Union et désunion_ III le monde moderne

Sommaire

   
      Selon nos traditions ecclésiales et nos cultures, nous avons des représentations de l’Eglise qui nous sont propres.
     C’est ainsi que l’Eglise catholique déclare qu’en elle « subsiste » l’Eglise dans toute sa plénitude. Cela va conduire à un certain nombre de représentation ou l’Eglise Catholique est représentée par un tronc d’où les « hérétiques » de tout poil ou les « Eglises séparées » s’éloignent sous forme de branches diverses.
     L’ors de la Rencontre du Bec-Hellouin organisée par l’ACONor en 2013 le Pasteur François Clavairoly,  alors président de la Fédération Protestante de France, se représentait l’Eglise comme un buissonnement de rameaux divers…Comme dit le proverbe: « chacun voit midi à sa porte »
     L’histoire de l’Eglise doit nous rendre modestes : l’unité des chrétiens  fondée et enracinée dans la prière de Jésus (Jn 17,21) : « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé. » est un idéal confronté à notre réalité de péché, qui n’a jamais été pleinement réalisé. Même à l’origine (Pierre et Paul au « concile de Jérusalem » s’accordent…en se séparant !)
     Je me propose dans une série d’articles de faire le point sur ces disjonctions -et aussi conjonctions- qui ont marqué  nos différentes confessions chrétiennes

Beaucoup de renseignements viennent des pages Wikipédia
Autre source, absolument indispensable à la compréhension de l’histoire des Eglises de la Réforme : https://museeprotestant.org/ 

 

 

 

XVII Le point sur les Eglises a l’aube du 19°siècle

Les églises ont trouvé une sorte d’équilibre instable

 

Une partie de l’Europe du nord passe à la réforme.

La Suisse

     Henri Bullinger poursuit à Zurich son œuvre réformatrice et conclut en 1549 avec Calvin le “Consensus Tigurinus”, qui contribua largement à unir les réformes de Calvin et de Zwingli dans la confession qu’on appelle aujourd’hui « réformée ».

     Théodore de Bèze continue à Genève -avec plus de modération- l’œuvre de Calvin.
Après l’effondrement des réformés radicaux révolutionnaires, les anabaptistes pacifiques vont se grouper dans des Eglises de « professants » et donner naissance aux églises évangéliques.

 

Aux Pays-Bas

     Menno Simons publie “Fondation de la doctrine chrétienne” un livre théologique sur les croyances et pratiques anabaptistes. Cette publication et d’autres ont contribué à la formation de l’Eglise Mennonite, dont certaines doctrines inspireront plus tard aussi le christianisme évangélique.

 

En France

     Au XVIe siècle, la Réforme s’ancre également en France, malgré d’affreux massacres, comme celui de la Saint-Barthélemy, et trouve un apaisement relatif et temporaire par l’octroi de l’Edit de Nantes par le roi Henri IV en 1598, qui sera aboli en 1685 par Louis XIV.

     Par l’édit de tolérance du , 29 novembre 1787, le roi Louis XVI accorde aux protestants un état civil. Il leur assure le droit d’exister dans le royaume sans y être troublés sous le prétexte de religion. Sur la base de plusieurs mémoires, notamment de Malesherbes lui-même, un édit est signé par Louis XVI en novembre 1787 limité à l’état civil de « ceux qui ne font pas profession de la religion catholique » : un mariage non religieux est autorisé par simple déclaration soit devant un juge royal, soit devant le curé de la paroisse agissant en qualité d’officier de l’état civil.

Naissance et décès sont enregistrés de manière identique. La majorité des protestants accueille ce texte favorablement et nombreux sont ceux qui viennent régulariser devant les juges leur mariage au Désert et la naissance de leurs enfants.

La révolution de 1789

1790 : Adoption de la Constitution civile du clergé. L’Assemblée constituante assigne aux diocèses les limites des départements et brise la hiérarchie de l’appareil ecclésiastique. Les desservants de l’Église reçoivent un salaire de l’État et doivent prêter serment à la Constitution civile du clergé.

     La moitié des ecclésiastiques environ refuse de prêter serment et, bientôt, deux Églises s’opposent, l’une traditionnelle et fidèle au pape et l’autre constitutionnelle.

29 novembre 1791 : L’Assemblée législative adopte un décret qui déclare suspects et privés de leur pension les ecclésiastiques réfractaires qui ont refusé de prêter serment. Les édifices religieux ne peuvent être utilisés que par le clergé salarié par l’État.

21 février 1795 : Un décret du 3 ventôse an III établit un régime de séparation des églises et de l’État. Tout en affirmant le principe du libre exercice des cultes, le décret précise que l’État n’en salarie aucun, ne fournit aucun local et ne reconnaît aucun ministre du culte.

1798: Le pape Pie VI est déporté à Briançon puis Valence

       Sous le Directoire, l’arrivée des troupes du général Berthier dans Rome contraint le souverain pontife à renoncer à son pouvoir temporel, puis à quitter la ville éternelle la nuit du 19 février 1798.
     Le Pape et sa suite sont finalement arrêtés par l’armée française et emmenés à Briançon, juste de l’autre côté de la frontière. En 1799, l’armée russe entre à Turin. Le Directoire prend la décision d’évacuer Pie VI et sa suite sur Valence.
     Le saint-Père n’en peut plus, mais les ordres sont formels. « Le pape doit quitter Briançon mort ou vif », écrit un responsable révolutionnaire.  Pie VI arrive à Valence le 14 août 1799 et est incarcéré dans la citadelle

     Il meurt le 24 août 1799. Il est inhumé, lors de discrètes obsèques civiles, sans autre forme de cérémonie. Il faudra attendre 1802 pour que sa dépouille soit ramenée à Saint-Pierre-de-Rome.

Pendant l’épanouissement de la Réforme, l’Eglise catholique n’est pas restée inactive.  La papauté s’est enfin décidée à convoquer un concile réformateur à Trente, qui portera ses plus beaux fruits au XVIIe siècle.

 

L’Empire ottoman

Il tolère la hiérarchie catholique en Hongrie après sa conquête (1526), tout en favorisant la diffusion du protestantisme, adversaire de la Papauté et de l’Autriche (dans le contexte des assauts contre Vienne en 1683).

L’orthodoxie, sous l’Empire ottoman.

     Elle est à la fois persécutée et tolérée ; les quatre patriarcats traditionnels de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, connaissent une existence précaire.

     Concernant l’Église orthodoxe, tous ses croyants sujets du Sultan formaient le millet des Rum (ex-sujets de l’Empire romain d’orient), quelles que fussent leurs langues. Qu’ils aient relevé du Patriarcat de Constantinople, ou du Patriarcat serbe de Peć  ou des Métropoles roumaines de Valachie et Moldavie, ils sont supprimés et regroupés dans le seul Patriarcat de Constantinople

     En même temps, les grands centres de spiritualité orthodoxe, en particulier les monastères de Sainte Catherine au Sinaï et ceux de la “Sainte Montagne”, le Mont Athos en Grèce, continuent de rayonner même sous la domination musulmane.

La Grèce

Elle est libérée du joug ottoman en 1832.

L’Église de Grèce est autocéphale sur la base du Tomos[1] pour l’autocéphalie de l’Église de Grèce. Le tomos date du 29 juin 1850 et est inscrit dans le droit grec par une loi du 9 juillet 1852, qui est également inscrite dans l’actuelle constitution de la Grèce.

la Bulgarie

Elle est libérée du joug ottoman en 1832.

Le 28 février 1870, le sultan promulgue un décret pour l’établissement d’une Église orthodoxe bulgare sous le nom d’exarchat. Le 16 septembre 1872, le Patriarcat de Constantinople déclare l’exarchat bulgare shismatique.

Réconciliation et reconnaissance

Le 22 février 1944, le Patriarcat œcuménique de Constantinople abolit le schisme de 1872 et accorde un statut autocéphale complet à l’Église orthodoxe bulgare, avec le rang d’Exarchat.

Le 10 mai 1953, l’Église orthodoxe bulgare revendique sa dignité patriarcale, qui lui est reconnue par Constantinople le 22 juillet 1961

La Serbie

     À la suite de deux soulèvements contre les Turcs, le premier en 1804, le second en 1815, une principauté de Serbie fut créée, autonome vis-à-vis de la Sublime Porte en 1830, officiellement indépendante en 1878. La Serbie acquit son indépendance définitive au traité de Berlin en 1878

     En 1766 et 1767, à la veille de la guerre russo-turque de 1768-1774, l’archevêché d’Ohrid a et le patriarcat de Peć sont abolis, de manière non canonique sur ordre du sultan ottoman Moustafa III, craignant les visées du projet grec de l’impératrice Catherine II.

     Le patriarcat serbe est restauré en 1920, avec juridiction sur l’ensemble des orthodoxes du royaume des Serbes, Croates et Slovènes de l’époque, qui incluait la partie de la Macédoine accordée à la Serbie lors du traité de Bucarest, en 1913.

 

 


 

XVIII Les Eglises au 19°s en Europe jusqu’à Vatican I

 

Eglise catholique Romaine

 

Pie VII (1800-1823)

Dans cette situation où Rome était occupée par les troupes françaises et où le pape ne disposait plus de son pouvoir temporel, les cardinaux se trouvaient dans une position délicate. Ils furent obligés de tenir le conclave à Venise, alors sous contrôle autrichien, et ce fut le dernier jusqu’à nos jours à se tenir hors de Rome.

Ils répondaient ainsi à deux ordonnances de Pie VI ( et ) à propos des mesures à prendre après son décès. Craignant que la papauté ne soit abolie, il y stipulait que le conclave devait être convoqué par le doyen du Collège des cardinaux et se tenir dans la ville qui comptait, au sein de sa population, le plus grand nombre de cardinaux.

     C’est le monastère bénédictin de San Giorgio Maggiore qui fut choisi. La ville de Venise, ainsi que d’autres villes du Nord de l’Italie, était sous la domination du souverain du Saint-Empire romain germanique.
     Le conclave débuta trois mois après la mort du pape, le . Trente-cinq cardinaux étaient présents.
Alors qu’il entrait dans son troisième mois, Gregorio Barnaba Chiaramonti (osb) 57 ans, finit par accepter la charge et fut élu le après 104 jours de conclave

La paix religieuse en France.

     À la bataille de Marengo, le , la France arrache le Nord de l’Italie à l’Autriche. Le nouveau pape, toujours à Venise, se trouve donc soudainement sous autorité française. Ce n’est pas un inconnu pour Napoléon qui avait qualifié son discours de Noël 1797 à Imola de « jacobin ». Bonaparte décide de reconnaître le nouveau pape et de restaurer les États pontificaux dans les limites du traité de Tolentino.

     Rentré à Rome le 3 juillet 1800, Pie VII répondit pourtant favorablement aux ouvertures de Bonaparte qui, après Marengo, lui avait fait connaître son désir de résoudre la crise religieuse en France et de rétablir les liens entre l’Eglise et sa « fille aînée »

Le concordat de 1801 avec la France

      Avec le Concordat, le catholicisme est reconnu comme la religion de la majorité des Français (mais n’est plus la religion de l’État). Les évêques choisis par le gouvernement français reçoivent leurs pouvoirs religieux (investiture canonique) du pape. La répartition des évêchés est calquée approximativement sur celle des départements existants alors (et qui comprenaient la Belgique et la rive gauche du Rhin). Les évêques et les curés sont payés par l’État. L’Église catholique renonce à récupérer les biens ecclésiastiques vendus pendant la Révolution comme biens nationaux.Le concordat ne concerne pas le clergé régulier (les moines et moniales) qui avait été interdit en 1790, mais qui se réinstalle en France à cette époque.

     Même critiqué au sein de la Curie, le pape assuma sans réserve sa part de l’accord : ratification du texte, démission de tous les évêques français, jureurs comme non jureurs, et institution de nouveaux titulaires au préalable nommés par le Premier Consul.

     Il fit même plus, avec la nomination de quatre nouveaux cardinaux français dont Joseph Fesch, oncle de Bonaparte, et Etienne-Hubert Cambacérès, frère du second Consul.

Le concordat de 1803 avec l’Italie

Le 17 janvier 1803, il laissa encore signer un autre concordat, cette fois avec la République Italienne[1] (territoires occupés par les Francais).

Fin octobre 1804, Pie VII accepte enfin de venir à Paris sacrer Napoléon. Cette ultime concession visait en réalité à obtenir l’ouverture de négociations sur tous les manquements et interprétations du Concordat par le gouvernement français. 

Le conflit avec l’empereur Napoléon Ier

     Les relations entre le pape et l’empereur ne cessèrent ensuite de se dégrader. Le pape n’obtint rien en échange de sa docile participation au Sacre du 2 décembre 1804, l’empereur fit en Italie comme s’il n’était que chez lui, occupant les ports des Etats de l’Eglise, installant ses états-majors dans la Ville éternelle.

     En représailles, Pie VII refusa de reconnaître l’accession de Joseph au trône de Naples et d’adhérer au Blocus continental. Il se fit de plus en plus tirer l’oreille pour instituer canoniquement les évêques nommés, jusqu’à pratiquer la « grève des investitures » à partir de 1808.

     D’empiètements territoriaux en menaces de moins en moins voilées, en passant par des arrestations d’ecclésiastiques récalcitrants, des expulsions de cardinaux de la Ville éternelle, l’obtention du renvoi de Consalvi (qui avait été créé cardinal et nommé secrétaire d’Etat) et de multiples autres attaques contre l’autorité du pape, Napoléon finit par ordonner l’occupation de Rome puis l’annexion pure et simple des possessions pontificales.

     En réponse aux premières atteintes à ses Etats, mais sans le désigner dans sa bulle, Pie VII avait prononcé son excommunication.

Prisonnier à Fontainebleau

 

     La rupture était consommée et le général Miollis procéda à l’arrestation du Saint-Père qui fut placé en résidence surveillée, d’abord à Savone puis à Fontainebleau. Même coupé du monde et privé de son entourage, le captif continua à gêner autant qu’il le pouvait son adversaire, mais sans jamais appeler à la révolte ou au schisme. 

Retour à Rome

     Sur le point d’être vaincu, Napoléon autorisa Pie VII à quitter Fontainebleau.

     Le 24 mai 1814 , il retrouva Rome qui lui fit un accueil délirant. Une fois réinstallé au Quirinal, il accorda son pardon à tous ceux qui avaient servi les occupants. 

     La restauration de son autorité se fit sans réaction, bien au contraire. Certaines réformes françaises, notamment en matières judiciaire et fiscale, furent maintenues. Celles engagées avant 1809 furent poursuivies : nomination de laïcs dans les hautes fonctions administratives, liberté du commerce et de l’industrie, rétablissement des Jésuites.      Pie VII reprit aussi son rôle de protecteur des artistes, enrichit considérablement la bibliothèque vaticane, lança de nombreuses fouilles archéologiques et promulgua une législation interdisant (enfin) l’exportation-pillage des biens historiques de ses Etats. Il annula en revanche la législation favorable aux juifs et rétablit le ghetto.

Au congrès de Vienne

    Consalvi tenta d’obtenir la restitution des Légations , du Comtat et d’Avignon (absorbés par la France en 1791). Dans ses instructions, le pape lui avait cependant recommandé de ne pas protester avec trop de véhémence s’il n’obtenait pas satisfaction sur ce dernier point.

       Symboliquement, la préséance des diplomates du Saint-Siège sur leurs collègues fut réaffirmée (elle subsiste aujourd’hui).

     Sur le plan territorial, il récupéra les Marches, les principautés de Pontecorvo et de Bénévent, les Légations de Ravenne, Bologne et Ferrare, à l’exception de la partie de cette dernière située sur la rive gauche du Pô, cédée au royaume lombardo-vénitien sous domination autrichienne. Vienne obtint un droit de garnison dans certaines places des rives de l’Adriatique.

     C’était moins que ce que souhaitait le Saint-Siège. Consalvi publia donc une protestation, le 14 juin 1815.
     Rome n’adhéra jamais à l’Acte final du Congrès mais Pie VII annonça toutefois aux cardinaux réunis en consistoire secret qu’il se contenterait de ce qui avait été obtenu. On en resta là jusqu’en 1860, ce qui n’était pas un mauvais résultat.

Fin du pontificat de Pie VII

     Epuisé par les épreuves, Pie VII pouvait dès lors lentement glisser vers la fin de son pontificat, non sans avoir été le seul souverain européen à avoir publiquement réclamé l’adoucissement des conditions de détention de Napoléon.
     Il poussa le pardon jusqu’à faire de Rome le havre des Bonaparte en exil.
Il mourut le 20 août 1823 et fut inhumé dans la basilique Saint-Pierre 

 

Léon XII (1823-1829)

     Un article de Vatican News [2] a pour titre “Le Vatican salue la mémoire de Léon XII, Pape de la Restauration”. Il n’y a vraiment pas de quoi !

    • En 1823, il rétablit le sermon de predica coatta [3], auquel les Juifs du ghetto étaient obligatoirement forcés d’assister sans broncher ainsi qu’un sermon après leur repas de shabath sous peine d’amende ou de fouet5,6
    • En 1825, il agrandit le ghetto juif de Rome (qui ne sera aboli qu’en 1870).
    • L’année suivante, il rétablit les portes du ghetto de la ville d’Ancône, que les troupes napoléoniennes avaient abattues, pour y enfermer les Juifs dès huit heures du soir et jusqu’au matin, et leur impose de nombreuses restrictions et les persécute en forçant souvent leur “conversion” au christianisme.

 

Pie IX (1848-1878)

     

Condamnation du rationalisme et de la liberté de pensée

     Les progrès des sciences naturelles, en géologie et en paléontologie notamment, symbolisés par la publication en 1859 de De l’origine des espèces de Darwin [4], invalident la lecture littérale de la Bible.        En réaction à l’infaillibilité pontificale d’une part et d’autre part à l’évolution de la lecture de la Bible, les Églises conservatrices américaines se réunissent à leur tour en Églises fondamentalistes.

     L’encyclique Quanta cura et le Syllabus [5], le , condamnent violemment les « hérésies et erreurs qui souillent l’Église et la Cité », comme le socialisme et le communisme, mais également le « délire » (selon l’expression de Grégoire XVI) de la liberté de conscience et de culte et autres « opinions déréglées » et « machinations criminelles d’hommes iniques » parmi lesquelles la séparation du temporel et du spirituel et l’école laïque.

Le dogme de l’Immaculée Conception et les apparitions de Lourdes

Le Pie IX proclame, dans sa bulle Ineffabilis Deus [6], le dogme de l’Immaculée Conception. Il définit solennellement, en vertu de sa suprême autorité apostolique, que la bienheureuse Vierge Marie a été exempte du péché originel.

     Trois ans plus tard, entre le 11 février et le , une jeune Lourdaise illettrée Bernadette Soubirous affirmera avoir vu « une belle dame », dans la petite grotte de Massabielle à Lourdes, qui lui dit en occitan gascon : « Que sòi era Immaculada concepcion ».

Les apparitions seront reconnues par l’Église Catholique en 1862 (Les Eglises protestantes ne reconnaissent pas ce dogme parce que non biblique)

Statut des juifs 

     Pie IX amorce des réformes en direction de la modernisation du statut des Juifs et ouvre le ghetto de Rome parfois contre la volonté de certains rabbins. Il sera supprimé quelques années plus tard.
     Ces efforts ont néanmoins une portée limitée et sont interrompus avec l’éclatement de l’affaire Mortara [7]. Pie IX  conserve la position traditionnelle de l’Église catholique, stigmatisant l’« aveuglement du peuple élu ».
En 1867, Pie IX convoque le concile Vatican I, qui s’ouvre le . (voir infra)

 

[1] La République italienne (en italien : Repubblica Italiana) est un État satellite de la Première République française établi en Italie du Nord entre 1802 et 1805. Sa capitale est Milan. Elle est créée le  par les députés de la République cisalpine qui, réunis extraordinairement à la consulte de Lyon, proclament la transformation de celle-ci en République italienne, avec pour président Napoléon Bonaparte, Premier consul de la République française. (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_italienne_(1802-1805))
[4] Dans la préface d’un livre qu’il a écrit contre Darwin, un certain docteur Jammes cite une lettre que le pape Pie IX lui aurait envoyée : ce dernier qualifie l’ouvrage de Darwin de « doigt du démon »

 

 

En France: Empires, Révolutions, Royautés, un siècle agité

 

Le consulat et le premier empire

     En janvier 1795, les députés de la Convention votent une loi qui interdit les subventions publiques à tous les cultes. L’Église constitutionnelle est alors privée de moyens financiers.
Or la quasi totalité des 28 millions de Français sont de confession catholique.

Les protestants sont environ 600 000 et les juifs 40 000 ; les athées sont très peu nombreux.

     Bonaparte pense que la religion permet d’assurer l’ordre car le clergé peut encadrer la population, surtout s’il reçoit des directives de la part du gouvernement. Bonaparte décide alors d’entrer en relation avec la papauté pour rétablir le culte catholique unifié en France.

Concordat  entre sa Sainteté Pie VII, et le Gouvernement français du 17 juillet 1801 (28 messidor an IX)

     Dès juin 1800, Bonaparte ouvre des négociations avec la papauté. Le gouvernement français est représenté par l’abbé Bernier, la papauté par le cardinal Guiseppe Spina, puis par le cardinal Ercole Consalvi qui arrive à Paris en novembre 1800.

     Le Concordat est signé le 17 juillet 1801 (28 messidor an IX) [1]. Joseph Bonaparte représente le gouvernement français, Consalvi représente le pape. Le 15 août 1801, le pape accepte le texte.

     Les règlements internes (les Articles organiques) laissés à l’appréciation du gouvernement, sont ensuite rédigés sans l’accord de la papauté. Et ils limitent fortement l’action de celle-ci :
la promulgation des soixante-dix-sept Articles organiques, le 18 avril 1802, tend à faire de l’Église de France une Église nationale, aussi peu dépendante de Rome que possible, et asservie au pouvoir civil. Ces articles stipulent notamment que
        • « les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité,
        • que les décisions des conciles œcuméniques priment sur les décisions pontificales,
        • que le Pape doit respecter les pratiques nationales,
        • qu’il ne dispose enfin d’aucune infaillibilité. »

Ainsi le gallicanisme est-il en partie restauré mais le Saint-Père ne peut accepter la subordination de l’Église de France à l’État.

      La totalité des textes concernant la religion catholique ainsi que ceux organisant le protestantisme et le judaïsme français, sont votés par le Corps législatif le 8 avril 1802 (18 germinal an X). Ils forment le régime concordataire français.

   Le Concordat de 1801 restera en vigueur jusqu’en 1905, date à laquelle il n’est plus reconnu par la France après le vote de la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905 (sauf en Alsace et en Moselle qui en 1905 étaient rattachées à l’Empire allemand).

 

Le sacre de Napoléon Ier (2 décembre 1804)

     Fin octobre 1804, Pie VII accepte enfin de venir à Paris sacrer Napoléon. Cette ultime concession visait en réalité à obtenir l’ouverture de négociations sur tous les manquements et interprétations du Concordat par le gouvernement français.

    C’est pour tenter d’obtenir l’abrogation des Articles organiques que le pape accepte de venir sacrer Napoléon Bonaparte empereur des Français à Notre-Dame le 2 décembre 1804, mais il rentre à Rome sans avoir obtenu gain de cause.

La Restauration

     Pour remplacer Napoléon Ier à la tête de la France, les Bourbons ne disposaient que des deux frères de Louis XVI, un petit gros de 60 ans, Louis XVIII, et un grand maigre, orgueilleux et bête, le futur Charles X.
Tous deux, revenus d’exil dans les fourgons des armées étrangères, entendaient bien mettre un terme à tous les bouleversements qui avaient agité les Français depuis un quart de siècle, et agir comme si la Révolution et l’Empire n’avaient pas existé.

 

Louis XVIII

    Restauration religieuse et restauration politique vont de pair en France en 1814. La monarchie restaurée par les Bourbons retrouve les apparences d’une “monarchie chrétienne” : le catholicisme, redevenu religion de l’État, est protégé par le régime. Portés par une idéologie traditionaliste ou contre-révolutionnaire, les catholiques
cherchent à effacer la période de la Révolution et de l’Empire, prise dans son ensemble, ce qui suscite a contrario la résistance des libéraux restés attachés aux conquêtes de 1789.

 

La Charte de 1814
  Avec la publication de la Charte de 1814 [2], la Restauration fait apparemment un pas décisif dans le retour vers l’Ancien Régime. En fait elle ne remet pas en cause les principes de 1789, même en matière religieuse.
     Ainsi l’article 5 réaffirme la liberté et le pluralisme religieux « Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection », même si l’article 6 précise que la religion catholique est « religion de l’État ».
     Cette disposition, déjà âprement discutée en 1801 au moment des négociations sur le Concordat, suscite un débat au sein de la commission chargée de préparer la Charte, dans laquelle figuraient deux protestants, Boissy d’Anglas et Chabaud-Latour. Finalement, une transaction est trouvée. Ferrand, l’un des rédacteurs du texte, propose en effet que les pasteurs protestants continuent d’être salariés par l’État, ce qui revient à reconnaître officiellement les Églises protestantes ; c’est l’objet de l’article 7

À 68 ans, le roi Louis XVIII s’éteint le 

Sans descendance, c’est alors son dernier frère, le comte d’Artois, qui lui succède sur le trône à l’âge de 67 ans, devenant le roi Charles X

 

Charles X

Âgé de 67 ans, il demeure très fermement attaché aux principes de l’Ancien Régime. Il choisit de se faire sacrer à Reims, et prend deux mesures impopulaires :

      •  la loi dite du « milliard des émigrés » qui indemnise les nobles dont les biens avaient été vendus sous la Révolution ;
      •  la loi sur le sacrilège qui punit de mort tous ceux qui profaneraient les églises et la religion.
Le réveil de l’opposition

     Les mesures de Charles X conduisent au réveil de l’opposition libérale. Le ministère conduit par Polignac à partir de 1829 se heurte à l’hostilité de la Chambre. Charles X dissout l’Assemblée, mais les élections de 1830 sont un succès pour l’opposition.

Le roi décide alors un coup de force : il prend quatre ordonnances qui suppriment la liberté de la presse, renvoient la Chambre, établissent une nouvelle loi électorale augmentant le cens et convoquent les électeurs pour un nouveau scrutin.

La révolution de 1830

     Les quatre ordonnances de Charles X donnent le signal de la révolution : durant les journées du 27 au 29 Juillet (les Trois Glorieuses), le peuple de Paris se soulève et oblige Charles X à s’enfuir.

Mais la bourgeoisie, craignant l’établissement d’une République démocratique, va en quelque sorte « confisquer » la révolution à son profit. Préférant une monarchie constitutionnelle, la bourgeoisie parisienne acclame le duc d’Orléans qui devient lieutenant-général du royaume, puis roi sous le nom de Louis-Philippe Ier. ( du au

 

Louis-Philippe Ier

      Dernier roi à avoir régné en France, entre 1830 et 1848, avec le
 titre de « roi des Français ».
Bien moins traditionaliste que ses prédécesseurs, il incarna un tournant majeur dans la conception et l’image de la royauté en France.

  La charte de 1830 [3]

   Le 6 juin 1830, la révision de la charte est approuvée par 219 députés contre 33 et par 99 pairs contre 14.

    La Charte de 1814, qui donne au catholicisme le statut de « religion de l’État » (article 6), imposait encore que le monarque, chef de l’État, professe la même foi que celle de la majorité de ses sujets.

     La Charte révisée, jurée par Louis-Philippe le 9 août 1830, engage à cet égard une rupture profonde. L’abandon du catholicisme comme religion officielle signalerait la fin d’une vision gallicane du monde qui fait coïncider fidélité au souverain, unité nationale et religion d’État. Toutefois, la Charte de 1830 mentionne que la religion catholique est « professée par la majorité des Français », ce qui reprend le constat introductif du concordat de 1801 : « Le Gouvernement de la République reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français. »

     La formulation du texte constitutionnel de 1830, qui n’est pas qu’une simple reconnaissance comptable du nombre de catholiques en France, suppose en réalité que l’État conserve une responsabilité particulière envers la religion commune à la plupart des citoyens. Aussi l’absence de religion officielle ne fait-elle pas du catholicisme une affaire qui, dans le gouvernement de l’État, ne regarderait plus que le ministère des Cultes.

     De ce point de vue, la confession religieuse du roi des Français – quoique le monarque soit non sacré, appelé par la nation, et à la tête d’un pays sans religion d’État – ne peut être renvoyée à la seule sphère du privé…

 

Loi sur le sacrilège

     Une série de restrictions budgétaires frappent l’Église catholique, cependant qu’est abrogée, le , la « loi sur le sacrilège » de 1825, qui punissait de mort les profanateurs d’hosties consacrées.

 

 

Les protestants et le “Roi des Français”

     Dans l’ensemble, les protestants commencent à être traités comme des citoyens ordinaires. Le protestant François Guizot est la personnalité politique la plus importante de cette période.

     Les mariages avec des protestants conclus par trois des enfants du roi Louis-Philippe provoquent un véritable sentiment d’affection en faveur de la famille royale.

        • L’aînée des filles, Louise, épouse le nouveau roi des Belges, Léopold Ier de Saxe-Cobourg-Saalfeld, qui est luthérien
        • En 1837 la seconde fille, Marie, épouse le duc Alexandre de Wurtemberg également luthérien
        • et surtout le duc d’Orléans, Ferdinand-Philippe, héritier du trône, épouse une protestante, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, qui conserve sa religion et assiste régulièrement au culte luthérien : « l’on trouvait dans les demeures royales la Bible à côté du Missel ».

     La Monarchie de Juillet qui s’affirme favorable à l’égalité des cultes, laisse le plus souvent les évangélistes protestants libres de tenir des réunions religieuses dans des communes où il n’y a aucune communauté protestante d’origine. Les Eglises ou mouvements issus du Réveil vont se fonder en France (surtout dans le sud). Une partie importante du Réveil aboutit à la rénovation de l’intérieur du protestantisme institutionnel.

     Si une partie des protestants est satisfaite de voir émerger une monarchie parlementaire proche du modèle britannique et reprenant certains symboles hérités de la Révolution,  néanmoins, cette adhésion massive à l’orléanisme est surtout visible au sein de la bourgeoisie protestante, tout comme au sein du reste de la bourgeoisie d’affaires française.  À l’inverse, la majorité des protestants issus des couches moyennes et populaires de la population apportera un soutien clair à la Révolution de 1848.

La révolution de 1948

 

     La révolution naît d’une conjonction de crises. Conséquence de ces crises agricoles, industrielles et financières, les faillites se multiplient, engendrant chômage et mécontentement, notamment au sein de la population ouvrière de Paris, crise politique aussi. Guizot incarne le parti de la « Résistance », face au parti de la « Réforme », soutenu par la moyenne bourgeoisie,  qui réclame des avancées plus libérales.

     Spectacle étonnant, les insurgés acclamaient les prêtres aux cris de : Vive la religion, vive le Christ, vive Pie IX.

     La popularité du clergé s’expliquait par ses choix : détaché du régime de Louis-Philippe, il se situait du côté de ceux qui revendiquaient la liberté, mais surtout, avec des laïcs engagés et grâce à des évêques courageux, il plaidait la cause de l’ouvrier que l’industrie moderne réduisait à l’état de machine.

     Le 24 février 1848 les révolutionnaires s’emparent du palais Bourbon obligeant Louis-Philippe à abdiquer.

     Le gouvernement provisoire proclame la République, instaure le suffrage universel masculin, abolit l’esclavage et la peine de mort. Des ateliers nationaux sont créés pour fournir du travail aux chômeurs.

     Mais l’insurrection de juin 1848 suscita bientôt dans l’Eglise Catholique le désenchantement, le reflux des espérances, le silence des prêtres, le reniement de la liberté.  Les causes sont multiples : le décalage entre les villes et les villages de France sans doute, mais aussi la crainte de tout bouleversement social, un enseignement routinier, l’inadaptation temps aux évolutions en cours, la peur du principe même de liberté qu’elle refusait d’appliquer à son propre fonctionnement.

La révolution de 1848 a laissé l’amertume d’une occasion manquée.

 

 

La IIème république (1848-1851)

 

     Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu président de la République avec 75% des suffrages exprimés. Le Président constitue un gouvernement de conservateurs, composé des deux familles issues du monarchisme, légitimistes et orléanistes.
     Aux élections législatives de mai 1849, un “parti de l’ordre” dominé par des conservateurs obtient la majorité. Il adopte des lois restreignant la liberté de la presse.
     Le 31 mai 1850, les députés limitent le droit de vote (le corps électoral passe de près de 10 millions à moins de 7 millions de votants).
     En mars 1850, la loi Falloux sur l’instruction publique, au nom de la liberté de l’enseignement, renforce l’influence de l’Église catholique dans le primaire et le secondaire.
     L’Assemblée constituante lui ayant refusé toute modification de la Constitution (qui lui permettrait de briguer un second mandat), Louis-Napoléon Bonaparte, avec la complicité de chefs militaires, prend le pouvoir dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851.
Une nouvelle Constitution prend effet le 14 janvier 1852.

D’abord président de la République, il rétablit la dignité impériale et héréditaire et se fait proclamer empereur sous le nom de Napoléon III.

Pour l’Eglise Catholique:

       Dès le mois de mars, l’Assemblée constituante a assuré le triomphe de la liberté de conscience en levant les sanctions prononcées antérieurement à l’encontre de fidèles de cultes non concordataires.

    La constitution du 4 novembre 1848, promulguée “en présence de Dieu”[1], conserve les cultes concordataires, mais supprime toute référence propre à la religion catholique. Innovation importante, son article 7  du chapitre II envisage que de nouveaux cultes puissent être reconnus à l’avenir : ” Chacun professe librement sa religion, et reçoit de l’Etat, pour l’exercice de son culte, une égale protection. – Les ministres, soit des cultes actuellement reconnus par la loi, soit de ceux qui seraient reconnus à l’avenir, ont le droit de recevoir un traitement de l’Etat.”[1]

     Enfin, au sein de l’Assemblée constituante, se met en place un Comité des cultes, qui comprend, entre autres, trois évêques, trois abbés, quelques représentants du catholicisme intransigeant et du catholicisme libéral, quelques anticléricaux, un protestant. Ce Comité réfléchit à une possible refonte du concordat, en s’attachant particulièrement à quelques points : le budget des cultes, le célibat des prêtres, les procédures disciplinaires au sein de l’Église, la modification du statut des desservants, que certains membres voudraient rendre inamovibles. Démocratiser l’Église — avec l’aval (espéré) de Rome —, afin d’adapter ses structures à celles de la jeune République, tel est le vœu essentiel d’une partie du Comité, dont les travaux, finalement, ne porteront aucun fruit.

Pour les protestants

      la majorité des protestants issus des couches moyennes et populaires de la population apporte un soutien clair à la Révolution française de 1848 et à l’avènement du nouveau régime républicain. La Seconde République instaure d’ailleurs la liberté de réunion religieuse, qui était jusque là contestée aux protestants par les autorités locales et surtout par le clergé catholique.

     De plus, les initiateurs de la révolution de 1848 et du nouveau régime républicain ne faisaient pas appel à un discours antireligieux, et s’appuyaient sur les pasteurs protestants au même titre que sur les curés catholiques locaux pour planter symboliquement des arbres de la liberté. A cette occasion, de nombreux penseurs et religieux protestants s’illustrent dans le débat politique en faveur du régime républicain, en allant parfois même encore plus loin, comme le pasteur Edmond de Pressensé, proche des thèses des socialistes de son temps, même si plusieurs autres personnalités protestantes, craignant les excès de violences et l’éventuel concurrence du socialisme naissant envers le christianisme, se sont rangées au contraire dans le camp conservateur.

     De fait, bien que très largement attachés à l’idée républicaine, le modèle politique souhaité reste très divergent au sein de la communauté protestante selon l’appartenance sociale des individus : si une majorité de la bourgeoisie protestante et les pasteurs les plus influents41 souhaitent une république modérée suffisamment conservatrice pour réprimer les excès de violence de l’époque sans marquer le passage à un régime autoritaire, les protestants plus modestes et la majorité des pasteurs locaux affirment un attachement très vif pour une république « démocratique et sociale » plus ou moins proche des idéaux socialistes

 

[1] https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-constitutions-dans-l-histoire/constitution-de-1848-iie-republique

 

Second empire (1852-1870)

 

Eglise catholique

     Au lendemain du 2 décembre 1851 jusqu’en 1858, rares sont les catholiques qui refusent de soutenir Louis-Napoléon Bonaparte. En contrepartie du soutien catholique, il multiplie les faveurs à l’Eglise. Le courant intransigeant ou ultramontain fait montre d’une adhésion sans retenue au nouveau régime.

     L’opposition républicaine ne dissocie pas l’Eglise du régime qu’elle vise à abattre et les deux mots ” républicain ” et ” anticlérical ” se trouvent désormais accolés pour longtemps.
     Les positions de Pie IX à l’égard des idées contemporaines (Encyclique Quanta cura et Syllabus) confirment beaucoup d’esprits dans leur certitude que l’Eglise est la principale force de résistance au progrès et à la liberté.
    Le  le Second Empire tombe et la Troisième République est proclamée en France. Les batailles anticléricales de la III République se préparent.

 

Empire germanique

 

L’ Allemagne du XIXe siècle

Mise du catholicisme sous tutelle protestante

     De 1815 à 1945, le catholicisme allemand va être placé sous la tutelle des États et des villes libres protestantes. Avec la sécularisation entraînée indirectement par le Recès de 1803[1]
      les souverains vont en profiter pour faire main basse sur les biens des diocèses, des chapitres et des monastères ainsi que sur les établissements d’enseignement secondaire. Le Recès autorisait ces expropriations mais obligeait les États à prendre alors en charge l’entretien des bâtiments ecclésiastiques, les frais du culte et la rémunération des prêtres.
Cette situation entraîne la suppression de la plupart des ordres religieux : cent cinquante communautés bénédictines disparaissent ; il en est de même pour de nombreux établissement d’enseignement secondaire.
     La division des anciens diocèses entre des États différents conduit à une situation dramatique : sauf dans l’Empire français, il n’y a plus guère d’évêques en Allemagne en 1812.
Par contre, l’occupation française, les difficultés économiques et le dénuement de milliers de moines et de prêtres entraînent une renaissance de la foi dans le petit peuple catholique.

La confédération germanique de 1815

      Le « pacte fédéral » instituant la Confédération germanique en 1815 prévoit (article 16) l’égalité des droits civils et politiques aux fidèles des Églises chrétiennes ; dans le grand duché de Mecklembourg cet article ne sera appliqué qu’en 1885 sous la vive pression du Chancelier-Prince de Bismarck… Mais l’égalité entre catholiques et protestants dans les États luthériens sera théorique :

      • En Prusse où les catholiques représentent 40 % de la population, le pourcentage de catholiques Ministerial-Direktor, officiers ou professeurs titulaires de chaire ne dépasse pas 10 %.
      • Dans les universités prussiennes -sauf à Bonn, Breslau et Münster- entre 1880 et 1914 mieux vaut être juif que catholique pour obtenir une chaire.
      • Dans l’État catholique qu’est la Bavière, on garantit à l’Église les « droits et prérogatives qui lui reviennent en vertu de l’ordre divin et des dispositions canoniques » mais le roi contrôle les nominations des évêques et des curés et promulgue, après avoir signé un concordat en 1817, un édit largement inspiré par les articles organiques français.
      • On retrouve une situation analogue dans les États du Rhin supérieur – Bade, les deux Hesse, Nassau et Wurtemberg.
     Le gouvernement prussien n’est d’ailleurs pas hypocrite et déclare : « L’Église protestante doit être privilégiée mais l’Église catholique ne doit pas être défavorisée ».
     En principe, les chapitres élisent librement les évêques mais les chanoines sont en réalité désignés par le roi et le Saint-Siège incite lui-même à désigner un « candidat agréable au roi ».

     Cette mainmise des États protestants sur l’Église catholique conduit par réaction à un essor rapide de l’ultramontanisme. Une élite catholique apparaît, liée à la conversion au catholicisme d’un certain nombre de notables ou d’écrivains.

  Le catholicisme politique et social

     Méprisé par les directions luthériennes des États et par une élite protestante libérale et rationaliste, le catholicisme allemand va combattre ces tendances au plan politique et au niveau socio-économique.

Révolutionnaires triomphant sur les barricades le 18 mars 1848 à Berlin.

À la suite des mouvements révolutionnaires de 1848 et sous l’impulsion du Cercle de Mayence est alors constituée le «Pius Verein » association qui va s’engager dans le combat politique avec d’autant plus de facilité qu’il n’y a pas encore en Allemagne de parti politique et permet l’élection de cent députés catholiques sur huit cents.

Le catholicisme politique allemand est né.

     Lors des débats sur l’unité allemande, les députés catholiques sont favorables à une Grande Allemagne incluant l’Autriche et où les catholiques seraient à égalité avec les protestants. Mais le choix de l’Assemblée se porte sur la Petite Allemagne, dominée par la Prusse protestante. Les catholiques ont compris la nécessité de faire face aux autres Allemands, chez qui domine un profond ressentiment contre les tenants de l’ultramontanisme accusés de surcroît d’être rétrogrades.

      Pourtant c’est dans le monde catholique que va naître une approche solide de la question sociale. Cette attitude favorable dès 1837 tant à la condition ouvrière qu’au monde rural persistera très longtemps dans le milieu catholique. Cette position est d’autant plus compréhensible que le patronat allemand comme les grands propriétaires sont majoritairement protestants.

     Au Landtag de Prusse est apparu en 1852 une “Katholische Fraktion” qui siège au centre de l’hémicycle, entre les libéraux et le parti conservateur ; très vite ce parti s’appellera le Zentrum et gardera ce titre jusqu’en 1933. Il combat dès son origine pour la parité confessionnelle dans la fonction publique, pour un enseignement confessionnel, pour le maintien des droits et des libertés pour l’Église catholique.

Le Kulturkampf (ou « Le combat pour la civilisation »)

     La situation tendue que connaît l’Église en Allemagne est aggravée par deux maladresses du Zentrum. Celui-ci réclame en effet l’intervention du Reich afin de rendre au Saint-Siège les États qu’il a perdus en 1870 et d’obliger les États à reconnaître les droits et les libertés des Églises.

     Bismarck se sent agressé et avec ses alliés libéraux-nationaux et conservateurs, il riposte durement. Bismarck a peur d’une alliance franco-autrichienne soutenue par les catholiques du Reich et estime que les catholiques ne peuvent être de « bons Allemands tant qu’ils dépendront d’un souverain étranger » (le Pape).

   Après l’établissement du IIeme Reich [2] le 18 janvier 1871, Bismarck cherche à rompre les liens entre Rome et l’Église catholique d’Allemagne et à placer celle-ci -perçue comme une menace à l’unité nationale- sous la tutelle de l’État

      Cette loi (le Kulturkampf) établissait le mariage civil, l’interdiction des ordres religieux en Prusse et l’obligation pour les prêtres de passer un examen devant les universités d’État, ce qui était la règle depuis la Réforme pour les pasteurs.

De 1871 à 1878, le Kulturkampf va crescendoAinsi, avec le Kanzelparagraph, le « paragraphe de la chaire », voté en 1871, il est interdit aux prêtres en chaire de parler de politique sous peine d’une sanction d’emprisonnement de deux ans ferme. En 1872, les établissements jésuites sont interdits sur tout le territoire. En 1873, les « lois de mai » décident de l’affectation des ecclésiastiques. En 1875, les subventions publiques sont coupées pour les institutions qui ne se soumettent pas. Tous les ordres religieux catholiques sont expulsés d’Allemagne et leurs biens, écoles et couvents confisqués. Des prêtres réfractaires sont déchus de leur nationalité.

     La situation s’améliore car Bismarck a besoin du soutien catholique contre les socialistes ; comme le Zentrum refuse de négocier, l’accord se fait sur son dos directement entre Berlin et Rome. Léon XIII récuse les positions politiques à caractère démocratique du parti catholique. Par contre Rome avalise les positions sociales des catholiques allemands qui vont soutenir la politique bismarckienne des lois de sécurité sociale de 1883 à 1891.

Peu à peu le peuple catholique, dont la piété ne faiblit point, s’intègre dans l’Empire mais sa place dans la société demeure seconde.

 

[1] Le recès d’Empire de 1803, décision prise par la Diète d’Empire de Ratisbonne et sanctionnée par l’Empereur Napoléon Ier, entérine premièrement tous les traités signés par la France depuis 1795 ainsi que leurs clauses secrètes. Il confirme notamment l’annexion définitive de la rive gauche du Rhin. Deuxièmement, il adopte, pour les territoires perdus, le principe d’un dédommagement par une sécularisation des biens ecclésiastiques et légitime les redistributions. (https://books.openedition.org/septentrion/75591?lang=fr)
[2] Le Reich allemand est né le  par la proclamation du roi de Prusse Guillaume Ier comme empereur allemand au château de Versailles. Son ministre-président Otto von Bismarck, après l’échec du mouvement nationaliste de 1848, avait entrepris de réaliser l’unité au profit de la Prusse « par le fer et par le sang ». Sa politique a consisté à mettre fin à l’hégémonie autrichienne dans l’espace allemand par la guerre des Duchés en 1864 ; puis à assurer la domination de la Prusse par la dissolution de la Confédération germanique et la création d’une confédération de l’Allemagne du Nord après la guerre austro-prussienne de 1866 ; et enfin à rallier les États membres du Sud de l’Allemagne (Bade, Hesse, Wurtemberg, Bavière) par la guerre franco-allemande de 1870.  Juridiquement, la création du Reich se traduit par l’adhésion des États du Sud à la Confédération et par la transformation de la constitution fédérale.

 

 

l’Eglise et l’ Italie au 19°s

 

Evolution politique territoriale : le Risorgimento

Jusqu’au milieu du XIX° siècle, on pouvait considérer que, selon la définition de Metternich, l’Italie était une « expression géographique »

Le Risorgimento ou unification italienne, est la période de l’histoire de l’Italie au terme de laquelle les rois de la maison de Savoie unifient une grande partie de la région géographique italienne par l’annexion du royaume de Lombardie-Vénétie, du royaume des Deux-Siciles, du duché de Modène et Reggio, du grand-duché de Toscane, du duché de Parme et des États pontificaux au royaume de Sardaigne.

Fin des états pontificaux

     En 1815, grâce aux puissances réunies au congrès de Vienne, Pie VII rétablit les États pontificaux, qui prennent brièvement une forme républicaine en 1849.
Avignon et le Comtat Venaissin, annexés par la France en 1791 et cédés officiellement par le traité de Tolentino de 1797, restent cependant français.
     À l’issue de la deuxième guerre d’indépendance italienne en 1859, les légations [1], l’Ombrie, les Marches et la Romagne, ainsi que la délégation d’Orvieto, furent intégrées aux Provinces-Unies d’Italie centrale, État satellite du royaume de Sardaigne, laissant Rome et le Latium au souverain pontife.
Un an plus tard, en 1860, le Piémont annexe ces territoires.
     En 1870, après l’évacuation des troupes françaises, Rome est envahie et rattachée à son tour au royaume d’Italie.
Le  le Second Empire tombe et la Troisième République est proclamée en France. Ce bouleversement ouvre de fait, à l’Italie, la route de Rome.
     Le , le pape Léon XIII dissout officiellement les États pontificaux. Le pape reste désormais enfermé dans son palais apostolique.
     L’État de la Cité du Vatican sera créé le , par les accords du Latran avec Mussolini. Il est reconnu par cet ensemble de traités internationaux comme « État souverain de droit public international, distinct du Saint-Siège ».

 

[1] Les Légations étaient les noms donnés aux 5 grandes régions qui divisaient administrativement les États pontificaux entre la Restauration (1815) et la Prise de Rome (1870). 

 


 

XIX Le concile  Vatican I (1869-1870)

 

 

Contexte politique

Ce concile s’inscrit dans un contexte géopolitique très troublé, marqué sur le plan italien par le Risorgimento – (l’unification italienne[1]) et la fin des ‘États pontificaux’  et leur corollaire que l’on appellera la question romaine[2], et sur le plan international par la guerre franco-prussienne de 1870.

Le concile s’ouvre alors que, depuis 1861, le pape a perdu son pouvoir temporel sur les États pontificaux, à l’exception de la ville de Rome, protégée en 1869 par une brigade française, ce qui leur assure une relative sécurité.

     Durant l’été 1870, Napoléon III rappelle ses troupes, dans l’espoir sans doute d’obtenir l’appui de l’Italie dans la guerre qu’il vient de déclarer à l’Allemagne. Le gouvernement italien en profite immédiatement et envahit Rome le 20 septembre.
     Pie IX estime alors que la sécurité et la liberté du concile ne peuvent plus être assurées. Le 20 octobre 1870, il décide de la prorogation du concile sine die

 

Contexte religieux

Le 29 juin 1867, à l’occasion de la fête des saints Pierre et Paul, il annonce son intention de convoquer un concile. Il remet aux évêques présents un questionnaire sur l’état de l’Église.

Une des innovations les plus notables de Vatican I, par rapport aux conciles antérieurs, a été d’instituer à Rome six commissions qui ont travaillé en amont du concile pendant plus de deux ans. Ainsi, en décembre 1869, d’importantes réflexions ont déjà été menées, des projets de constitution sont déjà prêts et les pères conciliaires n’ont plus qu’à les discuter et les amender avant de les voter. Et si seules deux constitutions sont votées par l’assemblée plénière du concile, la plupart des 51 projets de décrets élaborés ont été utilisés dans les enseignements postérieurs au concile par les successeurs de Pie IX.

Le 28 juin 1868, la bulle d’indiction Æterni Patris convoque les évêques catholiques pour un concile devant se tenir à Rome dès le 8 décembre 1869. La bulle trace le programme de la future assemblée : défense de la foi contre les erreurs du temps, précédemment condamnées par le Syllabus ; mise à jour des canons du concile de Trente. Une invitation est envoyée à l’ensemble de l’épiscopat catholique et même à des dignitaires orthodoxes.

 

Le Concile

Le concile est ouvert le 8 décembre 1869. Sur les mille évêques invités, 700 sont présents.

Au début du concile, plusieurs évêques demandent l’unification des trop nombreux recueils de droit canon qui se sont développés de façon quelque peu anarchique.

     Tout de suite une majorité infaillibiliste et une minorité s’opposent, comportant toutes deux d’importants prélats.
  • La majorité comprend notamment le cardinal Bilio, et divers évêques.
  • La minorité comprend notamment les cardinaux Rauscher (Vienne), Mathieu (Besançon), Schwarzenberg (Prague) et divers évêques (beaucoup d’ allemands et français)
     Les Églises orientales catholiques sont réticentes. L’ensemble des évêques melkites, conduit par leur patriarche Grégoire II Joseph, et plusieurs évêques orientaux chaldéens (dont Joseph VI Audo) font également partie de la minorité.

Après plusieurs sessions, des travaux difficiles et des débats complexes, seules deux constitutions dogmatiques ont finalement pu être votées et ratifiées quand, le 20 septembre 1870, les troupes italiennes pénètrent dans Rome.

Les deux constitutions dogmatiques

Dei Filius

     La première, Dei Filius [3], porte sur les rapports entre foi et raison est votée à l’unanimité par les Pères conciliaires et ratifiée aussitôt par le pape le 24 avril 1870.

Pastor Æternus

     La deuxième, Pastor Æternus [4], qui devait être un traité complet sur l’Église du Christ, reste inachevée. Seule la dernière partie sur le rôle de la papauté dans l’Eglise et son dernier chapitre sur l’infaillibilité pontificale sont votés et promulgués, en juillet 1870, par le pape Pie IX. L’absence d’un texte complet a donné une place et importance disproportionnée à la question de l’infaillibilité pontificale.

Décret sur la foi

     Il est intéressant plus à cause du débat que du résultat. Il est sévèrement critiqué (Mgr Connoly de Halifax : “Si les théologiens de Trente lisaient ce schéma, ils se lèveraient dans leur tombe et diraient :Voyez comment nous l’avons fait“.
     Mgr Strossmayer de Bosnie accusa le schéma de reprocher aux protestants les erreurs du temps : “les protestants se trompent, en effet, mais ils se trompent de bonne foi” et dans sa réponse au président ajouta “De nombreux catholiques souhaitent de tout leur coeur qu’il n’y ait rien dans le décret qui soit une entrave à la grâce de Dieu en action chez les protestants” ce qui était pour l’époque pour le moins osé…
     Le schéma, critiqué et amendé (300 corrections) finit par être voté par 667 voix sur 774 [5]

Postérité des schémas préconciliaires

     Les commissions pour la discipline ecclésiastique et pour la vie religieuse travaillent dans le sens d’une simplification. Et lorsque saint Pie X décidera, en 1904, de rassembler l’ensemble des lois et décrets gouvernants l’Église pour élaborer un code universel de droit canonique, la commission chargée de ce travail reprend les projets de décrets rédigés en 1869 par Vatican I. Le Code de droit canon de saint Pie X est promulgué en 1917.

     Un autre projet de décret de Vatican I concerne l’élaboration d’un cathéchisme universel, afin d’unifier les multiples catéchismes publiés par chaque diocèse. Il a fallu, pour cette requête, attendre le catéchisme de l’Église catholique publié sous saint Jean Paul II en 1992.

     Sur la doctrine chrétienne du mariage : la commission doctrinale de Vatican I a rédigé un schéma sur le mariage, institution particulièrement attaquée à cette époque par la mise en place des unions civiles et du divorce. Léon XIII, utilise ce texte pour rédiger Arcanum divinae, première encyclique spécifiquement consacrée au mariage, publiée en 1880.

     La commission pour les missions a rédigé en 1869 un projet de constitution qui n’avait pu, lui non plus, être voté par les pères conciliaires. Le texte évoque les méthodes d’apostolat et prescrit la formation d’un clergé local. Ce schéma d’étude est repris par Benoît XV en 1919 dans sa grande encyclique missionnaire Maximum illud. Les textes préparés par Vatican I orientent et éclairent le renouveau théologique des missions. Sous Benoît XV, tout comme sous Pie IX, on insiste sur le recrutement et la formation d’un clergé local, naturellement plus à même « d’introduire la foi chez ses compatriotes » qu’un clergé étranger.

     Une autre commission de Vatican I élabore des projets concernant les questions sociales. Ils attirent l’attention sur la misère des pauvres, la condition des ouvriers, et dénoncent le désir de certains d’accumuler les richesses au mépris de toute justice et de toute honnêteté. Ils soulignent aussi les dangers du socialisme qui rejette les lois « de la charité et de la justice ».
     Ces réflexions constituent le point de départ de la fameuse encyclique Rerum novarum de Léon XIII qui expose la première doctrine sociale de l’Église en 1891.

 

Bilan et conséquences

Le monde catholique accepta dans son ensemble les décisions conciliaires. Cependant Vatican I reste comme un concile de fermeture de l’Eglise à son temps et du repli sur le pouvoir pontifical.

  • La Constitution Pastor aeternus renforce la primauté du pape en lui donnant un pouvoir plénier et universel sur toute l’Eglise, les pasteurs et les fidèles.
  • La proclamation de l’infaillibilité pontificale, même encadrée, secoue l’opinion publique. L’impact du texte ira au-delà des intentions des pères conciliaires.

Un certain nombre de fidèles et de prêtres rejettent l’infaillibilité pontificale, notamment dans les pays germaniques,  Autriche et Suisse. En Prusse, ce sera un des éléments déclancheur du Kulturkampf.

Avec le soutien des pouvoirs publics anticléricaux, des catholiques libéraux vont bientôt se regrouper.

Naissance des Églises Vieilles Catholiques

     Un groupe  se sépara de l’Église catholique romaine à cette occasion. C’est la naissance des Églises  Vieilles Catholiques [6] “modernes”

     Après l’excommunication d’Ignace von Dollinger (éminente personnalité du monde intellectuel catholique) le 17 avril 1871, les Vieux-Catholiques [7] se considèrent comme les authentiques représentants du catholicisme.

     En septembre 1871, une rencontre des Vieux-Catholiques se tient à Munich. Malgré les réticences de Dollinger, ils décident de se constituer en dénomination indépendante et d’avoir leur propre liturgie.

Naissance de l’Église Catholique-Chrétienne (église Vieille-Catholique de Suisse)

  • En 1872, alors que le concile Vatican 1 promulguait plusieurs dogmes dont celui de l’infaillibilité pontificale, un rassemblement d’environ 2500 catholiques se réunit à Olten, en Suisse,  pour fonder un nouvelle communauté et poser les premiers éléments d’une organisation ecclésiale indépendante de Rome.
  • Deux ans plus tard, toujours à Olten, le 1er synode de la nouvelle Eglise adopta sa constitution.
  • Enfin en 1876, elle nomma le premier évêque Catholique-Chrétien dans l’église Saint-Martin à Olten.

     Pie IX ayant vivement critiqué le Kulturkampf en Suisse dans l’encyclique Etsi multa luctuosa [8] du 21 novembre 1873, le Conseil fédéral rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège et, expulse le nonce apostolique.

     La Constitution fédérale fut acceptée peu après, en 1874, avec ses articles d’exception dirigés contre l’Eglise catholique.

 

Un concile incomplet [9]

     En notifiant, le 20 octobre 1870, «la suspension» du Concile «jusqu’à des temps plus propices» (Mansi, t. LUI, 155-8), Pie IX invoquait les circonstances : c’était sans doute la raison principale; la même question romaine constituera encore l’obstacle essentiel à la volonté de reprendre le Concile exprimée par Pie XI, au début de son pontificat. La reprise aurait pu laisser entendre que la “question romaine” ne se posait plus. Après les accords du Latran et les bouleversements de la seconde guerre mondiale, une autre velléité de reprise avorta, dix ans avant la fin du pontificat de Pie XII
     l’interruption purement circonstancielle du premier Concile du Vatican fait de lui, à coup sûr, un concile incomplet; la masse des schemata élaborés par les 5 commissions préparatoires et par les députations conciliaires elles- mêmes appelaient nécessairement une suite. 14 schemata complets furent distribués aux Pères et trois d’entre eux soumis à discussion. A ces 14 textes plus étendus, il importe d’ajouter un plus grand nombre de projets de décrets (la Commission politico-ecclésiastique en avait déposé 18 à elle seule) et un nombre plus important encore de postulata ou de vota émanant d’un groupe d’évêques ou adoptés par eux à la demande d’un simple religieux comme ce curieux postulat signé en juin 1870 par 69 évêques et vicaires apostoliques «en faveur des Noirs d’Afrique centrale»

Vous avez dit infaillible ?

    Pour répondre à la suppression du concordat autrichien de 1855, aux menaces qui pesaient sur celui de 1801 en France, enfin aux prodromes du Kulturkampf en Allemagne, le Saint-Siège se fit l’écho d’une lettre collective de l’épiscopat suisse d’avril 1871 réfutant l’interprétation politique que l’on faisait de l’infaillibilité pontificale. Il le fit avec solennité dans une allocution prononcée devant une délégation de l’Académie des sciences religieuses, le 20 juillet suivant.
     Il est probable que les réactions convergentes d’hostilité des chancelleries contribuèrent efficacement à la suppression des chapitres terminaux, tout comme l’opposition des évêques de la minorité obtint le resserrement de la définition de l’infaillibilité doctrinale dans des limites précises.
     Mais si les équivoques étaient résolues dans le champ interne des débats conciliaires, elles continuaient à se propager au dehors. On ne peut qu’observer cette inquiétante distorsion entre les préoccupations des théologiens romains et l’état général de l’opinion publique.
     Ainsi, l’ancien ministre des affaires étrangères de la France, le comte Daru, révéla que sa demande d’intervention avait été dictée par son souci «… de ne plus montrer l’Église s’exilant, se resserrant, s’enfermant dans des ruines. . . répétant des formules d’un autre temps qu’elle sait impuissantes dans le temps présent».

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Risorgimento
[2] La question romaine (en italien : questione romana) est une controverse politique relative au statut de Rome, siège du pouvoir temporel du pape mais aussi capitale du royaume d’Italie.
[5] JEDIN, Hubert. Brève histoire des conciles. Desclée & Co, Tournai (Belgique) 1960 pp 174-175
[7] Les Vieux-Catholiques (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_vieille-catholique) sont un groupe d’Eglises nationales qui se sont séparées de Rome à différentes époques. Le terme “vieux-catholique” se veut une référence au catholicisme originel. Les chrétiens vieux-catholiques se composent de trois sections: 
  • l’Eglise d’Utrecht, née en 1724 quand le chapitre de l’Eglise défendit son droit ancien d’élire l’archevêque d’Utrecht, en dépit de l’opposition de Rome, qui est à l’origine de l’Union d’Utrecht
  • les Eglises Vieilles-Catholiques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, qui refusèrent d’accepter les dogmes de l’infaillibilité et de la primauté universelle de juridiction du pape définis par le Concile Vatican I ,
  •  plusieurs petits groupes d’origine d’Europe de l’est (Pologne, Croatie…)
[9] GADILLE, Jacques. Vatican I, concile incomplet ?. In: Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965) Actes du colloque organisé par l’École française de Rome en collaboration avec l’Université de Lille III, l’Istituto per le scienze religiose de Bologne et le Dipartimento di studi storici del Medioevo e dell’età contemporanea de l’Università di Roma-La Sapienza (Rome 28-30 mai 1986) Rome : École Française de Rome, 1989. pp. 33-45. (Publications de l’École française de Rome, 113). En ligne:  www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1989_act_113_1_3360 .  Consulté le 02..02.2024

 

 


 

XX La rupture avec la classe ouvrière au 19°s

 

La “question ouvrière”

(Source principale: BRON Jean. Histoire du mouvement ouvrier français. Tome 1. Les éditions ouvrières, Paris 1968)

 

 

     Elle n’est pas absente des préoccupations de l’épiscopat, depuis la période révolutionnaire et tout au long du XIXeme siècle [1] mais elle se base sur une vision individualiste de la liberté issue du décret d’Allarde et de la loi Le Chapelier de 1791 [2]. Dans cette vision il existe des individus travaillant comme ouvriers dans les manufactures comme il existe des individus travaillant dans les champs, des individus artisans ou des individus chefs d’entreprise, ect…

     La religion catholique romaine s’est développée sur une base composée de paysans illettrés dont l’horizon se borne à la région immédiate, conduits par des curés peu ou mal formés (même si la mise en place de séminaires depuis  le concile de Trente rends les choses moins pires) et de petits seigneurs locaux dont la guerre a éventuellement agrandi l’horizon. 
Et puis il y a les grandes familles nobles, ou bourgeoises, souvent instruites, qui vont fournir les hautes charges auprès du souverain et le haut clergé.
     La vie de déroule au rythme des saisons et des fêtes religieuses encadrée (je dirais presque contrainte) par la morale religieuse ou la crainte de l’enfer joue un rôle majeur. Du moins jusqu’à la fin du 18eme siècle et l’avènement de l’industrie.
     En France, la révolution de 1789 va, jusqu’au concordat de 1801, éradiquer ce que le haut clergé pouvait avoir de mondain et carriériste mais aussi provoquer une déchristianisation massive (dans les villes surtout)

 

Le 19°siecle

Les deux faits majeurs vont être:
    1. l’installation de la haute bourgeoisie, financièrement et économiquement prépondérante, au pouvoir politique avec la Restauration. 
    2. la naissance du machinisme industriel, grâce à la vapeur, à partir de 1830 dans les filatures et dans la métallurgie dans le dernier quart du siècle.

     Ce développement de la machine industrielle va changer la donne sociale. La force hydraulique qui cantonne les manufactures près des cours d’eau est peu à peu supplantée par la vapeur avec comme conséquence :

    • de favoriser l’implantation industrielle près des mines de charbon et de fer pour la métallurgie, mais n’importe où pour les industries diverses.
    • de démultiplier la capacité de production.
    • de démultiplier par conséquence le besoin d’heures de travail et donc de main d’œuvre.[3]

Conditions de travail

L’espérance de vie moyenne d’un ouvrier au milieu du 19eme siècle, est de 30 ans en filature, 40 ans en métallurgie

     Au départ, la classe ouvrière est formée surtout d’individus déracinés, illettrés, sans tradition de luttes, habitués à subir les évènements avec résignation. Ce sont donc surtout les artisans et les compagnons qui constituent l’avant garde et jettent les bases du mouvement ouvrier.
En France, la suppression du délit de coalition et la reconnaissance du droit de grève n’ont lieu qu’en 1864. En 1879, au congrès de Marseille, le mouvement ouvrier définit son idéologie. des syndicats se constituent alors petit à petit. En 1884, l’existence des syndicats est reconnue par la loi (loi Waldeck-Rousseau)

Le catholicisme social

     Un « premier  “catholicisme social” a existé dès le début du 19eme siècle sans toutefois en avoir encore le nom ni former un mouvement unitaire. Il naît progressivement après une lente et double prise de conscience de la part de quelques catholiques :
    1.  la question sociale que l’industrialisation du pays va rendre de plus en plus aigüe et dramatique
    2.  le progrès, la rénovation et l’amélioration de l’humanité sont non seulement une réalité historique, mais qu’ils sont intrinsèquement liés à ce que veut la foi chrétienne.
Albert de Mun
fr Maignen

Ce courant d’idées, contemporain et rival du socialisme, culmine en 1848 avec la révolution de février, avant de marquer le pas sous le Second Empire. Sa renaissance en France est traditionnellement liée à la fondation en 1871 des « Cercles catholiques d’ouvriers » et de « l’Union des œuvres ouvrières catholiques » par Albert de Mun [4] et Maurice Maignen [5] dans le contexte de la mise en place de la Troisième république (1871)

     Cependant, si on regarde l’ensemble de l’Église dans le dernier quart du siècle, l’impression domine que la peur des révolutions violentes et une volonté plutôt restauratrice de l’ordre social,  encore conçu sur un modèle à dominante rurale, ont pour conséquence que l’alerte donnée par une première génération de socialistes chrétiens a fait long feu, les élites catholiques s’en tenant aux formes classiques de la charité, les autres étant selon le mot de René de La Tour du Pin “Un peu moins pires que nuls[6]

     Il semble que l’Église, malgré la question politique qui l’oppose aux états laïcs, fait peu à peu alliance avec la bourgeoisie dominante [7]

     Le problème est dans le but: ces intellectuels et militaires, tous issus de la bourgeoisie ou de la noblesse souhaitaient rechristianiser un “monde ouvrier” qu’il récusent en tant que classe sociale au sens marxiste du terme [8]La notion de classe sociale, que Karl Marx définira comme groupe social agissant collectivement en fonction d’intérêts commun, est non seulement exclue mais condamnée, au nom d’une vision hiérarchique de la structure de la société. (Pie X contre “Le sillon” en 1910: “le pouvoir descend d’en haut pour aller vers le bas, et non l’inverse. Il est inconcevable d’admettre que le peuple décide, car ” toute société de créatures dépendantes et inégales par nature” a besoin “d’une autorité qui dirige leur activité vers le bien commun et qui impose sa loi” [9])

     Pendant ce temps des doctrines sociales laïques vont naître qui pensent l’ouvrier dans ses interactions solidaires: St Simon, Fourrier, Godin et le familistère. Les premières associations ouvrières vont naître à travers des œuvres de secours mutuel dans les usines.

L’opium du peuple

      Les Eglises sont absentes de ces groupements mais pas de ces lieux: tous les grand patrons industriels, maîtres de forges, etc… sont chrétiens. Et ils se servent de la morale chrétienne comme arme ce contrainte :  dans ce système de dépendance qui combine assistance et soumission, le patron doit, par-dessus tout, développer le sens moral grâce à la religion. (cf. Rerum novarum).       Le système qui se développe dans l’industrie et les mines dit lutter contre l’inconduite de la classe ouvrière et la ramener vers la religion. Le patron, qui accorde des avantages (logement, coopérative etc…) s’octroie de fait un droit de regard sur la vie privée de ses salariés qui perdent tout s’ils perdent leur emploi.
     Le discours religieux est permanent. Le patron prêche la morale, le besoin de discipline, l’amour du travail bien fait, et surtout l’obéissance… La pratique de la religion catholique est quasiment obligatoire et les ouvriers sont incités à la pratiquer [10].
     Marx définit le rôle de la religion de la manière suivante : elle constitue une illusion qui incite les dominés à accepter leur sort, et donc à conforter le pouvoir des dominants.
Au lieu de considérer les injustices et les inégalités comme liées à un système social profitant aux dominants, système créé par des hommes et que par conséquent que d’autres hommes pourraient un jour changer, les défenseurs de la religion identifient ce système à l’Ordre divin.
Or la créature ne peut légitimement transformer un système établi par le Créateur.
     La religion fait en sorte que l’homme accepte sa condition et ne se révolte pas contre ses oppresseurs véritables. S’il est là où il est, c’est parce que Dieu en a disposé ainsi (le soi-disant “ordre naturel des choses” si cher à la doctrine sociale de l’Eglise).
     Marx en conclu que la religion est l’opium du peuple, c’est-à-dire une sorte de drogue, un paradis artificiel, empêchant l’individu de se retourner contre les véritables responsables de l’injustice sociale. [11]

 

    L’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII [12]

Rappel historique

     La terrible exploitation et la pauvreté des travailleurs européens et nord-américains à la fin du XIXe siècle ont incité Léon XIII à écrire Rerum Novarum . Le document s’inspire du travail de l’Union de Fribourg, un mouvement d’action sociale catholique en Allemagne, et de la demande de la hiérarchie catholique en Angleterre, en Irlande et aux États-Unis.

Vue d’ensemble

     Cette encyclique, Rerum Novarum (selon la traduction du Vatican, “des innovations”), va non seulement ébranler bon nombre de catholiques, mais surtout poser les fondements de la doctrine sociale de l’Eglise.

     Dans son introduction, le souverain pontife se montre attentif à la tension croissante qui règne dans les rapports entre patrons et ouvriers. Il ébauche des propositions pour tenter de rétablir une certaine forme d’équité entre les deux parties, en soulignant la complémentarité indissociable entre le capital et le travail.

     Léon XIII n’hésite pas à condamner le sort réservé aux ouvriers ainsi que la concentration des industries et du commerce dans les mains d’une poignée de personnes “cupides“. Il reconnaît même la nécessité pour les ouvriers de s’organiser en créant si possible des corporations, au pire des syndicats chrétiens. Pour autant, ce texte ne remet pas en cause l’existence des hiérarchies des différentes classes sociales qu’il enjoint aux ouvriers de respecter au nom d’un “état naturel” des choses supposé d’ordre divin.

     De l’autre côté, l’encyclique appelle les patrons à respecter en l’ouvrier «la dignité de l’homme» et leur demande de verser un juste salaire à leurs employés. «Ce serait un crime à crier vengeance au ciel que de frustrer quelqu’un du prix de ses labeurs.»
Elle leur rappelle enfin qu’ils ont le devoir de veiller à l’éducation spirituelle de leurs ouailles (!).

     Je ne puis que noter, à la lecture de cette encyclique, la pertinence de l’analyse de Marx, sans pour autant en tirer les mêmes conclusions que lui sur tous les plans.

La propriété privée comme base de l’ordre social 

      Rerum Novarum réaffirme son opposition aux idées socialistes et surtout à l’abolition de la propriété privée.

     L’une des avancées les plus importantes consiste dans l’idée de complémentarité du capital et du travail : Rerum Novarum se prononce clairement contre l’assimilation du travail à une marchandise, en déclarant qu’une telle vision est absolument incompatible avec la dignité humaine.

     D’un autre côté, à propos de la construction de l’État social, l’encyclique cherche surtout à se distinguer du socialisme puisqu’elle insiste plutôt sur la responsabilité des familles : les interventions de l’État doivent demeurer sporadiques et il n’y a pas de « droits sociaux ». (Et en cela l’encyclique s’éloigne de Thomas d’Aquin)

Le libéralisme chrétien” est roi. (Cela donnera plus tard en Europe les partis se réclamant de la “démocratie chrétienne.)

     L’encyclique encourage les ouvriers à quitter la pauvreté au moyen d’une épargne personnelle : « Si donc, en réduisant ses dépenses, il est arrivé à faire quelques épargnes et si, pour s’en assurer la conservation, il les a par exemple réalisées dans un champ, ce champ n’est assurément que du salaire transformé. Le fonds acquis ainsi sera la propriété de l’ouvrier, au même titre que la rémunération même de son travail. Or, il est évident qu’en cela consiste précisément le droit de propriété mobilière et immobilière. »
     C’est faire preuve d’une méconnaissance totale de la réalité prolétarienne [13] des ouvriers en usine.

     Cette question de la propriété privée comme base de l’ordre social est sans doute une des grandes faiblesses de “Rerum Novarum”, avec l’incapacité des hiérarques du Vatican de penser la société autrement que selon le modèle passé amendé, et surtout l’impossibilité de conceptualiser la propriété sociale [14]. D’ailleurs, à la fin de l’encyclique, Léon XIII passe en revue les structures possibles d’associations ouvrières chrétiennes. S’il n’exclut pas le syndicat ouvrier, il semble préférer si possible les corporations telles qu’elles existaient avant 1791 en France et, plus tard encore en Europe.

 

Un ratage type: Marc Sangnier et “le Sillon”

Il y a dans la doctrine sociale de l’Eglise Catholique qui se met en place (et qui dure toujours [15]) un coté irréaliste basé sur une vision irénique des rapports sociaux. Un exemple caractéristique est le conflit avec Marc Sangnier et “le Sillon” au début du 20°s 

Le Sillon était un mouvement politique et idéologique français fondé en 1898 par Marc Sangnier (1873-1950). Il vise à rapprocher le catholicisme de la République, en s’offrant aux ouvriers comme remplacement aux mouvements de la gauche anticléricale et matérialiste.

« Le Sillon a pour but de réaliser en France la république démocratique. Ce n’est donc pas un mouvement catholique, en ce sens que ce n’est pas une œuvre dont le but particulier est de se mettre à la disposition des évêques et des curés pour les aider dans leur ministère propre. Le Sillon est donc un mouvement laïque, ce qui n’empêche pas qu’il soit aussi un mouvement profondément religieux. » (Marc Sangnier, article dans La Croix, 1905)

Le Sillon fédère puis intègre en 1905 les nombreux « cercles d’études catholiques », où jeunes et prêtres discutent de religion, de société. L’ambiance est nouvelle : la vérité ne tombe pas du haut, de l’institution, c’est l’échange qui prime. Le mouvement rassemble jusqu’à 25 000 personnes. À cette époque, le Sillon bénéficie de l’appui du pape Pie X et de l’épiscopat français.

Cependant trop moderniste et républicain par rapport au reste de l’Église traumatisée en 1905 par la loi de séparation de l’Église et de l’État, le mouvement est de plus en plus critiqué, notamment parce qu’il affirme l’autorité des chrétiens sur l’Église face à celle du pape et des évêques.

Le Sillon est finalement condamné par la lettre pontificale du  Notre charge apostolique [9] et, accusé de « modernisme social».

 

Bilan

Alors que les catholiques sociaux étaient méprisés et combattus par une hiérarchie épiscopale complice d’un patronat libéral hostile à toute forme d’encadrement de la liberté économique et d’organisation ouvrière, la fin du kulturkampf en Allemagne libère la parole.

     Mgr von Ketteler, évêque de Mayence appelle au rôle régulateur de l’état et souhaite la création d’organisations ouvrières ayant accès à la propriété des moyens de production. Il sera une cheville ouvrière de la création du zentrum et sera l’inspirateur des français de Mun, Maignen et La Tour du Pin [16]

 

     Rerum Novarum va poser un constat lucide, un état des lieux, courageux pour l’époque, des relations sociales. Les remèdes proposés ne sont pas à la hauteur. Quand Léon XIII publie  son encyclique ça fait 26 ans que l’internationale socialiste est créée, 24 ans que Karl Marx a publié “Das Kapital” On ne peut pas dire que ce soit une réaction “à chaud”
     Malgré ses limites, Rerum Novarum va déclencher la création de quantité de partis ou mouvements qui prennent le titre de démocratie chrétienne.  L’entourage de Léon XIII le presse tant que ce vieux pape de 91 ans finit par publier le 18 janvier 1901 l’encyclique “Graves de communi re” [17] qui est un rétropédalage en bonne et due forme concernant l’aspect le plus politique de Rerum Novarum et annonce la crise moderniste à venir.

 

     La classe ouvrière va déserter en masse les Eglises. La troisième république, en France sera Radicale-Socialiste et les loi de 1905 ne rencontrerons que peu d’opposition dans le monde ouvrier. Certains catholiques et protestants vont tenter de reconquérir, au 20°siècle, un monde ouvrier en grande partie déchristianisé. Après la fin de la Première Guerre mondiale, des organisations chrétiennes, surtout catholiques, la CFTC, la JOC, l’ACO, les missions ouvrières, les prêtres ouvriers, etc., se donnerons cette mission, tout en étant souvent étroitement surveillés par l’Église et, pour certains d’entre eux, arrêtés dans le travail entrepris.

 

    La France, pays de Mission ? publié en 1943 fera le constat de cet incapacité culturelle fondamentale de la part de l’Eglise Catholique de comprendre et accepter uns classe ouvrière qui réagit selon ses propres orientations.

 

 

[1] Le cardinal de Bonnald archevêque de Lyon en 1796 dénonce “la cupidité, le culte de l’or, substitués à l’altruisme chrétien, et seuls moteurs de l’économie capitaliste”  in: R. P. DROULERS, Paul, and BONNET-LABORDERIE, Ph. Catholicisme et Mouvement Ouvrier en France au XIXe Siècle. L’attitude de l’Episcopat. Revue Le Mouvement Social, no. 57, 1966, pp. 15-46. in: JSTOR, https://doi.org/10.2307/3777121. Consulté le 02..02.2024.
[2] Le décret d’Allarde  et la loi Le Chapelier interdisent, au nom de la liberté individuelle, les corporations et groupement professionnels de toutes sortes: https://institutions-professionnelles.fr/reperes/documents/119-1791-la-loi-le-chapelier-interdit-les-corporations 
[3] Dr. VILERME Louis-René . Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. Textes choisis et présentés par Yves TYL. Paris : Union générale d’Éditions, 1971, 316 pp. Collection : 10-18, n° 582. https://lafibre.info/images/doc/184001_villerme_tableau_etat_des_ouvriers.pdf
La durée de la journée de travail est de 14 à 15h la ou il y a de la lumière artificielle, 8 à 12 h à la lumière du jour…a quoi s’ajoute le trajet à pied vers le lieu de travail en moyenne de une à deux heures. Les enfants travaillant dans les manufactures, usines, ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, ne pouvaient être embauchés avant 8 ans. La durée du temps de travail ne pouvait excéder 8 heures sur les 24 entre 8 et 12 ans. Mais elle reste de 12 à 16 heures par jour pour les enfants de 12 à 16 ans, dans les entreprises occupant plus de vingt ouvriers. Ce qui exclu les ouvriers qui travaillent chez eux à façon et qui peuvent être mis “sur le métier” dès cinq ans (Tisserands à Lille).
[4] Adrien Albert Marie, comte de Mun : https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_de_Mun
[5] Jules Charles Maurice Maignen : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Maignen 
[6] Pour La Tour du Pin, les prélats étaient incapables de proposer des remèdes aux maux sociaux, et il porta ce jugement sévère sur les catholiques français : « La plupart sont un peu moins pires que nuls vis-à-vis de la question sociale ». https://maitron.fr/spip.php?article82173, notice LA TOUR DU PIN CHAMBLY René [LA TOUR DU PIN CHAMBLY (René, Charles, Humbert, comte de), marquis de LA CHARCE, appelé habituellement LA TOUR DU PIN] par André Caudron, version mise en ligne le 30 mars 2010, consulté le 09/02/2024
[8] Selon Marx, une classe sociale est un groupement d’individus occupant la même place dans le mode de production. Cette place est définie essentiellement par la possession ou la non possession des moyens de production. Placés dans les mêmes conditions matérielles d’existence, les membres d’une classe développent une conscience de classe qui débouche sur la lutte des classes Marx distingue alors : les classes en soi: celle qui existent de fait, mais sans que ses membres en aient conscience ; les classes pour soi: classe dont les membres ont conscience de former une classe et sont amenés à lutter contre les autres classes. C’est la conscience de classe qui va pousser la classe ouvrière à s’organiser et à lutter contre la bourgeoisie pour prendre le pouvoir politique. (http://www.la-revanche-des-ses.fr/Docsdossier9.pdf
[10] On sait qu’au Creusot, Madame Schneider offrait 100 kg de pommes de terre, la moitié d’un porc et la somme de 100 F à chaque ouvrier qui se convertissait à la religion catholique.( https://www.lamarseillaise.fr/culture/le-paternalisme-industriel-PFLM042915 )
[11] “La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple.”(MARX Karl. Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel. Introduction 1943 in: https://www.marxists.org/francais/marx/works/1843/00/km18430000.htm 
[14] ASTIER Isabelle, DISSELKAMP Annette, « Pauvreté et propriété privée dans l’encyclique Rerum novarum » Chap. 4, Cahiers d’économie Politique, 2010/2 (n° 59), p. 205-224. DOI : 10.3917/cep.059.0205.  en ligne : https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2010-2-page-205.htm Consulté le 09/02/2024
[15] Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise Catholique :
[16] TINCQ Henri. Ces Papes qui ont fait l’histoire. Ed. Perrin Paris 2007. Coll. Tempus pp 114 à 120

 

 


 

XXI 19eme siècle. Les débuts de l’œcuménisme

 

Les jardins de Madère

le petit commencement de l’engagement œcuménique de quelques catholiques à l’époque contemporaine en décembre 1889, se situe dans un jardin, à Funchal, dans l’île de Madère au large du Portugal. Deux hommes marchent côte à côte en s’entretenant.

     Le plus jeune s’appelle Fernand Portal, il a 34 ans [1]. Il est français, cévenol, fils de cordonnier. Il est entré à 19 ans chez les Lazaristes pour être missionnaire. l a été ordonné prêtre en 1880.

Il croyait qu’on allait l’envoyer en Chine. Mais sa santé qui est fragilisée depuis 1878 par une infection pulmonaire l’oblige à renoncer à cette voie. Après une dizaine d’années de professorat dans divers grands séminaires méridionaux à Tours, à Oran, à Lisbonne, à Nice et à Cahors, des hémoptysies l’obligent à un séjour au soleil.

     Cette année-là 1889, il a été envoyé à Madère pour remplacer l’aumônier de l’Hospice Marie-Amélie. Il s’embête ferme.

      L’autre homme, un peu plus âgé (50 ans), qui marche à côté de lui, s’appelle Charles Lindley Wood, plus connu sous son titre de Lord Halifax [2]. Il séjourne à Madère pour soigner son fils Charles, tuberculeux.

     Ce lord anglais et anglican, est un personnage passionnant, d’une famille tout à fait considérable : il a étudié au collège d’Eton puis à l’université d’Oxford et se prépare à embrasser la carrière publique, quand il est saisi par le réveil religieux qui agite son université et l’Église d’Angleterre à l’époque.
     Compagnon du futur Édouard VII, il consacre sa vie à la promotion du réveil anglo-catholique dans l’Église d’Angleterre et à l’union des Églises et, dès 1867, il occupe la présidence du groupe d’études anglo-catholiques de l’English Church Union à la tête duquel il reste longtemps. C’est un mouvement dans la ligne du Mouvement d’Oxford, qui se propose de ramener l’Eglise d’Angleterre à son identité catholique (pas “romaine”) par un renouveau théologique et liturgique, (et dont un des plus éminent membre est John Henry Newman (1801-1890) qui se convertit au catholicisme en 1845 et sera créé cardinal.)

 

La rencontre entre les deux hommes, ce prêtre lazariste intelligent et ouvert pour son temps, grand lecteur de Newman et de Mohler et puis ce laïc anglican si proche du catholicisme, va faire merveille. Les deux hommes, passionnés d’histoire des dogmes et sensibles à la division des églises, entament une grande amitié – qui va durer près de 40 ans.

Jardins de l’Hospice Marie-Amélie

Ces conversations privées de Madère ont fait naître, surtout chez Portal pour qui elles sont un déclic, un désir d’œuvrer à l’union des deux églises. En 1890, Portal a proposé à Lord Halifax de se convertir au catholicisme, mais devant le refus très net de l’anglais, il a compris que l’entreprise à mener, bien plus intéressante, était de nouer un dialogue, sur un pied d’égalité, entre l’Eglise romaine et la Communion anglicane.

Il y a la conduite providentielle de Dieu, mais il y a aussi un aspect qui touche à celui auquel je veux m’attacher ; la rencontre est rencontre d’un autre. Celle de Halifax par Portal a été celle d’un autre monde spirituel, le monde de l’anglo-catholicisme. L’Église […] ne reconnaissait les autres que comme extérieurs à la cité de la vérité, comme adversaires à réfuter et à combattre. Le Père Portal […] s’est vu ouvrir […] l’accès à un autre monde spirituel. Assez « autre » pour ne pas être réduit à l’identique, assez homogène et conforme pour qu’on pût parler d’union. Avec ces deux traits, on a déjà la logique de « l’Église anglicane unie, non absorbée… Portal doit à l’amitié d’Halifax d’avoir compris des choses qu’aucun livre ne peut apporter “.[3]  

 

Sur la validité des ordinations anglicanes

 

     Fernand Portal œuvre dès lors avec son ami lord Halifax à cette idée de réunion des Églises et obtient l’approbation personnelle du pape Léon XIII pour prendre contact avec des personnalités de l’Église anglicane. Pour provoquer une rencontre entre catholiques et anglicans, il lance un débat sur la validité des ordinations anglicanes qui semblait être un terrain possible d’entente. Fernand Portal présente en guise d’amorce au débat théologique une petite brochure intitulée Les ordinations anglicanes en décembre 1893 à laquelle répond un opus rédigé par des théologiens anglicans sous l’impulsion d’Halifax.
     En fait, Portal est assez réaliste, il croit moins à une union des deux églises qu’à un débat fraternel entre elles, en quoi peut-être consiste l’œcuménisme. Il a écrit ceci : “Ma pensée, c’est qu’il faut opérer un rapprochement, nous mettre en contact pour nous connaître, et le jour où nous serons amis, où nous nous aimerons, nous pourrons parler de choses théologiques”[4].

La publication de ces brochures suscite de vives réactions et pour la première fois, la presse se faisait l’écho d’un débat œcuménique. Léon XIII réunit alors une commission pontificale chargée d’étudier de façon plus approfondie les ordres anglicans, comptant parmi ses membres des personnalités qui deviendront acteurs dans la crise moderniste tel Mgr Merry del Val ou le Père Duchesne.

Côté Portal et Halifax, on espère beaucoup[5]. On a tord.

     La commission a conclu, pour les ordinations de l’Eglise d’Angleterre, à un défaut de forme et d’intention.

     La décision pontificale est brutale et, par la publication de la bulle Apostolicae Curae [6] du 18 septembre 1896, elle déclare : “De notre propre mouvement et de science certaine, nous prononçons et déclarons que les ordinations conférées selon le rite anglican ont été et sont absolument vaines et entièrement nulles…”

     Une déclaration un peu raide, mais en réalité une position « tutioriste », c’est-à-dire plus tranchée que nécessaire peut-être, mais par précaution, pour éviter de déclarer valides des ordres qui ne le seraient finalement pas. 

 

     Du côté de Portal, cependant, positif et optimiste, la réaction est courageuse : « L’avenir est aux pacifiques, écrit-il à son ami anglais, ce que vous avez fait, vous et les vôtres, pour la réunion de la chrétienté, sera l’éternelle gloire de l’Eglise anglicane. »

 

Raidissement catholique

 

     Ia revue Anglo-romaine est interdite. Portal doit partir pour le grand séminaire de Châlons-sur-Marne sur ordre de son supérieur général.

Rappelé à Paris pour diriger le nouveau Séminaire universitaire Saint-Vincent-de-Paul, il fait de l’endroit un lieu d’ouverture et d’échanges, n’hésitant pas à inviter des anglicans, des protestants ou des incroyants. Il fonde alors une nouvelle revue, la Revue catholique des Églises, pour faire connaître les travaux de son cercle d’études et qui compte d’éminents collaborateurs. Il fonde également l’association des Dames de l’Union, sans vœux et sans costume particulier, dont la vocation est de se consacrer aux enfants et aux pauvres et dont il veut faire les « messagères de l’Unité par la Charité ».

Il se retrouve alors à nouveau, en 1908, sous les foudres du Vatican à travers le cardinal Merry del Val devenu entre-temps secrétaire d’État du pape Pie X, qui ordonne que le père Fernand Portal, soupçonné de modernisme, soit démis de ses fonctions avec interdiction définitive de publier et de parler en public.

Fernand Portal doit abandonner son poste de supérieur et cesser la parution de sa revue. Ce qui n’empêchera pas M. Portal, bientôt officieux aumônier des étudiants normaliens à Paris, d’engendrer quantité de vocations œcuménistes, Antoine Martel, Jean Guitton, Pierre Pascal, Yves Congar etc. et de frayer avec tout le monde, de Clémenceau à Teilhard de Chardin.

 

[2] Lord Halifax (1839-1934) est une figure étonnante. Son amitié avec le prince de Galles (futur Edouard VII) aurait dû l’entraîner dans la carrière politique. Mais il s’est voué toute sa vie à l’Eglise anglicane. Il a été, à la demande de Pusey, président de l’English Church Union (de 1867 à sa mort). Cette Union avait été fondée en 1844 pour défendre les intérêts de l’Eglise anglicane conçus dans le sens tractarien. Elle fusionnera, juste avant la mort de Lord Halifax, avec l’Anglo-catholic Congress. L’ecclésiologie « catholique » de l’E.C.U. n’admettait pas cependant la primauté et l’infaillibilité, même si Lord Halifax, à titre personnel, admettait la primauté romaine divina providentia, c’est-à-dire comme une réalité historique providentielle, mais non pas ex jure divino. V. l’article de Catholicisme, tome V (1962) signé… d’Y. Congar ! (JACQUEMET Gabriel , Directeur de publication. Catholisicme T5. Ed. Letouzey et Ané Paris, 1962)
[3] Yves Congar, Revue Unité des Chrétiens n°22, p. 4
[4] Cité par Jean Calvet, Mes souvenirs sur Monsieur Portal, dans R. Ladous, op. cit. p. 93.
[5] Il est évident que la promulgation par Léon XIII le 29 juin de cette année 1896 de l’encyclique Satis cognitum sur l’unité de l’Eglise, qui parle non pas d’union des églises mais exclusivement de « ramener les brebis égarées au bercail » ne devait tout de même pas laisser beaucoup d’espoir sur l’issue des travaux.

 

 


 

XXII La fin du 19eme  siècle. 

 

Eglise catholique

 

Le raidissement de Léon XIII a plusieurs causes :

    • l’ échec d’une politique de conciliation avec la république française (Deux décrets du 29 mars 1880 disposent que la Compagnie de Jésus, doit être dissoute dans les trois mois et que les autres congrégations auraient trois mois pour déposer une demande d’autorisation sous peine de dissolution[1]) remise en cause du concordat de 1801 etc…
    • la liberté d’interprétation dans les études bibliques : ça avait plutôt bien commencé (ouverture du fond des archives vaticanes) en 1893, encyclique Providentissimus deus[2] en 1997, mais pressé par les conservateurs de la curie il fait machine arrière en 1899 : «Nous avons donnés dans Notre Encyclique Providentissimus Deus, dont nous désirons que les professeurs donnent connaissance à leurs disciples, en y ajoutant les explications nécessaires. Ils les mettront spécialement en garde contre des tendances inquiétantes qui cherchent à s’introduire dans l’interprétation de la Bible, et qui, si elles venaient à prévaloir, ne tarderaient pas à en ruiner l’inspiration et le caractère surnaturels[3] ».

et des conséquences qui vont se développer sous Pie X :

    • Sur le dialogue avec les autres Eglises en 1896 : Apostolicae Curae sur la nullité des ordinations anglicanes
    • Sur la censure des livres en 1897 : Officiorum ac munerum

Léon XIII s’éteint en 1903, pasteur estimé d’une Eglise qui se recroqueville sur elle-même au niveau dogmatique, exégétique, théologique ; dont le dialogue avec la société civile se tend en Italie, en France, et en Europe en général, excepté avec l’Allemagne du puissant parti Zentrum et auprès de la monarchie Austro-Hongroise.

 

 

Communion anglicane

Création de l’Armée du salut en 1878 en Angleterre

     Elle naît en pleine révolution industrielle, à la fin du 19eme siècle, par le pasteur méthodiste[4]   anglais William Booth, scandalisé par le spectacle des foules ouvrières qui s’entassent dans les quartiers pauvres de l’Est londonien.

     Pour lui, le changement s’opère en chaque individu. Le progrès social, politique et économique doit découler d’une profonde transformation intérieure de l’homme, réconcilié avec lui-même par la puissance de l’Évangile.
     William Booth estime par ailleurs qu’avant de parler à quelqu’un de religion, il faut lui proposer des conditions de vie décentes, d’où l’investissement social du mouvement salutiste, et sa devise aux trois S, « soupe, savon, salut ».
     Depuis 1891, durant le mois de décembre, l’Armée du salut organise une collecte de fonds dans la rue, les Marmites de Noël