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Audition des représentants du CNEF par l’Observatoire de la laïcité
Paris, le mardi 12 avril 2016
C’est avec reconnaissance et intérêt que je participe à cette troisième audition en qualité de représentant du Conseil national des évangéliques de France. Puisque nous commençons à nous connaitre un peu mieux, je vous ferai grâce de la présentation des protestants évangéliques et du rappel de leur attachement, dès le XVIe siècle, à là séparation entre l’Église et l’Etat.
Je voudrais par contre revenir sur le contexte global dans lequel s’inscrit cette audition et qui ne s’est guère améliorée depuis un an. Je veux parler des crispations gouvernementales et des approximations médiatiques autour des questions religieuses dans le climat de tension entretenu par les attentats qui se multiplient en Europe et sur d’autres continents. Je partage volontiers l’analyse du sociologue Jean Baubérot qui explique qu’il y a toujours eu, à gauche, opposition entre deux traditions laïques, l’une libérale incarnée par Aristide Briand et George Clémenceau et l’autre gallicane avec le petit Père Combes. Et il ajoute que, si la première à triomphe juridiquement en 1905, elle ne l’a pas emportée idéologiquement comme en témoigne les querelles d’aujourd’hui 1.
Sans revenir sur l’inutile et injuste polémique créé par le Premier Ministre sur l’observatoire auquel vous participez, il me semble assez évident que, dans son face-à-face avec l’Islam, le gouvernement français cède à une tentation gallicane : façonner de diverses manières un Islam français qui ferait pièce aux Islams algérien, marocain… Sans vouloir minimiser la complexité de la tâche de nos gouvernants, je me demande si c’est bien là meilleure voie à suivre. Voici quelques-unes des questions que nous nous posons en tant que protestants évangéliques :
- Le souci, au demeurant légitime, de garantir la sécurité des citoyens et de maintenir l’ordre public n’est-il pas en train de se transformer en volonté de régenter le religieux, son expression, son organisation, voire son corpus de croyances ? Ainsi, il nous parait curieux, pour ne pas dire choquant, que le président de notre République laïque se prononce publiquement sur ce qu’est le bon Islam et que le Premier Ministre se croit autorisée à dire à l’évêque de Lyon qu’il doit prendre ses responsabilités. Comprenez-moi bien, je réprouve là pédophilie et trouve particulièrement scandaleux que des prêtres ou des instituteurs s’adonnent à cette pratique avec les enfants qui leur sont confiés, mais il me semble précipité et déplacé de conclure à là complicité objective de leur hiérarchie. Seule là justice pourra établir les responsabilités aussi bien dans l’Église catholique que dans l’Education Nationale.
- Cette volonté de façonner un Islam à la française et de le faire passer sous les fourches caudines d’un pacte laïque dont les contours varient selon les interlocuteurs n’est-il pas problématique ? Nous répondons par l’affirmative et faisant valoir deux choses. Elle remet d’abord fondamentalement en cause l’esprit de la loi 1905 avant tout libérale dans son esprit. L’Etat à vocation à garantir là liberté de culte dans le respect de l’ordre public, non à dé finir le culte et ses contours. Faut-il rappeler qu’il à fallu plusieurs siècles au christianisme, et l’impact de plusieurs mouvements réformateurs, pour trouver une relation apaisée e avec l’Etat ? Elle use ensuite d’outils qui nous paraissent inadéquats. Si je reviens au christianisme, l’essentiel de son évolution s’est fait malgré l’Etat, non avec son concours. Et même l’adoption de la loi 1905 est due pour une part non négligeable aux chrétiens, quand bien même il ne s’agissait pas d’abord de chrétiens catholiques. En effet, les esprits brillants et militants qui ont prônée là séparation des Églises et de l’Etat n’étaient pas seulement athée es ou agnostiques, ils étaient aussi reformés et évangéliques. Il nous parait donc vain de vouloir susciter une réforme de l’Islam de l’extérieur, sauf à le fracturer un peu plus et à dresser, par là multiplication des interdits vestimentaires et alimentaires (interdits de l’interdit !), les français les uns contre les autres. Qui peut croire qu’il suffira de ré lamenter les menus servis dans nos cantines, d’ergoter sur la longueur des jupes de certaines adolescentes dans nos collèges et lycée es ou d’interdire le port du voile à des mamans qui accompagnent les sorties d’élevés pour sortir l’Islam de ses enfermements ? Ce que nous observons sur le terrain, c’est que toutes ces mesures font le « bonheur » de l’enseignement privé, tendent à renforcer le repli sur soi des communautés musulmanes et nourrissent les discours de haine de ceux qui, parmi eux, veulent abattre nos démocraties.
- Enfin, troisième question, qui dit qu’au lieu de façonner l’Islam à la française nous ne sommes pas en train d’inventer une laïcité façonnée par l’Islam et donc de remettre en cause l’expression du pluralisme religieux qui est une richesse de notre société ? D’ailleurs, si je parle autant de l’Islam en tant que protestant évangélique, c’est bien parce que ce qui le concerne finit toujours par modifier les relations que les autres religions entretiennent avec l’Etat et avec les collectivités territoriales. J’en veux pour preuve deux exemples. Le premier ne nous concerne pas, mais illustre bien là difficulté. Depuis que nous règlementons le port des signes religieux dans le seul but de limiter le port du voile chez celles qui se réclament de l’Islam, ce sont les juifs avec leur kippa qui sont ennuyés. En effet, comment en République permettre aux uns ce qui est interdit aux autres ? Et voici le modus vivendi avec une communauté religieuse importante de la nation brutalement remis en cause. Le second nous concerne directement, c’est l’utilisation de locaux privée s ou publics pour nos manifestations. Combien de fois nos pasteurs et responsables d’œuvres diverses se voient opposer un refus à leur demande de location pour une fête de Noel, un concert, un congrès… au motif qu’il s’agit d’un évènement religieux. Ce qui n’est jamais écrit, mais qui est souvent exprimée oralement, c’est que si l’on accepte pour les évangéliques il faudra aussi louer aux musulmans…
Quelques situations particulières qui nous préoccupent:
Une fois ces considérations générales énoncées, j’aimerais maintenant égrener quelques situations particulières qui nous préoccupent et qui sont en lien avec ce que je viens d’exprimer.
Liberté d’expression et de réunion des étudiants
Le 15 décembre 2015, l’Observatoire de la laïcité publiait un avis sur la laïcité et la gestion du fait religieux dans les établissements de l’enseignement supérieur public. Pour faire écho au point 2.g de l’avis “Les mises à disposition de locaux”, le CNÉF signale là persistance de certains obstacles à là liberté d’expression et de réunion des étudiants et associations d’étudiants chrétiens évangéliques, s’agissant du refus de l’attribution de locaux universitaires pour des débats publics et pluralistes.
A titre d’exemple, le Forum Veritas, débat public invitant deux personnalités publiques à s’exprimer sur un sujet d’actualité , organisé sous l’égide des Groupes Bibliques Universitaires, à été refusé dans les universités suivantes : en mars 2015, à Grenoble, au motif que l’événement avait un caractère religieux ; en novembre 2015, par Centrale Supélec pour motif de prosélytisme. Le Forum Veritas à cependant –pour être complet – été acceptées dans les universités de Clermont-Ferrand en novembre 2015 et de Strasbourg en mars 2016. Cet évènement est prévu en avril 2016 en collaboration avec l’association Coexister à l’université de Sciences-Po de Bordeaux puis en mai 2016 à l’université de Lyon.
Nous précisons que ces étudiants et associations n’entendent pas organiser d’activités cultuelles au sein de l’université mais souhaitent mettre en place des débàts et discussions sur des themes d’àctuàlité àu cours desquels l’expression de toutes opinions est permise, que ces opinions soient politiques, éthiques, philosophiques ou religieuses.
Nous constàtons àinsi, d’une pàrt que plusieurs refus sont injustifieés et ont reposeés sur une màuvàise compréhension de là laïcité par les instances universitaires et d’autre part, que là diversité des décisions prises par les universités en là matière laisse les étudiants et les associations dans une relative insécurité juridique. Enfin, nous nous interrogeons sur l’égalité de traitement entre les étudiants ou les associations d’étudiants, quelles que soient leurs convictions ou opinions, dans là procédure d’octroi des locaux universitaires, pour des événements tels que des débats, conférences, événements artistiques… activités non cultuelles, bien entendu 2.
Rappelons que l’enseignement supérieur public doit respecter la diversité des opinions et là liberté d’expression et de réunion des étudiants. S’il n’y a pas de droit à disposer d’un local universitaire, le refus doit être justifiée par un motif légitime et traitée dans l’égalité.
Aussi, nous nous accordons tout à fait avec là mise en place de convention d’occupation des locaux universitaires et souhaitons que la liberté des étudiants, de toutes convictions ou opinions, puissent être respectées avec soin.
Liberté de culte, laïcité et formation des ministres du culte
Le CNÉF s’interroge sur là portée exacte des formations universitaires rendues obligatoires pour les Imams en provenance d’Algérie selon un accord signé avec ce pays le 8 octobre 2015 3. Accord qui pourrait s’étendre aux Imams en provenance de Turquie et du Maroc selon le Ministre de l’Intérieur. Et qui devrait s’étendre, selon nos informations, à l’ensemble des aumôniers de toute obédience des lors qu’ils travaillent dans le cadre d’un service public. Si nous comprenons bien l’enjeu de la compréhension du cadre juridique français, nous voudrions faire valoir les choses suivantes :
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- Imposer, même pour de louables motifs, un contenu spécifique de formation aux ministres du culte, c’est de fait remettre en cause la liberté d’organisation du culte et donc du choix de la formation des ministres du culte. Ne vaudrait-il pas mieux entrer en discussion avec les organes de représentation des cultes et/ou les lieux de formation des ministres du culte pour encourager la prise en compte de la laïcité comme un élément indispensable de la formation des dits ministres ? C’est en tout cas ce que font déjà les chrétiens des diverses confessions dans leurs divers lieux de formation. Et c’est ce à quoi travaille le CNÉF en publiant des livrets pédagogiques sur la liberté d’expression à l’école, au travail, à l’université, dans l’espace public et dans l’Église.
2) À ce titre, le CNÉF s’inquiète de certaines positions prises dans le guide de la Conférence des Présidents d’Universités, publiée en septembre 2015 et intitulée “Laïcité dans l’enseignement supérieur”, (notamment en p. 30 et 31) et de leurs possibles impacts sur les demandes des étudiants ou associations d’étudiants, qui seraient supposées, à tort, être des “associations de couverture”. Et c’est aussi là raison pour laquelle il dispose d’un service juridique qui aide les communautés et leurs responsables à comprendre les textes de loi et là réglementation.
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- Imposer de fait, pour cause d’égalité entre les religions, les mêmes exigences aux ministres des autres cultes, ne serait-ce qu’au niveau des aumôneries, c’est aussi s’immiscer dans leur formation. Si je m’en tiens aux pasteurs évangéliques, un sujet que je connais bien pour être moi-même professeur de théologie dans un Institut Biblique (le baccalauréat n’y est pas un pré requis), tous ne bénéficient pas d’une formation de niveau universitaire. Ils n’en sont pas pour autant de mauvais pasteurs ou de mauvais citoyens. Ce qu’il faut comprendre, c’est que plus que le niveau d’étude, c’est là réalité et la solidité de la conversion puis de la vocation qui priment chez les protestants évangéliques. Faudra-t-il donc à terme que tous nos pasteurs aient une formation de niveau universitaire pour pouvoir suivre le diplôme universitaire sur la laïcité imaginée par l’Etat ?
- Enfin imposer aux aumôniers ce type de formation, c’est aussi renforcer une certaine dénaturation de leur ministère. Ne deviendront-ils pas à terme plus des apôtres de la laïcité que des ministres du culte dont la vocation est d’abord de permettre aux soldats, aux prisonniers ou aux patients d’exercer leur culte en toute liberté dans les lieux de leur se jour ou de leur service ? Bien avant que cette idée de formation ne prenne forme, nous avions déjà à rappeler aux administrations et aux ministres du culte eux-mêmes que l’aumônerie ne consiste pas à soutenir les troupes dans leur métier ou à s’imposer un devoir réserve équivalent à celui du personnel hospitalier, mais à répondre aux demandes religieuses et spirituelles qui sont exprimées.
Loi El Khomri sur le travail et la liberté de religion au travail
Le projet de loi Él Khomri suscite bien des polémiques et nul ne saurait dire s’il sera adoptée et ce qu’il en restera. Je voudrais néanmoins en dire quelques mots à propos d’un article aujourd’hui retirée mais qui illustre bien ce qui nous préoccupe : là laïcité s’introduit à tort dans le discours politique pour faire entrer une obligation à là neutralité , pesant juridiquement sur l’Etat et ses agents, dans là sphère des relations privées. Cette ligne est infondée en droit et instrumentalisée au niveau politique.
Ainsi de l’article 1, A 6 qui précisait dans là version encore en discussion le 24 mars 2016 : “6° Là liberté du salariée de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaitre de restrictions que si elles sont justifiée es par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessitée s du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherchée” ; (http://www.àssemblee-nàtionàle.fr/14/projets/pl3600.àsp)
S’il avait l’intérêt d’évoquer explicitement les convictions religieuses, n’en faisant ainsi plus un tabou dans l’entreprise, et affirmant une fois pour toute que la liberté de manifester sa conviction religieuse fait bien partie des libertés fondamentales garanties aux salariés, il présentait aussi plusieurs points de recul ou d’insécurité pour la liberté de religion du salarié , s’agissant notamment de la place accordée au “bon fonctionnement de l’entreprise”.
Tout d’abord, bien qu’il s’inspire de l’article 9 de la CÉSDH, le principe semble réducteur puisqu’il établit le bon fonctionnement de l’entreprise d’emblée comme une limite prévue par là loi et nécessaire. Or le bon fonctionnement de l’entreprise est une notion relativement subjective (est-ce seulement là réalité économique ou aussi le bien être des salariés au travail, le bon fonctionnement des relations au travail ?) et dont l’appréciation serait faite par l’employeur. Cela lui permettra d’imposer sa vision du bon fonctionnement de l’entreprise, parfois au détriment des droits de la salariée.
Le principe, tel qu’il est rédigée, semble également élargir le critère au profit de l’employeur. L’article L1121-1 du Code du travail opte pour un critère plus précis et plus proche de l’activité même du salarié : “justifiés par là nature de la tâche à accomplir”. La jurisprudence a pu faire le lien entre la tâche à accomplir et le bon fonctionnement de l’entreprise dans certains cas mais le critère demeure jusqu’à présent au plus proche du poste du salarié et non en considération du bon fonctionnement général de l’entreprise.
Enfin, une certaine insécurité juridique aurait pu naître de la juxtaposition du principe 6° et de l’article L1121-1 du Code du travail. D’autant que l’avis consultatif du Conseil d’Etat rendu le 17 mars 2016, dans ses points 6 et 9, semblait indiquer que les principes auraient là valeur de “guide pour la refondation de la partie législative du code du travail 4“.
Le CNÉF croit donc utile de préciser pour une prochaine mouture qu’il serait heureux que le projet de loi El Khomri évoque explicitement là liberté de manifester ses convictions religieuses au travail tout en conservant le critère de là “nature de la tâche à accomplir” plutôt que celui du “bon fonctionnement de l’entreprise”, trop imprécis. Et que soit à nouveau rappelée que la laïcité ne s’applique pas aux salariés des employeurs privés, qui ne gèrent pas un service public 5.
Toujours sur cette question du travail, il nous parait utile de signaler que, comme pour d’autres religions, les associations non cultuelles de notre réseau (140 sont membres du CNÉF) sont pour la plupart des entreprises de conviction. S’est-il -dire que pour y travailler, il faut adhérer à une confession de foi et respecter les principes éthiques qui y sont attachées. Dans ce cadre aussi donc, les restrictions sont liée es aux postes à pourvoir et à là nature des taches à accomplir.
Cette notion d’entreprise de conviction ou de tendance mériterait d’ailleurs d’être explicitée, non seulement s’agissant des obligations en tant qu’employeur mais aussi en tant que co-contractant. Nous signalons que plusieurs de ces associations se demandent ce qu’il adviendra d’elles dans les cas où elles refuseraient de vendre des biens ou des services en raison de leurs convictions au regard de la réglementation de lutte contre les discriminations. De quoi est-il question ? Du refus de louer des salles pour des mariages de personnes de même sexe ou d’accorder des locaux à des activités associatives inspirées es par d’autres religions ou spiritualités. Comme la réglementation sur la lutte contre les discriminations ne prévoit pas ces exceptions, il y a là une incertitude qui peau se sur la liberté d’action de nos associations.
Quelques Remarques et réflexions conclusive
Laïcité et édifices du culte
Le CNÉF est en attente des publications issues du BCC et du Groupe de travail « Juristes inter cultes » concernant le Guide pratique « Gestion et construction des lieux de culte » et là mise à jour du Guide de l’AMF, « Le maire et les édifices cultuels ». Nous pensons que ces deux guides seront des outils utiles à la compréhension de la laïcité dans ce domaine tant par les porteurs de projets que par les collectivités locales. Nous en attendons un bénéfice direct sur le terrain en termes de pédagogie de la laïcité sur un sujet souvent sensible de part et d’autre.
Liberté d’expression et convictions éthiques
Deux de nos coreligionnaires ont été condamnés en première instance pour provocation à là discrimination en raison de l’orientation sexuelle et injure. L’affaire suit son cours et a été mise en délibéré au 25 mai 2016 par-là Cour d’appel de Bordeaux. Les protestants évangéliques suivent l’affaire avec attention et se demandent quelle liberté d’expression leur est effectivement laissée en-là matière. Ils observent qu’il existe une zone d’insécurité juridique autour des infractions d’injure, de diffamation, de provocation… Je cite ce que nous avons écrit dans notre dernier livret « Libre de le dire à l’Église 6 » : Cette incertitude juridique résulte, d’une part, de l’appréciation des faits au cas par cas par les juges du fond (chaque situation étant très spécifique) et d’autre part, d’une approche de plus en plus « subjective » des délits d’expression. En effet, pour caractériser l’infraction, la prise en compte du ressenti de la personne (la personne s’est sentie offensée, blessée ou attaquée) tend à remplacer une analyse objective des termes utilisés dans leur contexte (l’expression employée atteint les droits de la personne). Comme la question se déplace de l’objectif (ce qui est exprimé) au subjectif (ce qui est perçu), une place croissante est donnée e à l’arbitraire, en fonction des sentiments de là « victime ». Cette dérive pourrait restreindre sérieusement le périmètre de la liberté d’expression en interdisant de simples expressions d’opinions négatives à l’encontre de certaines personnes ou comportements. Ce phénomène est également amplifié par là possibilité d’instrumentalisation des procès par des groupes ou des individus qui porteraient plainte pour des propos déplaisants à leur égard et éventuellement sortis de leur contexte, sans que ces propos portent atteinte directement ou nommément à là dignité des personnes ou soient porteurs en soi de violences.
J’aimerais rappeler qu’on peut ne pas partager les convictions et les choix de vie d’une personne ou d’une catégorie de personnes sans pour autant les rejeter ou les mépriser. C’est ce que, en disciples du Christ, les protestants évangéliques s’efforcent de faire. Certes ils désapprouvent les pratiques homosexuelles, mais accueillent et aiment leurs prochains homosexuels.
L’état d’urgence et les possibles dérives liberticides
Bien que nous ne soyons ni les premiers ni les seuls à le faire, il nous semble pertinent d’alerter le gouvernement sur l’équilibre nécessaires entre là protection de l’ordre public et là préservations des libertés individuelles et collectives, en particulier là liberté de pensée, de conscience et de religion. par exemple, il nous paraît indispensable que nos gouvernants ne cèdent pas aux approximations médiatiques et s’en tiennent, dans le discours comme dans les mesures prises, à des définitions précises qui ne laissent pas place à l’insécurité juridique ou aux “délits d’opinion” mais visent strictement les menaces à l’ordre public. Par exemples, les termes “radicalisation” ou “extrémisme” abondamment utilisés ne sont pas dénués daàmbiguîtés. En effet, ce sont des concepts relatif : on est toujours radical pour son voisin modéré ou extrémiste pour celui qui se contente d’adopter les mœurs ambiantes. Or ce dont il est question avec l’état d’urgence, ce sont plutôt de violences, de troubles à l’ordre public, de menaces sur là paix et les libertés d’autrui. Il ne faudrait pas considérer, par paresse intellectuelle ou commodité politique, toutes les minorités comme “radicales” ou “extrémistes”, parce qu’elles s’écartent sur tel ou tel point des opinions ou des comportements majoritaires. Les protestants évangéliques peuvent être considérés, à bien des égards, comme des radicaux pour Christ, mais ils ne menacent pas pour autant l’ordre public et ne constituent aucun danger pour la société comme voudraient le laisser croire certains médias ou intellectuels 7.
Il me reste pour conclure à dire combien le CNÉF apprécie le travail de l’Observatoire de la laïcité en raison de son approche juridique, de son traitement non polémique des problématiques qui vise l’apaisement et de son travail pédagogique de qualité.
Étienne Lhermenault