De la guerre à la guerre 1914-1945

 

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Ils sont ajoutés sur les pages [Histoire de l’Eglise: Eglise et unité] ou [L’Orthodoxie, Eglise des sept Conciles] au fur et à mesure de leur parution

 

XXIV Benoit XV et la Guerre

 

Les 60 cardinaux électeurs vont liquider le clan anti-moderniste de la curie conduit par De Lai et Merry Del Val, et élire le 3 septembre 1914 Giacomo della Chiesa 59 ans, Cardinal-Archevêque de Bologne, qui prend le nom de Benoit XV.

Il hérite d’une situatuion médiocre avec des moyens diplomatiques qui sont médiocres, à l’image des relations médiocres de Pie X avec les états laïcs.

Seuls 14 états ont une représentation auprès du Vatican.

 

Apaisement de la crise moderniste

 

« …A l’égard ensuite des questions, où, sans détriment de la foi ni de la discipline, on peut discuter le pour et le contre, parce que le Saint-Siège n’en a encore rien décidé, il n’est interdit à personne d’émettre son opinion et de la défendre ; mais que dans ces discussions on s’abstienne de tout excès de langage, qui pourrait offenser gravement la charité ; que chacun soutienne son avis librement, mais qu’il le fasse avec modération, et ne croie pas pouvoir décerner aux tenants d’une opinion contraire, rien que pour ce motif. »

Dès sa première encyclique Ad beatissimi apostolorum principis [1] Benoit XV siffle la fin de la récréationMême si la commission biblique continue à s’aventurer à des affirmations imprudentes, l’encyclique Siritus Paraclitus[2]  invite -et c’est une vraie rupture avec le pontificat précédent- à lire les Ecritures Saintes : « Pour Nous, Vénérables Frères, à l’exemple de saint Jérôme, jamais Nous ne cesserons d’exhorter tous les chrétiens à faire leur lecture quotidienne principalement des très saints Evangiles de Notre-Seigneur, ainsi que des Actes des Apôtres et des Epitres, de façon à se les assimiler complètement. » même si elle continue à condamner la méthode historico-critique[3]

En 1917, le Code de droit canonique mis en chantier sous Pie X est promulgué

Le serment anti-moderniste est maintenu.

 

La guerre de 1914-1918

 

Dès le 3 septembre Benoit XV a vécu dans la conscience aiguë de la tragédie de la guerre et n’a eu qu’un but, le rétablissement de la paix : le 8 septembre il publie une exhortation  apostolique sans langue de bois : « Nous avons été frappé d’une horreur et d’une angoisse inexprimables par le spectacle monstrueux de cette guerre, dans laquelle une si grande partie de l’Europe, ravagée par le fer et le feu, ruisselle de sang chrétien. »[4]

Les puissances centrales ne comprennent pas pourquoi le pape refuse de soutenir officiellement l’Autriche-Hongrie, seul pays officiellement catholique, et l’Allemagne, qui compte les très catholique Bavière et Rhénanie, contre des États visiblement anticatholiques : la protestante Angleterre, « oppresseur » de l’Irlande, la Russie,  schismatique, « oppresseur » quant à elle de la Pologne, mais aussi la France, « foyer de l’athéisme ».

Les positions de Benoit XV ne seront jamais comprises ni acceptées alors qu’elles sont les seules tenables. Chacun le souhaite dans son camp et l’accuse d’être dans l’autre…«Il a exhorté à maintes reprises les peuples à conclure une paix juste, et offert ses bons offices ou sa médiation en vue d’une pacification générale. Ses échecs successifs ne l’ont jamais amené à renoncer pendant le conflit, malgré l’incompréhension presque totale à laquelle il s’est heurté. Ses désirs de neutralité -bien plus, d’impartialité- ont été vécus dans les deux camps opposés comme un manque de courage politique : on était persuadé qu’il y avait bien choix, celui de l’autre camp, que le pape n’exprimait pas par hypocrisie. Car la haine de l’ennemi est constitutive de la croisade, et le pape, paradoxalement, ne peut la diriger, lui qui a des enfants dans les deux camps.[5] »

Le 1 aout 1917 il envoie une « lettre aux chefs des peuples belligérants »[6] qui sera très mal reçue parce que trop raisonnable dans un moment déraisonnable. « L’impossibilité mentale de reconnaître dans l’ennemi, vu comme responsable des atrocités, du viol du territoire, un chrétien -plus, un catholique- explique en grande partie l’incompréhension des belligérants, catholiques ou non, face au pape »[7]

Sur le terrain

 

     Une situation fortuite va ouvrir des horizons œcuméniques et même interreligieux inattendus : « Au front, les aumôniers des « minoritaires » (protestants et juifs) trouvent une place plus importante en proportion que leurs effectifs en chiffres absolus. Car les hommes d’Églises, qu’ils soient catholiques, protestants ou juifs, font le même métier, ils consolent, encouragent, assistent…. Quelle que soit leur foi, ils partagent la même, la foi en la victoire, et cela explique la multiplications de rencontres, improbables avant la guerre. Non seulement les croyants des différentes confessions peuvent mener un dialogue impossible jusque-là, mais encore ils côtoient des agnostiques voire des libres-penseurs, qui, pour leur part, se trouvent confrontés à la foi, voire à l’acte de foi. Une fois admise la part de la propagande édifiante, demeure la vraie nouveauté de ces rencontres spirituelles ancrées dans l’énergie commune du patriotisme et du rejet de l’ennemi.[8]»

L’autre va devenir un peu moins différent

 

Après la guerre

     Le pape se montre très pessimiste sur le règlement du conflit.

Dans son encyclique Pacem, Dei munus pulcherrimum[9] du 23 mai 1920, il désapprouve le traitement jugé trop humiliant réservé à l’Allemagne « Il est superflu de démontrer longuement que la société humaine subirait les plus graves dommages si la signature de la paix laissait subsister de sourdes haines et des rapports hostiles entre les nations. » et condamne le découpage opéré par le traité de Versailles « Si presque partout on a mis, en quelque façon, un terme à la guerre, si l’on a signé des traités de paix, on n’a pas extirpé les germes des anciennes discordes ; et vous ne doutez pas, Vénérables Frères, que toute paix est instable . »

Au sortir de la guerre, le cardinal Gasparri s’efforce de renouer les liens entre le Saint-Siège et les nations. Le nombre d’États représentés au Vatican augmente, ainsi que les nonciatures à l’étranger.

  • La France finit également par se réconcilier avec le Saint-Siège : Benoît XV canonise Jeanne d’Arc le 16 mai 1920 et à cette occasion, Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères et représentant extraordinaire de la France lors des cérémonies, rencontre le cardinal Gasparri et Benoît XV, première étape au rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États, qui aura lieu en mai 1921.
  • Le premier concordat de la série sera signé avec la Lettonie le 30 mai 1922

Le pape Benoît XV meurt brutalement le 22 janvier 1922, après sept ans de pontificat, à l’âge de 67 ans

 

 

[3] En 1923, sous le pontificat suivant, Le Manuel biblique de Vigouroux sera mis à l’Index, et le P. Lagrange se vera empêché de publier ses travaux sur la Genèse. Le sulpicien Jules Touzard subira également les foudres du Saint-Office pour avoir mis en doute l’attribution à Moïse en personne des livres du Pentateuque : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ex%C3%A9g%C3%A8se_historico-critique_de_la_Bible#:~:text=L’ex%C3%A9g%C3%A8se%20historico%2Dcritique%20de,production%20ainsi%20que%20leurs%20destinataires.
[4]Exhortation apostolique Ubi primum. Appel à la paix entre les belligérants : https://laportelatine.org/formation/magistere/exhortation-apostolique-ubi-primum
[5] BECKER Annette. L’histoire religieuse de la guerre 1914-1918. In: Revue d’histoire de l’Église de France, tome 86, n°217, 2000. Un siècle d’histoire du christianisme en France. pp. 539-549. DOI : https://doi.org/10.3406/rhef.2000.1431 www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_2000_num_86_217_1431
[7] BECKER Annette. L’histoire religieuse de la guerre 1914-1918 op. cit.
[8] BECKER Annette. L’histoire religieuse de la guerre 1914-1918 op.cit.

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