la lecture de ce livre de proclamer comme autrefois que l’ Eglise est sans péché, mais jamais sans pécheurs. Notre Eglise Catholique Romaine est devenue au moins en partie “structure de péché”.
Le combat auquel nous invite le pape François -et qui trouve tant de résistance au sein même de la curie romaine- est la condition même de la survie de l’Eglise Catholique Romaine comme lieu d’évangélisation crédible

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