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Après l’assemblée des évêques catholiques à Lourdes : le chagrin et la pitié.

Mars 2023

  Alors que vient de se terminer l’assemblée des évêques catholique à Lourdes, je suis saisi par une colère sourde en lisant le rapport final d’Éric de Moulin-Beaufort, président de l’assemblée des Evêques de France.
Neuf groupes de travail constitué de façon plurielle avec au moins un témoin-victime d’abus sexuel de la part de membre du clergé, et au moins un évêque. Selon les termes mêmes du site de la cef : « On pourrait presque dire que c’est l’unique objectif des groupes de travail : faire émerger des propositions concrètes ! »
Et des propositions concrètes ont été proposées aux évêques présents.
Mais le compte-rendu des décisions nous chante une toute autre chanson : les deux tiers des propositions sont renvoyées vers des comité d’experts (qui seront constitués de clercs). De plus, « les propositions visant à associer un groupe stable de fidèles prêtres ou diacres ou laïcs ou consacrées et consacrés tant à l’assemblée plénière qu’au conseil permanent n’ont pas été retenues. ».
Au final les laïcs donnent leur avis…et les clercs décident seuls. Un concentré de cléricalisme pur. A savourer pour les adeptes du genre !
Il y a six mois j’adressais à ma Fraternité le message suivant :

La pitié sera le chagrin que nous cause un malheur dont nous sommes témoins et capable de perdre ou d’affliger une personne qui ne mérite pas d’en être atteinte, lorsque nous présumons qu’il peut nous atteindre nous-mêmes, ou quelqu’un des nôtres, et cela quand ce malheur parait être près de nous. En effet, il est évident que celui qui va être pris de pitié est dans un état d’esprit tel qu’il croira pouvoir éprouver quelque malheur, ou lui-même, ou dans la personne de quelqu’un des siens, et un malheur arrivé dans les conditions énoncées dans la définition, ou analogues, ou approchantes.

On aura de la pitié si l’on croit qu’il existe d’honnêtes gens ; car, si l’on n’a cette idée de personne, on trouve toujours que le malheur est mérité. Et, d’une manière générale, lorsqu’on sera disposé à se rappeler que la même calamité est tombée sur soi-même, ou sur les siens, ou encore à songer qu’elle peut nous atteindre, nous ou les nôtres.

Voilà pour les divers états d’esprit où l’on a de la pitié.

Quant à ce qui inspire ce sentiment, la définition donnée le montre avec évidence. Parmi les choses affligeantes et douloureuses, toutes celles qui amènent la destruction excitent la pitié, ainsi que toutes celles qui suppriment un bien, et celles dont la rencontre accidentelle est une cause de malheurs d’une grande gravité.

Aristote, Rhétorique, livre II, Chapitre VIII, 2-3 et 8

         C’est un peu le sentiment que je ressent en ce moment ou je me sens, avec l’Eglise catholique en France, submergée par une vague d’écœurement, de dégout, de tristesse, devant les scandales sexuels à répétitions de toutes sortes qui sont révélés -non parfois sans réticences et dissimulation de la part de la hiérarchie de l’Eglise- depuis la publication du rapport de la CIASE l’an dernier.
       Chagrin, oui parce que cette Eglise, je continue à croire non pas qu’ elle est « une, sainte, catholique et apostolique » comme si c’était un fait accompli, mais à son unité en Christ, à sa sainteté par Christ, à son universalité dans le salut qu’elle propose en Lui, et à la vérité de ce qui nous est transmis de la foi des Apôtres.
     Je ne crois pas que cette Eglise Catholique, Romaine ou non (et c’est aussi valable pour les Eglises orthodoxes ou Orientales si imparfaites dans leurs structures) puisse continuer comme cela sans de profonds bouleversements structurels.
« On aura de la pitié si l’on croit qu’il existe d’honnêtes gens ».:  il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain, mais de changer l’eau.
Et peut-être aussi la baignoire.
      La structure hiérarchique de l’Eglise Catholique est universaliste et on perçoit bien, et de plus en plus, combien cette vision est inadaptée, obsolète, et freine les évolutions nécessaires. Le Synode des Évêques pour l’Amazonie en est un exemple retentissant: la possibilité d’ordonner prêtre des hommes mariés et des femmes diaconnesse n’a finalement pas été retenue à cause de la « contagion » possible à toute l’Eglise Romaine. (Qui à mon avis ne s’en serait pas portée plus mal).
     Cette gouvernance de l’Eglise Catholique Romaine est aujourd’hui une catastrophe. Le crime du card. Ricart est révélateur de bien des disfonctionnements : au sujet de la formation et du parcourt ecclésiastique (https://www.cath.ch/newsf/laffaire-ricard-representative-dun-manque-de-maturite-affective/) mais pas seulement.
Comment croire à la lutte contre la pédocriminalité quand elle est menée par un membre de la congrégation pour la doctrine de la foi lui-même criminel ?
Comment croire à un contrôle de la part du Vatican dans la nomination des évêques par le biais des Nonces Apostoliques, alors que Mgr Luigi Ventura nonce apostolique en France de 2009 à 2019 a été condamné à huit mois de prison pour agression sexuelle après avoir échappé à une plainte identique au Canada en 2008 en raison de son immunité diplomatique ?
     Le problème est moins un problème de personnes qu’un problème de formation de la personne [1]. Ce que Sodoma avait révélé au sein de la haute hiérarchie de l’Eglise Catholique se répercute à tous les niveaux. Les motivations des candidats au sacerdoce ont été trop longtemps sous informées. Les dégâts aujourd’hui sont immenses. Et c’est sur la grande majorité des prêtres et évêques qui se dévouent dans leur ministère que retombe la méfiance souvent imméritée et le désarroi face à une situation dont ils ne sont pas responsables et surtout qu’ils ne savent pas gérer, les « outils » dont ils disposent étant inadaptés.

La communication de la part des évêques est non seulement déficiente dans la forme et le fond mais surtout parfaitement incompréhensible et inaudible. Et les tentatives récentes (2022) de « noyer le poisson » et de se dédouaner de Mgr de Moulin-Beaufort joignent l’odieux au ridicule.

Alors ?

     C’est la structure même de l’Eglise Catholique Romaine qui est sans doute à revoir. Elle est fondée sur le pouvoir absolu d’une caste d’hommes célibataires cooptés mis à part, qui forment le haut clergé.
Dit comme cela c’est certes un peu raide, mais c’est grandement une réalité. Et il faut sans doute se poser des questions :
  • Quel rôle pour le Pape ? La monarchie quasi absolue d’aujourd’hui est-elle pertinente et nécessaire. Être le garant de l’unité veut-il dire nécessairement être garant de l’uniformité ? Nous avons peut-être a apprendre beaucoup de nos frères Anglicans et de la tache de Primat de l’évêque de Canterbury.
  • La réforme de la Curie Romaine, qui va dans le bon sens, n’est pas sans ambiguïté en cas d’élection future d’un pape conservateur mais c’est une volonté de François qui fait bouger les lignes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Reforme_de_la_curie_romaine_sous_le_pape_François
  • Surtout, il faut une vraie cogestion du pouvoir dans l’Eglise Catholique : entre clercs et laïques, entre hommes et femmes. Le fait d’être un homme, célibataire, ordonné, compétent théologiquement, ne fait pas nécessairement une personne équilibrée et bien dans sa vie si c’est un choix par défaut. L’obligation du célibat sacerdotal dans l’Eglise Catholique ROMAINE -pas dans les autres Eglises Catholiques ! – est un non sens qui a des conséquences. La manière dont notre Eglise parle de la vie conjugale est irénique, désincarnée, hors sol. Ca ne veut pas dire qu’un clergé marié serait idéal, mais un prêtre est appelé à être serviteur parmi ses frères et sœurs. Ni à coté, ni au dessus, ni au dessous.
  • Toute cette boue qui remonte de nos égouts ecclésiastiques a un nom : domination. L’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sur les personnes qui sont soumises consciemment ou non, volontairement ou non. Elle est le fait de quelques uns, mais ce poison a été instillé par le type de prêtre formé pendant trop longtemps. Quand j’étais au séminaire, le let-motive était que nous devions nous préparer à diriger, enseigner et conduire le « troupeau » que nous confierait l’Eglise. Et il s’agissait bien d’une relation verticale – hiérarchique, pas horizontale – fraternelle.

     Notre Eglise Catholique Romaine occidentale arrive au bout de son phénomène d’autodestruction. Manque de prêtres, oui, mais ce n’est qu’un symptôme. Il faut peut-être en passer par là pour que se pose la question principale : une Eglise pourquoi ? et ensuite une Eglise comment ?

     Le processus synodal engagé par François peut être un élément de réflexion s’il n’est pas dévoré avant par les petits cochons de la curie.

Tout le problème est de savoir s’il sera suffisant.

     Un signe d’espoir cependant qui montre qu’il est possible de bouger au moins localement : dans notre diocèse de Rouen, Mgr Dominique Lebrun à nommé Mme Carole de Villeroché, mariée et mère de famille, ancienne responsable de la catéchèse comme de Co-Modératrice de la Curie. Un nouveau ministère pour trois ans, pour travailler avec le Vicaire Général avec même pouvoir décisionnaire et même prérogatives que lui.

Un pas peut-être plus important qu’il n’y paraît….

     L’assemblée des évêque à Lourdes fin mars va à l’encontre de l’ouverture désirée par un peuple laïc dont ils ne semblent pas percevoir les attentes, ou pire s’ils les perçoivent se sentent au mieux incapables d’y répondre et au pire refusent d’y répondre.

 Aujourd’hui il apparait que nos évêques (ou du moins plus de 33%  puisque les adoptions se faisaient à la majorité qualifiée) ne souhaitent clairement pas partager les prises de décisions avec les laïcs.

La synodalité consisterai selon eux a prendre leurs avis et à décider ensuite. 

     Est-ce que ça valait vraiment la peine de mobiliser et faire travailler dur une centaine de personnes pour renvoyer les décisions à d’hypothétiques « Comités Théodule » qui rendront leurs avis dans x années  ? Un synode commun CEF/Laïcs tous les trois ans sur un sujet (choisi par qui ?) ne résoudra rien si les décisions ne sont pas prises en commun (dans tout ce qui n’est pas d’ordre dogmatique bien sur).

 
 
     Quand j’ entend qu’une majorité de clercs déclarent en privé que « la CIASE y’en a marre » je suis inquiet. La tendance de ceux qui ont peur est toujours la même: quand ils ont trop chaud , ils accusent le thermomètre.

 

 

Pendant ce temps des crimes continuent à être mis a jour en France et dans le monde.
Et les croyants désertent sans bruit, mais en masse, une église en laquelle ils n’ont plus confiance.  

Hosanna ! Jésus reviens!

 

   Georges


[1] Voir à ce sujet le livre de Josselin TRICOUT  Des soutanes et des hommes  PUF Paris 2021

 

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Veuillez, chers frères évêques, entendre mon cri

Un article de Bernard Paillot du Bulletin Théologique de l’INSR de Rouen du 6 janvier 2023
https://wordpress.com/read/feeds/59927058/posts/4478334109 )   
Paru sur le site « Nous sommes aussi l’église » (https://nsae.fr/):

 

Lettre ouverte de Jean L’hour qui est prêtre des missions étrangères de Paris, exégète et enseignant et a …plus de 90 ans! Cet âge mérite d’être souligné car cela témoigne que les années n’ont pas altéré la vigueur de sa foi, sa pensée, son expression, et sa mémoire.
Oui, il a vécu et se souvient du déroulement et des textes élaborés par les Pères conciliaires. Il en a mesuré l’ouverture au monde au nom de l’Evangile.
Il fait partie de ceux qui ne voient pas seulement dans Vatican II un concile « pastoral » dans la continuité des conciles dogmatiques de Trente puis Vatican I, auxquels il conviendrait de revenir après une parenthèse éruptive.
Pour lui, et pas seulement, l’aggiornamento et la mission d’évangélisation ne sont pas dans une « restauration catholique » de que nombre de plus jeunes s’emploient à rétablir, attendant avec impatience que les témoins de sa trempe disparaissent.  Pour certains l’amnésie n’attend pas le nombre des années; mais pas chez Jean L’Hour.

 

Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas.
Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas.
Car le cœur de ce peuple s’est épaissi,
Ils sont devenus durs d’oreille,
Ils se sont bouché les yeux
Pour ne pas voir de leurs yeux,
Pour ne pas entendre de leurs oreilles,
Ne pas comprendre avec leur cœur,
Et pour ne pas se convertir.
(Évangile de Matthieu 13,14-15)

https://eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/

 

Chers frères évêques de l’Église de France, c’est avec colère et indignation, mais aussi avec affection, que moi, prêtre, je vous adresse cette lettre. Voilà des mois, des années, que vos silences et le seul souci de votre honorabilité couvrent d’innombrables turpitudes au cœur même de notre communauté chrétienne et jusque chez nos plus hauts responsables.

 

Réveillez-vous, je vous en prie, ouvrez les yeux et voyez, tendez l’oreille et entendez ! La communauté dont vous avez la charge est comme un troupeau sans pasteurs. Parmi vos brebis, il en est qui s’éloignent, d’autres qui cherchent à se réfugier dans un passé révolu. Et pendant ce temps l’Évangile de Jésus Christ n’est pas proclamé, la Bonne Nouvelle de Dieu pour le monde n’est plus entendue ! Nombreux encore, heureusement, sont les témoins de Jésus qui, dans la discrétion de leur vie quotidienne, maintiennent le flambeau. Je vous en prie, ne les découragez pas !

 

Comme Jean-Baptiste, commencez par vous dépouiller de tous vos oripeaux, ces reliques d’un temps pas si lointain où l’Église faisait peser son pouvoir sur nos sociétés. L’image encore toute récente de votre assemblée à Lourdes, avec vos mitres, vos chasubles, vos bagues, vos crosses, est par elle-même un contre témoignage qui fait injure à la pauvreté de Jésus aussi bien qu’à sa préférence pour les pauvres.

La même image, sans laïcs et surtout sans femmes, est aussi une injure faite à toute la communauté chrétienne. Vous la dominez, vous prétendez parler en son nom, mais vous ne la représentez pas. Et pourtant, sans ces bataillons d’hommes et de femmes que vous maintenez en bas de l’autel, que serait notre Église aujourd’hui ?

Il ne suffit plus, chers frères évêques, de vous rouler dans la cendre en demandant pardon, de prendre des mesures canoniques supposées adéquates aux maux que vous voulez guérir.
Il ne suffit plus de nous dire une fois encore que désormais les choses vont changer radicalement, que votre parole sera transparente.
Il ne suffit plus de faire appel à des experts, psychologues, conseillers en communication, juristes…
Il ne suffit même plus de prier.
Tout cela il fallait le faire, et c’est déjà un pas important, mais c’est encore gravement insuffisant, car vous ne vous attaquez là qu’aux symptômes du mal, non à ses causes profondes. Moyennant quoi vos remèdes ne sont que des cataplasmes sur un corps qui reste gravement malade.

 

Le « mal systémique » bien diagnostiqué par le Rapport Sauvé, dont souffre notre Église est profond en effet.
N’a-t-il pas sa source dans la sacralisation du sacerdoce qui place évêques et prêtres au-dessus du peuple ? N’a-t-il pas sa source dans le renvoi des femmes à l’étage du dessous, relégation héritée des sociétés patriarcales ?
N’a-t-il pas aussi sa source dans une peur viscérale de la sexualité perçue comme un danger dont il faut surtout se garder en tenant les femmes à distance ?
Sacralisé, le prêtre est intouchable pour les personnes vulnérables que sont les enfants, les handicapés ou, tout bonnement, les simples croyants. Mais la sacralisation de son état, et non seulement de son ministère, emprisonne le prêtre lui-même qui demeure avant tout un être humain avec toutes ses facultés, ses désirs et ses pulsions.

 

Chers frères évêques, regardez vos prêtres, écoutez-les, ayez pitié d’eux, ayez pitié de vous-mêmes et reconnaissons que nous tous de simples êtres humains. Que l’Esprit de Jésus Christ vous éclaire et vous donne l’audace d’inventer un nouveau ministère sacerdotal, non plus celui d’une caste lévitique à part du peuple, mais celui d’un service au sein de ce peuple.

 

Veuillez, chers frères évêques, entendre mon cri qui est aussi celui de beaucoup d’autres frères et sœurs, je vous le demande au nom de Celui qui est venu nous libérer afin que nous vivions. Veuillez croire aussi à mon affection et à ma prière fraternelles.

 

Jean L’Hour
Prêtre des Missions Etrangères de Paris
90 ans

 

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Conseils pour être pasteur

Aspire au caractère avant d’aspirer au ministère (1 Timothée 3).
Ton ministère sera toujours limité par tes failles de caractère.

 

Trop de pasteurs tentent de trouver leur identité et leur valeur dans le ministère.
Ne fais pas du ministère une idole.
L’Église est l’épouse de Christ, pas ta maîtresse.

 

La prédication n’est que la pointe de l’iceberg.
La solidité d’un prédicateur se bâtit au travers ses années de lectures bibliques quotidiennes et d’études.
Si tu n’aimes pas lire la Bible; fais autre chose de ta vie.

 

La tâche n°1 du prédicateur
n’est pas de raconter, inspirer, toucher, conseiller, coacher, révéler, prophétiser, activer ou même parler de la Bible,
mais bien d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Jésus.

 

Tu ne devrais pas avoir le droit de prêcher la Bible si tu ne maîtrises pas les
 fondements de la théologie chrétienne (sotériologie, christologie, pneumatologie, eschatologie, etc…).
Pourquoi aspirer à parler de ce que tu ne connais pas?

 

Pourquoi aller à l’École biblique?
Les disciples ont passé 3 ans avec Jésus, qui leur a enseigné la Bible, le pastorat, la théologie, l’exégèse et l’herméneutique.
Un pasteur sans formation ne sera jamais crédible dans ce monde où on exige un diplôme même à un plombier.

 

Tu as besoin d’un mentor!
Trouve un pasteur à qui tu veux ressembler, sois partout dans l’église, colle-toi à lui, écris toutes tes questions sur la vie et le ministère, prends rendez-vous et bombarde-le. Répète à chaque mois!

 

La vision, le rêve et la destinée sont surévalués.
L’appel est la seule chose qui te gardera vraiment dans le ministère.
Et l’appel consiste à ces 3 humbles priorités qu’avaient les apôtres: la Parole, la Prière et les Personnes (Ac 6.4).

 

Ne cherche pas à devenir un grand leader. Cherche à devenir un grand serviteur.
Il est plus facile d’apprendre le leadership à un serviteur, que d’apprendre le service à un leader.
Suis Jésus et les autres te suivront.

 

Si Dieu t’appelle à être pasteur, n’attends pas d’avoir le titre de «pasteur» pour te comporter comme un pasteur.
Aime, prie, étudie, sers et consacre-toi comme un pasteur dès maintenant.
Le titre ne sera que la reconnaissance de ce que tu es déjà.

 

L’appel de Dieu ne fait pas de toi quelqu’un de spécial.
Tu es un simple pécheur ordinaire appelé au ministère par grâce.
Sois humble!
J’ai appris qu’il est plus utile d’inspirer les gens par nos faiblesses, que de les impressionner par nos forces.

 

Ne tarde pas à répondre à l’appel de Dieu!
Ce que tu sèmes dans ta vingtaine, tu le récolteras dans ta trentaine;
ce que tu sèmes dans ta trentaine, tu le récolteras dans ta quarantaine etc…
Les « pommes » que je récolte à 42 ans viennent du « pommier » que j’ai semé à 19 ans.

 

           Gaétan Brassard (Pasteur évangélique Quebec)

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Le clerc, la femme, et le pouvoir

 

Un des grands débats actuels qui agitent l’Eglise Catholique, tourne -et c’est justifié- autour de la place de la femme en son sein. Avec entre autres une question récurrente : peux-t-on ordonner des femmes prêtres ?
La question suscite bien des remous et la hiérarchie catholique est en ébullition dès que le sujet est abordé [1].
Et si le problème n’était pas là seulement ? Autrement dit, la question posée est-elle la bonne question et la réponse apportée ne cache-t-elle pas autre chose que ce qu’elle dit ?

 

Une impasse ?

 

Le problème actuel majeur dans l’Eglise Catholique, fortement souligné par le pape François est le cléricalisme [2]. Et le cléricalisme est une expression majeure de ce péché fondamental qu’est la soif de pouvoir, de domination.
Être prêtre ou évêque dans une société cléricale comme l’Eglise Catholique a comme conséquence de posséder et exercer un pouvoir immense. Et les femmes en sont largement exclues, sauf à être sous l’autorité d’un prêtre.
Avec le problème ainsi posé l’impasse est double.
  • C’est par rapport au ministère sacerdotal une erreur.
  • C’est par rapport à la place des femmes -et plus largement des laïcs- dans l’Eglise une autre erreur.

Par rapport au ministère sacerdotal

L’expression « sacerdoce ministériel » souvent employé me semble être au moins maladroite.
Ce n’est pas « le prêtre » qui est au service. C’est le service particulier qui lui est demandé au sein du Peuple de Dieu, et qui lui est reconnu par l’ordination, qui le fait prêtre. Il s’agit bien de ministère sacerdotal. Le prêtre participe au ministère de l’évêque, au service de la fraction du peuple de Dieu qui lui est confiée : veiller à la fidélité dans la transmission de la foi reçue des apôtres, être le ministre des sacrements, et être le serviteur de l’unité et de la vocation missionnaire du Peuple de Dieu. « Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères, membres de l’unique Corps du Christ dont l’édification a été confiée à tous. [3] »

 

Par rapport à la place des femmes dans l’Eglise.

La revendication féministe d’accès au ministère sacerdotal peut-il être un appel réel ? Je n’oserai en juger. Je note simplement que des femmes perçoivent cet appel [4]. Apparemment l’Esprit-Saint se moque de la dogmatique ! Il faudrait peut-être s’en préoccuper autrement qu’en évacuant le problème en le niant ou en apportant des réponses en référence au genre (masculin / féminin) qui sont pitoyables.[5]
Cette revendication par les chrétiennes d’accès aux ministères peut être aussi un désir détourné à plus de participation aux décisions qui sont prises pour elles…sans elles. (Puisque pour accéder à des postes de pouvoir il faut être prêtre…soyons prêtres.)

Une conversion nécessaire.

 

Il faut se souvenir qu’en occident, le regard de la société sur les femmes a été longtemps conditionné par le regard de l’église avec trois préjugés majeurs :
  • Les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes dans tous les domaines : physiquement, intellectuellement et émotionnellement. Comme on croyait que seul le sperme mâle ‘contenait’ l’enfant à naître, les femmes étaient considérées comme des êtres humains incomplets.
  • Comme Ève avait provoqué la chute de l’espèce humaine et la perte de la grâce, on pensait que toute femme portait la malédiction de son péché.
  • On croyait que les menstruations rendaient impure. En tant que créatures impures, les femmes ne pouvaient s’approcher de l’autel et des offices sacrés.
Il semble bien que pour un certain nombre de clercs ces préjugés aujourd’hui totalement irrecevables continuent à marquer -inconsciemment j’espère- leur rapport au féminin
Et pourtant.
Des femmes se sont formées et ont obtenus des licences, masters et doctorats en sciences religieuses. Leurs compétences sont parfois supérieures à celle des hommes, et en tout cas égales.

Des pas importants ont été réalisés par le Pape François.

Elles peuvent être membres de commissions et même depuis 2017 consultantes et en poste de responsabilité dans des dicastères romains [6]
Le problème du pouvoir dans l’Eglise Catholique -mais je le pense identique dans les Eglises Orthodoxes- ne peut être résolu si on fait de la « théologie misogyne » en allant chercher des arguments dans une tradition qui doit tout au factuel pour tenter d’en faire un dogme intangible.[7]

Pour résoudre ce problème de pouvoir la solution est simple. Pas besoin d’ordonner des femmes prêtres. Il suffit qu’a tous les niveaux de décision de l’Eglise des femmes, des hommes des couples, soit associés avec voix décisionnelles à la marche de l’Eglise. Que le processus ne soit pas simplement consultatif mais réellement synodal.
La vocation de femmes au ministère sacerdotal n’est pas un problème théologique. C’est un problème de conversion d’un pouvoir de clercs, mâles, à une pratique synodale de l’Eglise Peuple de Dieu.

 

Je rêve de voir le prochain pape élu par cinquante cardinaux, cinquante théologiennes et cinquante laïcs mariés et célibataires.
L’Esprit Saint n’en soufflerai pas moins -et peut-être même un peu plus- sur le conclave, et mon Eglise Catholique Romaine aurait peut-être une autre allure…
« I Have a Dream » disait le pasteur Martin Luther King. Il s’agissait déjà de libération et de justice.
Je fais un rêve….

 

Georges Fournier

 

[1] Voir à ce sujet le pape Jean-Paul II qui se débat comme diable en bénitier pour finalement asséner un argument d’autorité fort peu convaincant, parce qu’un argument d’autorité supposé clore un débat est toujours un signe de faiblesse argumentaire.  (PAPE JEAN-PAUL II. Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes. [En ligne] Vatican 22 mai 1994. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1994/documents/hf_jp-ii_apl_19940522_ordinatio-sacerdotalis.html
[2] PAPE FRANCOIS. Lettre au cardinal Marc Ouellet, président de la commission pontificale pour l’Amérique latine. [En ligne] Vatican 19 mars 2016. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/content/francesco/fr/letters/2016/documents/papa-francesco_20160319_pont-comm-america-latina.html
[3] « Le sacrement de l’Ordre confère aux prêtres de la Nouvelle Alliance une fonction éminente et indispensable dans et pour le Peuple de Dieu, celle de pères et de docteurs. Cependant, avec tous les chrétiens, ils sont des disciples du Seigneur, que la grâce de l’appel de Dieu a fait participer à son Royaume. Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères, membres de l’unique Corps du Christ dont l’édification a été confiée à tous» in : CONCILE VATICAN II. Décret sur le ministère et la vie des prêtres presbyterorum ordinis. [En ligne] Vatican 7 décembre 1965. Consulté le 12 juillet 2020.Disponible sur le web : http://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decree_19651207_presbyterorum-ordinis_fr.html
[5] SACREE CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI. Déclaration « Inter insignores » sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel. [En ligne] Vatican 15 octobre 1976. Consulté le 17 juillet 2020. Disponible sur le web : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19761015_inter-insigniores_fr.html
[6] Le Pape François a nommé, ce mercredi, une femme laïque au poste de vice-présidente à la Secrétairerie d’Etat, un des plus importants ministères du Vatican voir : GUDRUN SAILER. Femmes au Vatican : une présence en constante progression. [En ligne]. Vatican news, 14 juillet 2020. Consulté 14 juillet 2020. Disponible sur le Web : https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2020-03/femmes-vatican-presence-en-progresson.html  
[7] Voir Jean-Paul II. Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes. Op cit

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ET SI ON SE TROMPAIT D’UNITE ?

On parle de façon indifférenciée de l’Unité…mais de quelle unité parle-t-on ?

L’œcuménisme est la recherche de l’unité des chrétiens. Les dialogues entre les Eglises sont un des moyens de cette unité mais est-ce le seul ? L’unité des chrétiens n’est pas nécessairement l’unité des Eglises. Certes la recherche de consensus de plus en plus fins est non seulement souhaitable et nécessaire[1] mais ne résume pas tout.

Je pense même que la diversité de nos Eglises (à condition que ce soit une diversité réconciliée) est une vraie chance et une vraie richesse que nous avons encore à découvrir. C’est sur ce modèle[2] qu’a été créé la Communion des Eglises Protestantes en Europe (CEPE)[3] au sein du protestantisme.

Il faut bien reconnaître que c’est d’une démarche plus pesante que l’Eglise Catholique avance sur ce chemin. Mais elle avance… tirée par le Pape François qui pose des gestes nécessaires que certains trouvent sans doute (trop) audacieux…et qui sont parfois ambigus[4]

Il serait sans doute bon de se souvenir que la bataille autour de termes controversés de Vatican II (comme le fameux « subsistit in ») qui ont été interprété à postériori par certains théologiens conservateurs (comme le deviendra le Cardinal Ratzinger en tant que préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi et en tant que Pape Benoit XVI), sont affirmés dans leur sens le plus restrictif[5], en trahison complète de la volonté des Pères conciliaires[6] et de l’explication beaucoup plus nuancée de Jean-Paul II dans l’encyclique « Ut unum sint »[7]

Si « en l’Eglise Catholique subsiste l’unique Eglise du Christ », c’est clairement indiquer qu’elle n’est pas la seule, même si elle l’est parfaitement. Les Eglises orthodoxes et les Eglises d’Orient sont, elles aussi, des Eglises originelles. Et les différentes Eglises issues de réformes depuis le XVI° siècle enseignent la foi reçue des Apôtres. Et même parfois de façon plus radicale que nos « vieilles » Eglises.

Il reste un pas essentiel à faire pour l’Eglise Catholique : cesser de se croire au fond la « seule » Eglise véritable, et sans renier le magistère d’unité du pape tel qu’il a été vécu dans les premiers siècles chrétiens, admettre qu’elle est une confession de la foi chrétienne éminente certes, mais pas la seule.

On ne peut pas faire l’unité avec des frères que l’on traite comme des inférieurs accablés de soi-disantes « déficiences » mais bien avec des pairs, des égaux.

C’est une même foi qui nous unit : être chrétien c’est -au minimum- se référer à l’auto-révélation de Dieu en et par Jésus-Christ, mort et ressuscité, retourné vers le Père, à sa médiation exclusive pour le salut, et au fait qu’il se communique à nous par sa Parole dans la bible et les sacrements du baptême et du repas du Seigneur (qu’on l’appelle Divine Liturgie, Eucharistie, ou Sainte Cène) au moins.

Evangélisation / baptême et repas du Seigneur sont ce qui nous « fait » fondamentalement chrétien.   

« Nous avons été tous baptisés dans un seul esprit et dans un seul corps. Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1Cor. 12,13)

Après la résurrection les Ecritures montrent Jésus qui envoie ses disciples en mission pour enseigner et baptiser. Et des avancées importantes de compréhension partagée ont été réalisée à la conférence du Conseil Œcuménique des Eglises en 1982 à Lima par le document BEM (Baptême, Eucharistie, Ministère) de « Foi et Constitution »[8]

Pratiquement toutes les Églises chrétiennes reconnaissent la valeur et la validité du baptême des autres Églises grâce à de nombreuses et fructueuses discussions œcuméniques. La reconnaissance mutuelle est établie notamment entre l’Église catholique, l’Église anglicane et les Églises luthéro-réformées et méthodiste.

Par contre la situation est plus complexe avec les Baptistes qui ne reconnaissent pas le baptême des petits enfants[9]. Cependant dans la pratique des accords locaux existent comme en Suisse [10] et le dialogue progresse[11]

 

Pareillement, pour le Repas du Seigneur. La notion de « présence réelle[12] » mérite mieux que les idées toutes faites et répétées à l’envi.

Quelle compréhension chaque Eglise a de la présence du Seigneur dans la célébration liturgique de la Divine Liturgie, Eucharistie, ou Sainte Cène ?  Les convergences sont plus nombreuses qu’on le croit, même si les vocabulaires sont piégeant. Les concepts demandent à être éclairés et confrontés. La « présence symbolique » des Eglises évangéliques, la présence réelle telle qu’envisagée par les Eglises de la CEPE sont-elles si éloignées en fait de la présence réelle sous un mode non physique ? La transsubstantiation si chère à l’Eglise catholique est-elle la meilleure façon de parler du mode de présence de Jésus-Christ dans l’eucharistie étant donné qu’elle se base sur des principes de physique aristotélicienne que l’on sait aujourd’hui fondamentalement faux et que le physicisme est repoussé par la théologie catholique ?

La recherche de l’Unité des Chrétiens passe par ces deux chantiers. Ils sont nécessaires pour qu’un accueil au Repas du Seigneur puisse se réaliser de manière ordinaire. La réalisation d’une supra-Eglise qui engloberait tout n’est pas nécessaire et serait même -à mon avis- un appauvrissement.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un même évêque pour communier à la même table. Il faut reconnaître dans le pain et le vin, mangé et bu, la présence du Seigneur réalisée selon sa parole. (Lc 22,17-20). Les Eglises orthodoxes sont diverses et se reconnaissent entre elles en communion. La Concorde de Leuenberg unit les Eglises protestantes d’Europe qui restent diverses mais en communion de chaire et d’autel au minimum.

Ce qui nous unit est une même foi en Jésus-Christ qui par amour pour nous est mort et ressuscité, est retourné vers le Père, et qui nous libère du péché. Les évêques, successeur dans la foi des apôtres étaient douze et Pierre avait une fonction d’unité[13], jusqu’à ce que l’orgueil confessionnel, la volonté de puissance (et je pourrai citer en plus les six autres péchés capitaux) nous aient séparés.

Les théologies particulières, parfois (souvent !) volontairement antagonistes, ont été un formidable moyen d’exclusion des uns par les autres. Elles peuvent devenir une richesse. Elles le sont déjà. Les dialogues engagés en sont les prémisses.

Tous nous avons à travailler pour le Seigneur. Pas pour nos « chapelles » : « Quand l’un déclare : « Moi, j’appartiens à Paul, » l’autre : « Moi à Apollos, » n’agissez-vous pas de manière tout humaine ? Qu’est-ce donc qu’Apollos ? Qu’est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez été amenés à la foi ; chacun d’eux a agi selon les dons que le Seigneur lui a accordés. Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé, mais c’est Dieu qui faisait croître. Ainsi celui qui plante n’est rien, celui qui arrose n’est rien : Dieu seul compte, lui qui fait croître. Celui qui plante et celui qui arrose, c’est tout un, et chacun recevra son salaire à la mesure de son propre travail. Car nous travaillons ensemble à l’œuvre de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, la construction de Dieu » (1Co 3,4-9)

Geo
[1] LIENHARD MARC, Identité confessionnelle et œcuménisme, in Études théologiques et religieuses, 2007/3 (Tome 82), p. 417-437. DOI : 10.3917/etr.0823.0417. En ligne : https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2007-3-page-417.htm#
[2] & 45 de la Concorde de Leuenberg : https://fr.wikisource.org/wiki/Concorde_de_Leuenberg
[4] Comme cette détestable habitude de remettre sur le tapis le terme inaudible d’indulgence, véritable « chiffon rouge » pour nos frères protestants.
[5] Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine sur l’Église : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20070629_responsa-quaestiones_fr.html
[6] LEGRAND HERVE, « Quelques réflexions ecclésiologiques sur l’Histoire du concile Vatican II de G. Alberigo », in Revue des sciences philosophiques et théologiques, 2006/3 (Tome 90), p. 495-520. & 3.2.  DOI : 10.3917/rspt.903.0495. En ligne : https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2006-3-page-495.htm
[7] PAPE JEAN-PAUL II. Lettre encyclique « Ut unum sint » sur l’engagement œcuménique du 25 mai 1995. Cerf/Flammarion Paris 1995, n° 10 et 11 pp 13 et 14. ISBN 2-204-05258-2
[8] CONSEIL ŒCUMENIQUE DES ÉGLISES – FOI ET CONSTITUTION. Baptême, Eucharistie, Ministère, Paris, le Centurion – Presses de Taizé, 1982. Disponible sur le web : http://documentation-unitedeschretiens.fr/
[9] Avec le document de la Commission Théologique Internationale de l’Eglise Catholique sur « L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême (2007) » la vieille malédiction augustinienne qui damnait les enfants morts hors baptême est tombée. Les limbes sont tombés au niveau de l’option théologique possible (n°40). J’aurais plutôt tendance à dire qu’au vu du texte c’est désormais une option théologique impossible. Et c’est tant mieux. Du fait de la non nécessité absolue du baptême des petits enfants, ce peut être un élément positif vers une compréhension commune du baptême.  Cf : L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans baptême : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_con_cfaith_doc_20070419_un-baptised-infants_fr.html
[10] HOEGGER MARTIN. (responsable du dialogue œcuménique dans l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud) Un élargissement de la reconnaissance mutuelle du baptême : https://www.academia.edu/11365877/Un élargissement de_la_reconnaissance_mutuelle_du_baptême
[11] SIEGWALT GERARD. Le défi du baptême. Une mise en perspective œcuménique. Études théologiques et religieuses, 2012/3 (Tome 87), p. 355-370. DOI : 10.3917/etr.0873.0355. Disponible sur le web : https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2012-3-page-355.htm
[12] fr. MALDAME Jean-Michel op. Croire. Quelle présence réelle dans l’eucharistie ? La Croix. Com / Croire. Disponible sur le web : https://croire.la-croix.com/Definitions/Sacrements/Eucharistie/Quelle-presence-reelle-dans-l-eucharistie.
[13] PAPE JEAN-PAUL II. Lettre encyclique « Ut unum sint » sur l’engagement œcuménique. op. cit. n° 88 ss.
     Sur le sujet,on peut consulter DELAIGUE CHRISTOPHE. Quel pape pour les chrétiens ? ed. Groupe Artège, Descléé de Brouver, Paris 2014

ET SI ON SE TROMPAIT D’UNITE ? Lire la suite »

Bêtise et péché

 

Gn 1,26-28 : « Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre !  Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa. »   Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre ! » Dominer et soumettre : dans la genèse ces deux verbes soulignent la ressemblance de l’Homme avec Dieu. Ce n’est pas un permis d’abuser ![1]

Le pape François, dans l’introduction de son encyclique « Laudato Si » redit cette vérité : « Laudato si’, mi’ Signore », – « Loué sois-tu, mon Seigneur », chantait saint François d’Assise. Dans ce beau cantique, il nous rappelait que notre maison commune est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe ». Cette sœur crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. »[2]

Nous sommes créés libres et responsable de la manière dont nous utilisons et prenons soin de la terre.

Aujourd’hui nous sommes « frappés » par cette épidémie de Coronavirus Covid-19. Non pas par une quelconque fatalité, mais parce qu’un gouvernement totalitaire refuse de regarder en face ses responsabilités qu’elle a tenté de faire partager par des pangolins et maintenant des chauves-souris…
Des autorités chinoises qui ont d’abord tenté d’étouffer la nouvelle et qui ainsi portent une grande part de responsabilité, mais pas seulement.
Les réactions des politiques de tout bord pour le moins érratiques ou irresponsables.
Plus tous les égoïsmes qui se révèlent: individuels, collectifs, institutionnels.
Et heureusement de belles choses aussi souvent au niveau personnel.
J’ai écrit « frappé » entre guillemets parce que ce n’est pas le résultat d’un malheur extérieur mais bien le résultat de notre action humaine. Et les conséquences sur les populations pauvres dans le monde vont être terrifiantes.
Le péché et la bêtise couplée ont fait à ce jour plus de 96000 morts dans le monde. Et on est encore en phase montante de la pandémie.

 

Et ce n’est qu’un des aspects de la bêtise et du péché à l’œuvre contre la Création.
Alors on a fait des tas de prières et des cultes et des divines liturgies pour demander à Dieu de nous délivrer de ce fléau.
Mais c’est inutile. Dieu n’y peut rien. Ce qui nous arrive est le produit de la façon destructrice dont nous utilisons notre liberté d’agir sur la création qui nous est soumise. Et Dieu n’ira pas contre notre liberté.
L’ Esprit Saint peut nous inspirer la voie à suivre, et c’est pour cela seulement et pour les malades que nous pouvons prier.

 

En ce vendredi saint 2020 nous crucifions Dieu encore et encore à travers ses créatures et sa création.
Puissions-nous entendre Jésus du haut de sa croix nous redire
 » Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font « .

 

 

 

[1] Traduction œcuménique de la bible. 11°ed. Bibli’o Villiers-le-Bel et Ed du Cerf Paris 2010. Note 1,28 p 56.
[2] PAPE FRANCOIS. Loué sois-tu (Laudato Si) Sur la sauvegarde de la maison commune. Ed Salvator, Paris 2015, p 7.

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Lettre d’un ami à un ami

Cher Georges,
J’ai lu la présentation  par La Croix de la semaine des abus sexuels.
Les réactions des Évêques sont apaisantes et toujours suivies de  » mais  »  .
Le comble est atteint avec les évêques africains  relativisant ces abus,  devant les conditions de misère et de famine .
Il faut pardonner localement et surtout ne pas porter plainte . Viols répétés et suivis d’avortements sous la contrainte.
Personne ne remet en cause le célibat des prêtres. Par condescendance  » une réduction à l’état laïc   » serait accordée pour  un  mariage. Pourtant, pendant des siècles  le célibat ecclésiaste n’était pas la règle.
Les arguments sont fallacieux : même  les hommes mariés commettent des abus sexuels. !
A quand la grande réforme du droit canon. Faut-il   » réformer  » cette église ?
En attendant  on peut arrêter de la subventionner .
Qu’en penses-tu ?

 

J…

 

 

 

 

Cher  J…

 
J’ai lu attentivement ton message.
D’abord un point de sémantique : ce n’est pas «  la semaine des abus sexuels » c’est un synode pour la prévention des abus sexuels dans l’Eglise Catholique Romaine.
Il me semble important de nommer les choses exactement pour éviter de transmettre un mauvais message.
 
Ensuite…
 
Tu soulèves plusieurs problèmes non nécessairement liés entre eux pour en arriver à une conclusion pour le moins surprenante.

 

la source d’information : La Croix est un excellent journal mais un article est toujours le reflet d’une position propre du journaliste avec un « chapeau » du rédac-chef qui doit « faire vendre ». La « source » d’une information c’est le lieu d’où elle émane. Je t’invite donc à lire les interview et compte rendu sur le sujet, du site Vatican News : https://www.vaticannews.va/fr.html pour te faire une idée juste  et personnelle de ce qui s’est passé et dit.

Pour les évêques d’Afrique, même problème : https://www.vaticannews.va/fr/afrique/news/2019-02/protection-des-mineurs-selon-mgr-dogbo-il-faut-adapter-la-com.html

Le célibat des prêtres : sujet qui mérite débat…et n’est la solution ni a la raréfaction des vocations, ni à la pédocriminalité dans l’Eglise Catholique Romaine. l’Eglise Catholique Romaine à choisi depuis très longtemps d’appeler des hommes célibataires au sacerdoce. C’est un choix discutable, mais c’est le sien. La difficulté est de sélectionner des personne physiquement et psychologiquement apte à répondre à cet appel.  Pour avoir une vision détaillée de l’histoire du célibat sacerdotal dans l’Eglise Catholique Romaine voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Celibat_sacerdotal_dans_l’eglise_catholique

Le terme « réduction à l’état laïc » est obsolète depuis 1983 (nouveau code de droit canonique) mais apparemment pas dans la tête des catholiques. Depuis 1983, on utilise l’expression « perte de l’état clérical » qui peut se produire de diverses manières: par sanction pénale, ou, à l’inverse, par grâce reçue du Saint-Père. (Auparavant, « Réduction » n’exprimant nullement un mépris pour les laïcs mais signifiait « reconduit à l’état laïc » ce qui supposait une vision du Peuple de Dieu selon la théologie du concile de Trente, qu’a modifié et rectifiée Vatican II)

L’Eglise -et pas seulement l’Eglise Catholique Romaine- est « Ecclésia Reformata Semper Reformanda » : l’Eglise est réformée et est toujours à réformer. Et se réforme constamment.

Encore faut-il que les laïcs que nous sommes cessent de se comporter comme si l’ Eglise c’était « les autres », ceux qui ont le pouvoir, les clercs.
Je t’invite -si ce n’est déjà fait- à lire la « lettre au Peuple de Dieu » du pape François dans le texte . On y trouve entre autre ceci qui répond à beaucoup de tes questionnements : «  Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie. Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple ». Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. »

 

«En attendant  on peut arrêter de la subventionner »
Qui parle de quoi ? Qui est ce « on » ? Qui est ce « la » ? 
C’est tout le problème de notre manière de penser l’Eglise.
Ou bien comme tu l’écris tu te place à l’extérieur d’un machin qui t’intéresse et que tu soutiens -même activement et financièrement- et à ce moment-là, désolé, tu n’es pas chrétien.
Ou bien tu es à l’intérieur de l’Eglise, membre du Peuple de Dieu, et de cette église particulière, terriblement humaine, mais tendue vers le Christ, pécheresse mais justifiée dans et par l’amour de Dieu.
Tu peux arrêter de la « subventionner » c’est-à-dire de lui refuser les moyens de subsister. Mais c’est comme si tu arrêtait de t’alimenter sous prétexte que ta main est malade et que cela te déplaît.
Parce que, sauf à quitter l’Eglise Catholique pour une autre confession, tu es dedans ! Participant à ta place, mais en elle, à son péché comme à son salut.
C’est-à-dire à sa vie.

 

                Bien fraternellement
                       Georges
 

 

 

 

 

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« Les orthodoxes doivent cesser leurs compétitions internes »

 

L’échec du concile de Crète

 

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carol-sabaCarol Saba, orthodoxe et avocat au Barreau de Paris, revient sur le concile qui s’est tenu en Crète en juin et explique pourquoi ce fut un échec. Comment sortir de la crise que traverse ce monde chrétien mal connu ?

 

 

 

Tous les Orthodoxes attendaient ce concile depuis les années 1960.

 

     Dès 1959, Athenagoras Ier de Constantinople expliquait, lors de son périple dans les Églises, que le concile n’était pas une fin en soi mais un « chemin commun » pour que les « Orthodoxes apprennent à travailler ensemble ». Il insistait sur la nécessité « d’avoir tout le monde à bord ». Ce concile devait donc rassembler « toutes » les 14 Églises orthodoxes autocéphales. Ensemble, elles constituent le plérome de l’Orthodoxie et l’engagent.

Cette rencontre tant attendue, qui a eu lieu en Crète en juin (Réforme n° 3663), n’aura finalement été que la représentation d’une unité inachevée avec 10 Églises présentes et 4 absentes, pour des raisons fondées. Aucune question doctrinale à l’ordre du jour mais l’affirmation de l’unité orthodoxe sur des problématiques communes.

Est-il anachronique d’évoquer ici Michel Rocard qui vient de décéder ? Non. Son exigence de vérité dans l’action, celle du parler vrai et de l’agir vrai, est une exigence spirituelle qui engage l’Orthodoxie. C’est une grille de lecture de la crise conciliaire. « Qu’est-ce qui donne du sens à ma vie ? », s’interrogeait sans cesse l’illustre agnostique-croyant. Mon ami Laurent Schlumberger rappelait cette interrogation lors de l’hommage au temple avant l’hommage aux Invalides où étaient présents ceux qui avaient enterré Rocard politiquement de son vivant. Cet establishment institutionnel avait tort. L’auteur du Suicide de l’Occident, Suicide de l’humanité, avait raison. La déprime structurelle du politique l’atteste.

     De même, au sein de l’Église, l’écart se creuse entre un establishment traditionnel, déconnecté des enjeux, centré sur lui-même, ne voyant pas venir les crises, et ces « lanceurs d’alerte », clercs et laïcs, qui décryptent en vérité les « signes des temps » (Matthieu 16) en proposant des correctifs aux maux de l’Église.
La Crète en 2016 en a été le révélateur.

L’establishment n’a pas vu venir la crise conciliaire ni n’a su mesurer son ampleur et gérer ses implications. Sa communication a banalisé les doléances des Églises absentes et a martelé des contre-vérités. Le discernement ecclésial a cédé la place à un triomphalisme autiste. Un seul mot d’ordre : « Circulez, il n’y a rien à voir, ni à redire ». Les absents furent accusés de tous les maux et complots ! Il aurait été plus sage de faire « deux pas en arrière » pour mieux avancer « ensemble » plutôt qu’un pas manqué qui installe le clivage : des Églises reconnaissant la rencontre de Crète en 2016 comme “ concile ” et d’autres lui refusent cette qualification.

Plusieurs alertes avaient été données, très tôt, sur cette crise. Antioche l’a fait dès la synaxis (rencontre des primats) de mars 2014. Pour Antioche, la règle est claire. Les rapports des Églises orthodoxes étant des liens de « communion », seule « l’unanimité » doit présider à la convocation du concile, au quorum de sa tenue, à la poursuite de ses travaux et à la prise de ses décisions. Le « consensus » ne peut être une règle de vote majoritaire, mais doit signifier l’unanimité, qui doit s’exercer d’une manière non pas abusive mais responsable.

L’arithmétique est incompatible avec l’Orthodoxie. À ce jeu, tout le monde y perd. Dix des 14 Églises orthodoxes constituent certes une majorité relative, mais les Églises absentes de Crète (Russie, Antioche, Géorgie et Bulgarie) représentent à elles seules bien plus que la moitié des orthodoxes du monde ! Il est évident que, contrairement à ce qui a été répété à tort en Crète, le concile n’a pas été valablement convoqué. Antioche n’ayant pas signé les résolutions des synaxis 2014 (Istanbul) et 2016 (Chambésy), l’accord de « toutes » les Églises pour la convocation n’était point assuré. La marche vers le concile ne fut pas un effort interrompu pendant 50 ans. Le communiqué du Patriarcat d’Antioche du 27 juin 2016 explique bien les étapes historiques. La préparation, fondée sur l’unanimité, n’a pas toujours été conséquente : elle est parfois restée confinée à des initiés rodés aux travaux préconciliaires.

Les textes ont été très tôt figés

Aucune modification n’était possible en dehors d’un « rafraîchissement » de surface. Les ambiguïtés originelles ont donc explosé lors du concile. En témoignent les débats vifs en Crète notamment sur le document “ Relations de l’Église orthodoxe envers le reste du monde chrétien ”. Ces textes nécessiteront une relecture critique à la lumière des procès-verbaux de Crète 2016, s’ils sont publiés. Plusieurs évêques présents en Crète, et non des moindres, expliquent déjà par écrit leur refus de signer certains documents, pointant les risques théologiques et ecclésiologiques. C’est le cas des métropolites Amphiloque du Monténégro, Irénée de Backa (Serbie), Hierothéos Vlakhos de Nafpaktos et Jeremiah du diocèse de Gortys et de Megalopolis (Grèce), d’Athanasios de Limassol (Chypre). Mgr Kallistos Ware (Patriarcat œcuménique) est tout aussi critique sur le processus conciliaire.
Il a été question en Crète de systématiser le concile tous les 5 ou 7 ans, une novation qui serait problématique avec des implications ecclésiologiques importantes. Lourd et coûteux, cela serait surtout une remise en cause des règles historiques de l’autocéphalie. Dans l’Orthodoxie, aucune autorité n’a de primauté sur les Saints Synodes des Églises autocéphales qui demeurent souverains.

 

Une sorte de G8

La crise conciliaire orthodoxe ayant révélé l’incapacité des 14 Églises à la gérer et à régler ensemble et à temps leurs différends, en affrontant les questions qui fâchent, la systématisation du travail au sommet des primats (synaxis) n’est pas sans intérêt. Ce qui manque à l’Orthodoxie, c’est en effet une structure de dialogue interne qui se réunit régulièrement, une sorte de table ronde, un G8, qui permettrait d’échanger et de se connaître sans attendre des super-conciles.

     Comment sortir de l’impasse ecclésiale actuelle ? En convoquant d’urgence un sommet exceptionnel des primats (synaxis), afin d’acter la responsabilité partagée des Églises et de procéder au réexamen nécessaire des processus qui ont abouti à cette crise.
Le principe d’une sortie de crise passe par le règlement immédiat du différend qatari pour rétablir la communion entre Antioche et Jérusalem ; et par des concessions réciproques entre les Églises absentes, en reconnaissant une certaine légitimité à la rencontre de Crète en 2016 et à ses documents ainsi qu’aux Églises présentes, mais en renonçant à qualifier Crète 2016 de « concile ».

Une telle synaxis exceptionnelle devrait aussi revoir toutes les politiques de « compétition » de ces 20 dernières années entre les pôles de l’Orthodoxie pour les remplacer par des politiques de « complémentarité » impliquant la coopération de toutes les Églises.

Enfin, le renouvellement de la gouvernance orthodoxe à travers la systématisation du travail de la synaxis sans transformer cette instance en super-synode, ne doit pas manquer non plus. Les Églises sauront-elles rejoindre l’agenda du Saint-Esprit et se hisser à la hauteur de la tunique sans couture du Christ ? Kyrie eleison !

 

Source : Réforme

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E. Lhermenault: Etat et liberté de l’expression religieuse en France aujourd’hui

Audition des représentants du CNEF par l’Observatoire de la laïcité

 

Paris, le mardi 12 avril 2016

 

Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur général,
Mesdames et Messieurs les membres de l’Observatoire,

 

C’est avec reconnaissance et intérêt que je participe à  cette troisième audition en qualité  de représentant  du  Conseil  national  des  évangéliques  de  France.  Puisque  nous  commençons  à nous   connaitre   un   peu   mieux,   je   vous   ferai   grâce de la  présentation   des   protestants  évangéliques et du rappel de leur attachement, dès le XVIe siècle, à  là séparation entre l’Église et l’Etat.

Je voudrais par contre revenir sur le contexte global dans lequel s’inscrit cette audition et qui ne s’est guère améliorée depuis un an. Je veux parler des crispations gouvernementales et des approximations médiatiques autour des questions religieuses dans le climat de tension entretenu par les attentats qui se multiplient en Europe et sur d’autres continents. Je partage volontiers l’analyse du sociologue Jean Baubérot qui explique qu’il y a toujours eu, à gauche, opposition entre deux traditions laïques, l’une libérale incarnée par Aristide Briand et George Clémenceau et l’autre gallicane avec le petit Père Combes. Et il ajoute que, si la première à triomphe juridiquement en 1905, elle ne l’a pas emportée idéologiquement comme en témoigne les querelles d’aujourd’hui 1.

Sans revenir sur l’inutile et injuste polémique créé par le Premier Ministre sur l’observatoire auquel vous participez, il me semble assez évident que, dans son face-à-face avec l’Islam, le gouvernement français cède à une tentation gallicane : façonner de diverses manières un Islam français qui ferait pièce aux Islams algérien, marocain… Sans vouloir minimiser la complexité de la tâche de nos gouvernants, je me demande si c’est bien là meilleure voie à suivre. Voici quelques-unes des questions que nous nous posons en tant que protestants évangéliques :

  • Le souci, au demeurant légitime, de garantir la sécurité des citoyens et de maintenir l’ordre public n’est-il pas en train de se transformer en volonté de régenter le religieux, son expression, son organisation, voire son corpus de croyances ? Ainsi, il nous parait curieux, pour ne pas dire choquant, que le président de notre République laïque se prononce publiquement sur ce qu’est le bon Islam et que le Premier Ministre se croit autorisée à dire à l’évêque de Lyon qu’il doit prendre ses responsabilités. Comprenez-moi bien, je réprouve là pédophilie et trouve particulièrement scandaleux que des prêtres ou des instituteurs s’adonnent à cette pratique avec les enfants qui leur sont confiés, mais il me semble précipité et déplacé de conclure à là complicité objective de leur hiérarchie. Seule là justice pourra établir les responsabilités aussi bien dans l’Église catholique que dans l’Education Nationale.
  • Cette volonté de façonner un Islam à la française et de le faire passer sous les fourches caudines d’un pacte laïque dont les contours varient selon les interlocuteurs n’est-il pas problématique ? Nous répondons par l’affirmative et faisant valoir deux choses. Elle remet d’abord fondamentalement en cause l’esprit de la loi 1905 avant tout libérale dans son esprit. L’Etat à vocation à garantir là liberté de culte dans le respect de l’ordre public, non à dé finir le culte et ses contours. Faut-il rappeler qu’il à fallu plusieurs siècles au christianisme, et l’impact de plusieurs mouvements réformateurs, pour trouver une relation apaisée e avec l’Etat ? Elle use ensuite d’outils qui nous paraissent inadéquats. Si je reviens au christianisme, l’essentiel de son évolution s’est fait malgré l’Etat, non avec son concours. Et même l’adoption de la loi 1905 est due pour une part non négligeable aux chrétiens, quand bien même il ne s’agissait pas d’abord de chrétiens catholiques. En effet, les esprits brillants et militants qui ont prônée là séparation des Églises et de l’Etat n’étaient pas seulement athée es ou agnostiques, ils étaient aussi reformés et évangéliques. Il nous parait donc vain de vouloir susciter une réforme de l’Islam de l’extérieur, sauf à le fracturer un peu plus et à dresser, par là multiplication des interdits vestimentaires et alimentaires (interdits de l’interdit !), les français les uns contre les autres. Qui peut croire qu’il suffira de ré lamenter les menus servis dans nos cantines, d’ergoter sur la longueur des jupes de certaines adolescentes dans nos collèges et lycée es ou d’interdire le port du voile à des mamans qui accompagnent les sorties d’élevés pour sortir l’Islam de ses enfermements ? Ce que nous observons sur le terrain, c’est que toutes ces mesures font le « bonheur » de l’enseignement privé, tendent à renforcer le repli sur soi des communautés musulmanes et nourrissent les discours de haine de ceux qui, parmi eux, veulent abattre nos démocraties.
  • Enfin, troisième question, qui dit qu’au lieu de façonner l’Islam à la française nous ne sommes pas en train d’inventer une laïcité façonnée par l’Islam et donc de remettre en cause l’expression du pluralisme religieux qui est une richesse de notre société ? D’ailleurs, si je parle autant de l’Islam en tant que protestant évangélique, c’est bien parce que ce qui le concerne finit toujours par modifier les relations que les autres religions entretiennent avec l’Etat et avec les collectivités territoriales. J’en veux pour preuve deux exemples. Le premier ne nous concerne pas, mais illustre bien là difficulté. Depuis que nous règlementons le port des signes religieux dans le seul but de limiter le port du voile chez celles qui se réclament de l’Islam, ce sont les juifs avec leur kippa qui sont ennuyés. En effet, comment en République permettre aux uns ce qui est interdit aux autres ? Et voici le modus vivendi avec une communauté religieuse importante de la nation brutalement remis en cause. Le second nous concerne directement, c’est l’utilisation de locaux privée s ou publics pour nos manifestations. Combien de fois nos pasteurs et responsables d’œuvres diverses se voient opposer un refus à leur demande de location pour une fête de Noel, un concert, un congrès… au motif qu’il s’agit d’un évènement religieux. Ce qui n’est jamais écrit, mais qui est souvent exprimée oralement, c’est que si l’on accepte pour les évangéliques il faudra aussi louer aux musulmans…

Quelques situations particulières qui nous préoccupent:

Une fois ces considérations générales énoncées, j’aimerais maintenant égrener quelques situations particulières qui nous préoccupent et qui sont en lien avec ce que je viens d’exprimer.

Liberté d’expression et de réunion des étudiants

Le 15 décembre 2015, l’Observatoire de la laïcité  publiait un avis sur la laïcité  et la gestion du fait religieux dans les établissements de l’enseignement supérieur public. Pour faire écho au point  2.g  de  l’avis  « Les  mises  à  disposition  de  locaux »,  le  CNÉF  signale  là  persistance  de certains  obstacles  à   là  liberté   d’expression  et  de  réunion  des  étudiants  et  associations d’étudiants   chrétiens   évangéliques,   s’agissant   du   refus   de   l’attribution   de   locaux universitaires pour des débats publics et pluralistes.

A  titre  d’exemple,  le Forum  Veritas,  débat  public  invitant  deux  personnalités  publiques  à s’exprimer sur un sujet d’actualité , organisé sous l’égide des Groupes Bibliques Universitaires, à  été   refusé   dans  les   universités   suivantes  :   en  mars  2015,  à   Grenoble,  au  motif  que l’événement avait un caractère religieux ; en novembre 2015, par Centrale Supélec pour motif de  prosélytisme.  Le Forum Veritas à cependant –pour être  complet –  été  acceptées  dans  les universités  de  Clermont-Ferrand  en  novembre  2015  et  de  Strasbourg  en  mars  2016.  Cet évènement est prévu en avril 2016 en collaboration avec l’association Coexister à  l’université de Sciences-Po de Bordeaux puis en mai 2016 à l’université de Lyon.

Nous   précisons que ces étudiants et associations n’entendent pas organiser d’activités cultuelles au sein de l’université mais souhaitent mettre en place des débàts et discussions sur des themes d’àctuàlité àu cours desquels l’expression de toutes opinions est permise, que ces opinions soient politiques, éthiques, philosophiques ou religieuses.

Nous constàtons àinsi, d’une pàrt que plusieurs refus sont injustifieés et ont reposeés sur une màuvàise compréhension de là laïcité par les instances universitaires et d’autre part, que là diversité des décisions prises par les universités en là matière laisse les étudiants et les associations dans une relative insécurité juridique. Enfin, nous nous interrogeons sur l’égalité de traitement entre les étudiants ou les associations d’étudiants, quelles que soient leurs convictions ou opinions, dans là procédure d’octroi des locaux universitaires, pour des événements tels que des débats, conférences, événements artistiques… activités non cultuelles, bien entendu 2.

Rappelons que l’enseignement supérieur public doit respecter la diversité  des opinions et là liberté  d’expression et de réunion des étudiants. S’il n’y a pas de droit à  disposer d’un local universitaire, le refus doit être justifiée par un motif légitime et traitée dans l’égalité.

Aussi, nous nous accordons tout à  fait avec là mise en place de convention d’occupation des locaux  universitaires  et  souhaitons  que  la  liberté  des  étudiants,  de  toutes  convictions  ou opinions, puissent être respectées avec soin.

Liberté de culte, laïcité et formation des ministres du culte

Le CNÉF s’interroge sur là portée exacte des formations universitaires rendues obligatoires pour les Imams en provenance d’Algérie selon un accord signé avec ce pays le 8 octobre 2015 3. Accord qui pourrait s’étendre aux Imams en provenance de Turquie et du Maroc selon le Ministre de l’Intérieur. Et qui devrait s’étendre, selon nos informations, à l’ensemble des aumôniers de toute obédience des lors qu’ils travaillent dans le cadre d’un service public. Si nous comprenons bien l’enjeu de la compréhension du cadre juridique français, nous voudrions faire valoir les choses suivantes :

    • Imposer, même pour de louables motifs, un contenu spécifique de formation aux ministres du culte, c’est de fait remettre en cause la liberté d’organisation du culte et donc du choix de la formation des ministres du culte. Ne vaudrait-il pas mieux entrer en discussion avec les organes de représentation des cultes et/ou les lieux de formation des ministres du culte pour encourager la prise en compte de la laïcité comme un élément indispensable de la formation des dits ministres ? C’est en tout cas ce que font déjà les chrétiens des diverses confessions dans leurs divers lieux de formation. Et c’est ce à quoi travaille le CNÉF en publiant des livrets pédagogiques sur la liberté d’expression à  l’école, au travail, à    l’université, dans l’espace public et dans l’Église.

2) À ce titre, le CNÉF  s’inquiète  de  certaines  positions  prises  dans  le  guide  de  la  Conférence  des  Présidents d’Universités, publiée en septembre 2015 et intitulée « Laïcité dans l’enseignement supérieur », (notamment en p. 30 et 31) et de leurs possibles impacts sur les demandes  des  étudiants  ou  associations  d’étudiants,  qui  seraient supposées, à tort, être des « associations de couverture ». Et c’est aussi là raison pour laquelle il dispose d’un service juridique qui aide les communautés et leurs responsables à comprendre les textes de loi et là réglementation.

    • Imposer de fait, pour cause d’égalité entre les religions, les mêmes exigences aux ministres des autres cultes, ne serait-ce qu’au niveau des aumôneries, c’est aussi s’immiscer dans leur formation. Si je m’en tiens aux pasteurs évangéliques, un sujet que je connais bien pour être moi-même professeur de théologie dans un Institut Biblique (le baccalauréat n’y est pas un pré requis), tous ne bénéficient pas d’une formation de niveau universitaire. Ils n’en sont pas pour autant de mauvais pasteurs ou de mauvais citoyens. Ce qu’il faut comprendre, c’est que plus que le niveau d’étude, c’est là réalité et la solidité de la conversion puis de la vocation qui priment chez les protestants évangéliques. Faudra-t-il donc à terme que tous nos pasteurs aient une formation de niveau universitaire pour pouvoir suivre le diplôme universitaire sur la laïcité imaginée par l’Etat ?
    • Enfin imposer aux aumôniers ce type de formation, c’est aussi renforcer une certaine dénaturation de leur ministère. Ne deviendront-ils pas à terme plus des apôtres de la laïcité que des ministres du culte dont la vocation est d’abord de permettre aux soldats, aux prisonniers ou aux patients d’exercer leur culte en toute liberté dans les lieux de leur se jour ou de leur service ? Bien avant que cette idée de formation ne prenne forme, nous avions déjà à rappeler aux administrations et aux ministres du culte eux-mêmes que l’aumônerie ne consiste pas à soutenir les troupes dans leur métier ou à s’imposer un devoir réserve équivalent à celui du personnel hospitalier, mais à répondre aux demandes religieuses et spirituelles qui sont exprimées.

Loi El Khomri sur le travail et la liberté de religion au travail

Le projet de loi Él Khomri suscite bien des polémiques et nul ne saurait dire s’il sera adoptée et ce  qu’il  en  restera.  Je  voudrais  néanmoins  en  dire  quelques  mots  à   propos  d’un  article aujourd’hui  retirée  mais  qui  illustre  bien  ce  qui  nous  préoccupe :  là  laïcité  s’introduit  à  tort dans   le   discours   politique   pour   faire   entrer   une   obligation   à    là   neutralité ,   pesant juridiquement  sur  l’Etat  et  ses  agents,  dans  là  sphère  des  relations  privées.  Cette  ligne  est infondée en droit et instrumentalisée au niveau politique.

Ainsi de l’article 1, A 6 qui précisait dans là version encore en discussion le 24 mars 2016 : « 6° Là liberté du salariée de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaitre de restrictions que si elles sont justifiée es par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessitée s du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherchée » ; (http://www.àssemblee-nàtionàle.fr/14/projets/pl3600.àsp)

S’il avait l’intérêt d’évoquer explicitement les convictions religieuses, n’en faisant ainsi plus un tabou  dans  l’entreprise,  et  affirmant  une  fois  pour  toute  que  la  liberté  de  manifester  sa conviction  religieuse  fait  bien  partie  des  libertés  fondamentales  garanties  aux  salariés,  il présentait aussi plusieurs points de recul ou d’insécurité  pour la liberté  de religion du salarié , s’agissant notamment de la place accordée au « bon fonctionnement de l’entreprise ».

Tout d’abord, bien qu’il s’inspire de l’article 9 de la CÉSDH, le principe semble réducteur puisqu’il établit le bon fonctionnement de l’entreprise d’emblée comme une limite prévue par là loi et nécessaire. Or le bon fonctionnement de l’entreprise est une notion relativement subjective (est-ce seulement là réalité économique ou aussi le bien être des salariés au travail, le bon fonctionnement des relations au travail ?) et dont l’appréciation serait faite par l’employeur. Cela lui permettra d’imposer sa vision du bon fonctionnement de l’entreprise, parfois au détriment des droits de la salariée.

Le principe, tel qu’il est rédigée, semble également élargir le critère au profit de l’employeur. L’article  L1121-1  du  Code  du  travail  opte  pour  un  critère  plus  précis  et  plus  proche  de l’activité  même du salarié : « justifiés par là nature de la tâche à  accomplir ». La jurisprudence a  pu  faire  le  lien  entre  la  tâche  à  accomplir  et  le  bon  fonctionnement  de  l’entreprise  dans certains cas mais le critère demeure jusqu’à  présent au plus proche du poste du salarié  et non en considération du bon fonctionnement général de l’entreprise.

Enfin, une certaine insécurité juridique aurait pu naître de la juxtaposition du principe 6° et de l’article L1121-1 du Code du travail. D’autant que l’avis consultatif du Conseil d’Etat rendu le 17 mars 2016, dans ses points 6 et 9, semblait indiquer que les principes auraient là valeur de « guide pour la refondation de la partie législative du code du travail 4« .

Le CNÉF croit donc utile de préciser pour une prochaine mouture qu’il serait heureux que le projet de loi El Khomri évoque explicitement là liberté de manifester ses convictions religieuses au travail tout en conservant le critère de là « nature de la tâche à accomplir » plutôt que celui du « bon fonctionnement de l’entreprise », trop imprécis. Et que soit à nouveau rappelée que la laïcité ne s’applique pas aux salariés des employeurs privés, qui ne gèrent pas un service public 5.

Toujours  sur  cette  question  du  travail,  il  nous  parait  utile  de  signaler  que,  comme  pour d’autres  religions,  les  associations  non  cultuelles  de  notre  réseau  (140  sont  membres  du CNÉF) sont pour la plupart des entreprises de conviction. S’est-il -dire que pour y travailler, il faut adhérer  à  une confession  de  foi et respecter  les principes éthiques  qui y sont attachées. Dans ce cadre aussi donc, les restrictions sont liée es aux postes à  pourvoir et à  là nature des taches à accomplir.

Cette notion d’entreprise de conviction ou de tendance mériterait d’ailleurs d’être explicitée, non seulement s’agissant des obligations en tant qu’employeur mais aussi en tant que  co-contractant. Nous signalons que plusieurs de ces associations se demandent ce qu’il adviendra d’elles dans les cas où elles refuseraient de vendre des biens ou des services en raison de leurs convictions au regard de la réglementation de lutte contre les discriminations. De quoi est-il question ? Du refus de louer des salles pour des mariages de personnes de même sexe ou d’accorder des locaux à des activités associatives inspirées es par d’autres religions ou spiritualités. Comme la réglementation sur la lutte contre les discriminations ne prévoit pas ces exceptions, il y a là  une incertitude qui peau se sur la liberté  d’action de nos associations.

Quelques Remarques et réflexions conclusive

Laïcité et édifices du culte

Le CNÉF est en attente des publications issues du BCC et du Groupe de travail « Juristes inter cultes » concernant le Guide pratique « Gestion et construction des lieux de culte » et là mise à jour du Guide de l’AMF, « Le maire et les édifices cultuels ». Nous pensons que ces deux guides seront des outils utiles à la compréhension de la laïcité dans ce domaine tant par les porteurs de projets que par les collectivités locales. Nous en attendons un bénéfice direct sur le terrain en termes de pédagogie de la laïcité  sur un sujet souvent sensible de part et d’autre.

Liberté d’expression et convictions éthiques

Deux de nos coreligionnaires ont été  condamnés en première instance pour provocation à  là discrimination  en  raison  de  l’orientation  sexuelle  et  injure.  L’affaire  suit  son  cours  et  a  été mise en délibéré   au   25   mai   2016   par-là   Cour   d’appel   de   Bordeaux.   Les   protestants évangéliques suivent l’affaire avec attention et se demandent quelle liberté  d’expression leur est  effectivement  laissée  en-là  matière.  Ils  observent  qu’il  existe  une  zone  d’insécurité juridique autour des infractions d’injure, de diffamation, de provocation… Je cite ce que nous avons  écrit dans notre dernier livret « Libre de le dire à   l’Église 6 » : Cette incertitude juridique résulte, d’une part, de l’appréciation des faits au cas par cas par les juges du fond (chaque situation étant très spécifique) et d’autre part, d’une approche de plus en plus « subjective » des délits d’expression. En effet, pour caractériser l’infraction, la prise en compte du ressenti de la personne (la personne s’est sentie offensée, blessée ou attaquée) tend à remplacer une analyse objective des termes utilisés dans leur contexte (l’expression employée atteint les droits de la personne). Comme la question se déplace de l’objectif (ce qui est exprimé) au subjectif (ce qui est perçu), une place croissante est donnée e à l’arbitraire, en fonction des sentiments de là « victime ». Cette dérive pourrait restreindre sérieusement le périmètre de la liberté d’expression en interdisant de simples expressions d’opinions négatives à l’encontre de certaines personnes ou comportements. Ce phénomène est également amplifié par là possibilité d’instrumentalisation des procès par des groupes ou des individus qui porteraient plainte pour des propos déplaisants à leur égard et éventuellement sortis de leur contexte, sans que ces propos portent atteinte directement ou nommément à là dignité des personnes ou  soient  porteurs en soi de violences.

J’aimerais rappeler qu’on peut ne pas partager les convictions et les choix de vie d’une personne ou d’une catégorie de personnes sans pour autant les rejeter ou les mépriser. C’est ce que, en disciples du Christ, les protestants évangéliques s’efforcent de faire. Certes ils désapprouvent les pratiques homosexuelles, mais accueillent et aiment leurs prochains homosexuels.

L’état d’urgence et les possibles dérives liberticides

Bien que nous ne soyons ni les premiers ni les seuls à le faire, il nous semble pertinent d’alerter le gouvernement sur l’équilibre nécessaires entre là protection de l’ordre public et là préservations  des  libertés individuelles  et  collectives,  en  particulier  là  liberté  de  pensée,  de conscience et de religion.  par exemple, il nous paraît indispensable que nos gouvernants ne cèdent pas aux approximations médiatiques et s’en tiennent, dans le discours comme dans les mesures prises, à des définitions précises qui ne laissent pas place à  l’insécurité  juridique ou aux « délits d’opinion » mais visent strictement les menaces à  l’ordre public. Par exemples, les termes   « radicalisation » ou « extrémisme » abondamment utilisés ne sont pas dénués daàmbiguîtés. En effet, ce sont des concepts relatif : on  est toujours radical pour son voisin modéré ou extrémiste pour celui qui se contente d’adopter les mœurs ambiantes. Or ce dont il est question avec l’état d’urgence, ce sont plutôt de violences, de troubles à  l’ordre public, de menaces  sur  là  paix  et  les  libertés d’autrui. Il ne faudrait  pas  considérer,  par  paresse intellectuelle ou commodité    politique,   toutes   les   minorités comme « radicales » ou « extrémistes », parce qu’elles s’écartent   sur tel ou tel point des opinions ou des comportements  majoritaires.  Les  protestants  évangéliques  peuvent  être  considérés,  à  bien des  égards,  comme  des  radicaux  pour  Christ,  mais  ils  ne  menacent  pas  pour  autant  l’ordre public  et  ne  constituent  aucun  danger  pour  la  société  comme  voudraient  le  laisser  croire certains médias ou intellectuels 7.

Il me reste pour conclure à  dire combien le CNÉF apprécie le travail de l’Observatoire de la laïcité    en   raison   de   son   approche   juridique,   de   son   traitement   non   polémique des problématiques qui vise l’apaisement et de son travail pédagogique de qualité.

 

Étienne Lhermenault

20160520 etienne-lhermenaultÉtienne Lhermenault est Pasteur des Eglises Evangéliques Baptistes et Président du Conseil National des Évangéliques de France. (CNEF)
Depuis 2008, il est professeur de théologie à l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne (94) et aumônier de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine (78). Il préside actuellement le conseil d’administration de la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine
Après des études à l’Institut Biblique et Missionnaire Emmaüs en Suisse et à la Faculté Libre de Théologie Évangélique de Vaux-sur-Seine, il a été pasteur dans le Tarn pendant sept ans et secrétaire général de la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France pendant onze ans.
Il a écrit divers articles, surtout dans le domaine de la théologie pratique et pastorale.

 


1) Interview  de  Jean  Baubérot  le  1er    mars  2016  par Opinion :  « Pour  Jean  Baubérot,  due  traditions  laïques s’affrontent :  l’une  gallicane,  l’autre  libérale » , http://www.lopinion.fr/edition/politique/jeàn-bàuberot-deux- tràditions-làiques-s-àffrontent-l-gàllicàne-l-àutre-97537, consultée le 9 avril 2016.
2) S’agissant des libertés des étudiants, le Cnet a publié, à  la rentrée universitaire de 2015, un livret  intitulée  Libre de le dire à l’Université : Faculté, lycée professionnel, école supérieure (BLF éditions, septembre 2015, 80 p.).
3) La Croix Urbi Orbi avec l’AFP, « Un accord  France-Algérie pour la formation des imams à  là laïcité  », le 13-10- 2015, http://www.là-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actuàlite/France/Un-àccord-Frànce-Algerie-pour-là-formàtion-des-imàms-à-là-làicite-2015-10-13-1368009, consultée le 11 avril 2016.
5) Cour Cass. Assemblée plénière 25 juin 2014, affaire Bàbyloup.
6) Libre de le dire à l’Église : pasteurs, prédicateurs, évangélistes, animateurs enfance et jeunesse, BLF éditions, 2016, p. 28s.
7) Ainsi de Kamel Daoud dans son billet « Portrait de l’intégriste universel » (Le Point n° 2262 du 14 janvier 2016, supplément « Le Postillon », p. 122) :
Terrorismes, extrême droite, djihadistes, discours de haine, populismes… Dans la désormais routine des actualités s se dégage peu à  peu le portrait de l’intégriste universel, adversaire de l’humanisme désemparé, commun malgré  les différences de géographie, de partis politiques ou de croyances religieuses. Qu’il soit islamiste,   juif   ultra-orthodoxe,   candidat   républicain  à  la Donald Tromp,  militant   d’extrême droite, évangéliste  ou  néo-nazi,  il  est  le  même,  reconnaissable  à  son  uniforme  (contraire  du  multiforme  de  la mode), au feu de sa folie organisée, à  l’insolence de sa solution pour résoudre les problèmes du monde ou à  son  sourire  moqueur.  Retranchée  dans  là  proclamation  violente,  promenant  « là  famille »  comme  un seigneur féodal.

 

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Mon chemin avec l’œcuménisme

Mon chemin avec  l’œcuménisme 

Interview de Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, Primat de Normandie, paru dans le bulletin n° 9 de l’ACONor

Mg LebrunDès le séminaire (au séminaire français de Rome), j’ai rencontré des chrétiens d’autres confessions, notamment deux orthodoxes. Il était alors question de leur mariage; ils disaient qu’ils cherchaient une femme, puis qu’ils seraient ordonnés. Cela faisait du bien de voir une autre pratique, permettant de s’interroger plus profondément sur notre propre tradition.

Puis, étant prêtre 22 ans en Seine Saint-Denis, j’ai rencontré des communautés évangéliques de différentes origines ethniques. Elles nous interrogeaient sur le caractère festif de nos célébrations, et sur notre capacité à évangéliser et à parler de Jésus à ceux qui ne le connaissent pas ou l’ont oublié. J’ai aussi souvent échangé avec 1e pasteur de la paroisse luthérienne de St Denis; notre dialogue était plus théologique que pastoral.

En 2006, j’ai été nommé évêque de Saint Etienne. J’y ai trouvé un comité interconfessionnel qui regroupait 6 églises ou communautés ecclésiales : deux Églises d’Orient (grecque et arménienne); trois Églises issues de Réforme  (une Église apostolique évangélique, l’Église Protestante Unie, et une Église évangélique); et l’Église catholique romaine. J’y ai apprécié l’équilibre entre Églises d’Orient, Églises issues de la Réforme et Église catholique romaine; cela permettait souvent de passer d’une opposition à la perception d’une diversité.

Pendant ces années, j’ai vécu avec beaucoup d’émotion l’annonce de la Résurrection de Jésus, que nous avons célébrée ensemble le matin de Pâques, lorsque la date était commune. Au-dessus de Saint Etienne, il y’a un grand Christ qui domine la ville ; nous nous y retrouvions à l’aube, vers 7 H, pour chanter l’Alléluia pascal et prier pour la ville encore endormie, et pour le monde.

Après cette expérience, nous avons décidé de vivre ensemble une célébration de la Passion, les années où la date de Pâques n’était pas commune ; le chemin  de l’œcuménisme passe par la reconnaissance de notre division, cause de la Passion de Jésus.

Un des moments difficiles –mais pas le moins intéressant- a été la discussion autour de la reconnaissance du baptême. Je tenais pour acquis le fait que tous les chrétiens en France reconnaissaient et respectaient le baptême célébré dans les autres confessions. Cependant certaines Églises ou communautés évangéliques rebaptisent des fidèles baptisés petits dans les Églises catholique ou protestante. C’est pour moi une grande souffrance, mais grâce au dialogue, et aussi à l’aide de frères catholiques mieux formés que moi, j’ai dépassé 1a première réaction trop négative.

La question du dialogue :

Dans ma vie spirituelle et chrétienne, le dialogue occupe une place fondamentale. Non seulement c’est un chemin de paix pour que puissent vivre ensemble les personnes aux convictions et opinions divergentes, mais surtout c’est le chemin que Dieu a pris lui-même pour restaurer le vrai visage de l’humanité. La Bible, et singulièrement l’évangile, c’est un grand livre de dialogue entre Dieu et son peuple. Le dialogue œcuménique n’est donc pas pour moi une simple technique ou une pédagogie, mais le fruit de l’accueil, la réponse de Foi à l‘œuvre de Dieu. Pour le dire plus simplement, ce n’est pas une matière à option, mais un déterminant essentiel de ma Foi au Christ au cœur du monde.

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